À la mi-2017, une brusque détérioration

Pour juguler la crise, le gouvernement sous la houlette du chef de l’État a pris des mesures de resserrement budgétaire pour maintenir l’équilibre des finances et des mesures de mobilisation plus accrue des recettes et de reconstitution progressive des réserves de change.

 

En juin-juillet 2017, la situation économique et financière du pays a été marquée par une accélération de la dépréciation du taux de change du franc par rapport au dollar, qui a atteint même 1 700 francs. Elle a été aussi marquée par une augmentation du taux d’inflation qui atteint en rythme mensuel 8,1 % en juillet 2017. Et elle a été enfin marquée par une forte baisse du niveau des réserves internationales de change tombées à 690 millions de dollars.

Face à cette détérioration de la situation, le gouvernement a eu la riposte prête. Le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, a rappelé que le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a mis en place un comité mixte stratégique.

Ce comité a reçu mission, dans un premier temps, de stabiliser la situation, notamment en arrêtant la dépréciation de la monnaie, en contenant le rythme de l’inflation et en confortant le niveau des réserves de change. Et par la suite, de travailler sur la relance de la production intérieure. Le conseil des ministres a entériné les mesures initiées ainsi que les actions menées par ce comité au cours de sa réunion du 30 août 2017.

Le ministre des Finances a confié que deux principales catégories des mesures ont été prises en juin 2017. D’une part, des mesures de resserrement budgétaire ayant pour objectif de maintenir l’équilibre des finances publiques en vue d’éviter des déficits de la trésorerie publique, préjudiciable à la stabilité de la monnaie nationale.

Et d’autre part, des mesures visant une mobilisation plus accrue des recettes et une reconstitution progressive des réserves de change. C’est ainsi qu’ont été prises des mesures sur l’alignement des dépenses aux recettes réellement encaissées et…

…la priorisation des dépenses contraignantes (rémunérations, sécurité et dépenses de souveraineté, CENI et dette extérieure), des mesures de lutte contre la fraude et la contrebande, notamment l’application ferme du décret limitant le nombre des services autorisés à prester aux frontières, l’assainissement de la profession des commissionnaires en douane, la redéfinition et la requalification du commerce frontalier.

D’autres mesures ont porté sur la suppression des taxes illégales sur les importations, la réorganisation du guichet unique du commerce extérieur, l’instauration d’un bulletin unique de liquidation des taxes perçues par les services autorisés à intervenir dans les opérations d’import-export ou à prester aux frontières, sans oublier le rappel de l’application des dispositions de la réglementation de change relatives au rapatriement des devises par les exportateurs, spécialement par les miniers, dans le but de reconstituer les réserves internationales.

Il y a eu également, comme mesure structurelle destinée à booster les recettes fiscales, la tenue du Forum national sur la réforme du système fiscal dont la finalité est de doter le pays d’un système fiscal simple, compétitif et à rendement élevé. Selon le ministre Yav, on retiendra utilement comme principaux acquis de ces mesures, outre l’adoption de plusieurs textes juridiques destinés à encadrer les différentes mesures (décrets, arrêtés interministériels et ministériels, circulaires), touchant les secteurs des finances, du commerce extérieur, de l’économie nationale, mines, portefeuille et de la réglementation de change), l’accalmie de la surchauffe enregistrée sur le marché de change, la stabilisation relative de la valeur de la monnaie nationale, la réduction du taux d’inflation mensuel et le relèvement progressif et substantiel du niveau des recettes de l’État et des réserves internationales.

En effet, au 31 décembre 2017, les services du ministère des Finances ont noté un rebond quoiqu’encore timide du taux de croissance du PIB réel qui devrait atteindre 3,4 % à fin décembre 2017 contre 2,4 % en 2016. Ils ont aussi noté une accalmie sur le marché des changes où le taux de change indicatif de la monnaie nationale contre le dollar s’est établi à 1 592 francs à fin décembre 2017, après la période de forte volatilité enregistrée entre juin et juillet 2017, ce qui situe le taux de dépréciation du franc à 23,63 % en 2017 contre 23,67 % en 2016. Ils ont ensuite noté une décélération du taux de l’inflation qui, quoique s’élevant fin 2017 à 54,7 % contre 23,6 % en 2016 à la suite de l’envolée des prix enregistrée en mai, juin et juillet, a connu en rythme hebdomadaire une décélération avec une moyenne, depuis août 2017, de moins de 1 % contre près de 2 % entre juin et juillet.

Les actions prioritaires en 2018

Selon le ministre Yav, l’évolution des finances publiques a été globalement bonne grâce à une gestion rigoureuse des ressources. Malgré une tendance haussière constatée au dernier trimestre de 2017, elles sont restées relativement faibles par rapport aux besoins demeurés constants, voire en hausse, a-t-il encore souligné. Grâce donc à « cette discipline budgétaire marquée par le refus des déficits de trésorerie », le gouvernement a pu, non seulement honorer l’essentiel des dépenses contraignantes, mais aussi terminer l’année 2017 avec des excédents de trésorerie cumulés de 50,8 milliards de francs après deux années successives (2015-2016) qui se sont terminées par des déficits respectifs de 258 milliards et 478 milliards de francs.

Cette relative bonne tenue des finances publiques a permis au gouvernement de diminuer le crédit net à l’État et de favoriser l’accumulation par la Banque centrale des réserves internationales. Celles-ci ont augmenté de 686 millions de dollars en juin 2017 à 860 millions à fin décembre de la même année, grâce à une stabilité retrouvée du franc sur le marché des changes. D’après le ministre des Finances, la compression des dépenses, conséquence des arbitrages effectués en fonction des disponibilités de trésorerie, a eu à décaler le financement des investissements publics dans les domaines des infrastructures, de la santé et de l’éducation.

Pour lui, les résultats ainsi obtenus dénotent des « efforts notables » déployés pour stabiliser le cadre macroéconomique. « En dépit de l’embellie constatée à fin 2017, il paraît important de ne pas relâcher les efforts et de prendre les dispositions non seulement pour consolider ces acquis, mais aussi et surtout pour amplifier les résultats obtenus par une relance de la production locale », a-t-il insisté. Convaincu que « la relative stabilisation ainsi réussie du cadre macroéconomique permet d’envisager cette année des actions de relance économique reposant sur la production intérieure sur des bases assainies ».

Rien à faire, laisse-t-il entendre, car « les pressions attendues sur les dépenses liées notamment au financement du processus électoral et le contexte d’agitation politique généralement perceptible en période préélectorale font que le gouvernement devra maintenir la même discipline budgétaire ». Et de poursuivre : « De son côté, la Banque centrale du Congo devra coordonner sa politique monétaire avec la politique budgétaire du gouvernement de zéro déficit de trésorerie en évitant toute action de création de surliquidités sur le marché monétaire. »

Sur le plan budgétaire, en général, et pour ce qui est de la mobilisation des ressources internes en particulier, le ministre des Finances est d’avis que « l’entrée en vigueur du code minier et la mise en œuvre effective de la réforme fiscale dont les premières mesures d’application immédiate ont été intégrées dans la loi de finances 2018, sont d’une importance capitale pour permettre à l’État de faire face à ses engagements au cours de cette année électorale, tout en préservant les équilibres macroéconomiques ».

Relance de la production intérieure

Outre la nécessité de conforter et de consolider les résultats engrangés en 2017, Henri Yav Mulang pense qu’un accent devra être mis sur la relance de la production intérieure dans les différents secteurs d’activité économique, avec comme priorité la production agricole. Cette deuxième composante d’actions prioritaires en 2018 reposera principalement sur le développement de la production agricole et agroindustrielle s’appuyant tant sur la poursuite du soutien à certaines unités agroindustrielles existantes et la relance de la production paysanne, en interaction avec les autorités provinciales et locales. Elle repose aussi sur le financement des investissements dans le secteur agricole et dans les infrastructures des voies d’évacuation de la production (routes de desserte agricole, balisages des voies fluviales et lacustres, redynamisation des activités de la SNCC…) et sur la transformation des produits agricoles. Elle repose enfin sur la réalisation des projets à impact visible ayant des effets directs sur les conditions de vie de la population tant rurale qu’urbaine (adduction et forage des puits d’eau, électrification rurale, entretien de la voirie et assainissement des grands centres urbains…).

Henri Yav a rappelé que « ces actions sont tirées des 28 mesures urgentes du gouvernement dont la mise en œuvre permettra de réduire progressivement la dépendance du pays vis-à-vis de l’extérieur dans le domaine alimentaire, de réaliser des économies des devises affectées aujourd’hui aux importations des biens de consommation et de contribuer à développer la résilience de notre économie nationale ».

Tous ces éléments, a-t-il conclu, seront intégrés dans le cadre d’un programme économique prioritaire du gouvernement décliné sous la forme d’une feuille de route reprenant les différentes actions à mener, une estimation des moyens pour leur financement ainsi qu’un chronogramme de leur réalisation. Cette feuille de route sur laquelle travaille le comité mixte stratégique devra être présentée lors d’une prochaine réunion du conseil des ministres.