Action climatique : une course que l’Afrique peut et doit gagner

Addis-Abeba a accueilli la 8è conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique sur le thème « Intensifier l’action climatique en faveur d’une Afrique résiliente - Une course que nous pouvons et que nous devons gagner » du 28 au 30 août.

C’EST À L’INITIATIVE de la Commission de l’Union africaine (UA), la Commission économique pour l’Afrique (CEA) et la Banque africaine de développement (BAD), en collaboration avec le gouvernement éthiopien et l’Alliance panafricaine pour la justice climatique que cette rencontre a eu lieu dans la capitale éthiopienne où se trouve le siège de l’UA. «  Nous sommes en train de perdre le combat contre les changements climatiques… Le statu quo sur les politiques climatiques est un suicide… La technologie joue en notre faveur… Nous avons besoin de la volonté politique pour lutter contre les changements climatiques… Si nous échouons dans ce domaine, nous échouons dans tous les domaines… », a alerté, pathétique, António Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU). 

Pour rappel, l’Accord de Paris sur le climat est fondé sur une approche volontaire de bas en haut et qui nécessite que toutes les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques élaborent des contributions déterminées au niveau national volontaires mais ambitieuses, les diffusent, les mettent en œuvre et rendent compte de leur réalisation afin de lutter contre les changements climatiques et de s’adapter à ses effets négatifs. 

Le paragraphe 1 de l’article 2 de l’Accord de Paris indique qu’il vise à renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques, dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté, notamment en contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Mais aussi en renforçant les capacités d’adaptation aux effets néfastes des changements climatiques et en promouvant la résilience à ces changements et un développement à faible émission de gaz à effet de serre d’une manière qui ne menace pas la production alimentaire ; ainsi qu’en rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». Le paragraphe 2 de l’article 2 indique en outre que le présent Accord « sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux différentes situations nationales. 

Les conséquences

En octobre 2018, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a publié le rapport spécial intitulé « Global Warming of 1,5°C » (« Un réchauffement planétaire de 1,5°C ») portant sur les conséquences qu’aurait un réchauffement planétaire limité à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et sur les trajectoires d’émissions mondiales de gaz à effet de serre associées, dans le contexte du renforcement de l’action mondiale contre la menace posée par les changements climatiques, du développement durable et de la lutte contre la pauvreté. 

Entre autres conclusions, les auteurs du rapport notent que les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1°C sont déjà observables et se manifestent par des phénomènes météorologiques extrêmes, l’élévation du niveau de la mer et la diminution des glaces de la mer Arctique, entre autres changements. Ils prévoient qu’avec un réchauffement compris entre 1,5 et 2 °C, l’Afrique se réchauffera plus vite que tous les autres continents et atteindra la marque des 2°C de réchauffement avant 2050, et démontrent que cela fera augmenter l’intensité des précipitations extrêmes en Afrique australe. Les auteurs du rapport font également remarquer que la différence entre les effets d’un réchauffement de 1,5°C et de 2°C est significative et soulignent qu’un certain nombre de conséquences des changements climatiques pourraient être évitées en limitant le réchauffement mondial à 1,5°C contre 2°C ou plus. 

Limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C donnerait aux économies, aux écosystèmes et aux sociétés plus de chance de s’adapter et de rester en dessous du seuil de risque pertinent, facilitant ainsi la réalisation des objectifs de développement durable. Cependant, au-dessus de cette limite, l’adaptation devient de plus en plus difficile, et le risque d’interférence irréversible avec le système climatique augmente.

Les effets des changements climatiques se font sentir partout et ont des conséquences bien réelles sur la vie des gens. Les changements climatiques perturbent les économies nationales en faisant augmenter les coûts et les effets négatifs sur la santé, les sources de revenus et les écosystèmes. Le rapport du GIEC conclut que l’Afrique continuera de connaître une augmentation des températures et de la variabilité des précipitations, entraînant une perte de rendement des cultures de base. 

Politiques pragmatiques

L’élaboration de politiques pragmatiques orientées vers l’adaptation et la mitigation des conséquences du réchauffement de 1,5°C et de 2°C dans des secteurs clefs comme l’agriculture, l’eau, l’énergie et la santé est donc inévitable. 

C’est particulièrement vrai pour les pays africains, qui ont le moins contribué aux émissions mondiales mais qui sont déjà sévèrement touchés par les effets néfastes des changements climatiques, notamment le comportement inhabituel du phénomène El Niño, attribuable aux changements climatiques, qui a causé plusieurs sécheresses et inondations sévères dans la Corne de l’Afrique et en Afrique australe (entraînant l’arrêt quasi-total de la production d’hydroélectricité du barrage de Kariba, avec de graves conséquences économiques en Zambie et au Zimbabwe) ; les insécurités climatiques grandissantes, comme l’insécurité alimentaire, la perte des habitats naturels et la diminution des ressources naturelles et l’apparition de conflits connexes ; et une augmentation sévère des inondations, des sécheresses et des vagues de chaleur.

La National Oceanic and Atmospheric Administration des États-Unis a confirmé que juin 2019 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré, tandis que l’Organisation météorologique mondiale a confirmé que celui de juillet avait égalé, et peut-être dépassé, le record du mois le plus chaud depuis que les analyses ont commencé. Si l’évaluation des conséquences de ces observations sur l’état du réchauffement et sur l’Afrique est en cours, il a été établi que 2017 a été une année d’inondations importantes en Afrique de l’Est et en Afrique centrale. 

En juillet 2017 au Ghana, la zone urbaine d’Accra, la région du Centre, la région Orientale et la région Occidentale ont été déclarées « zones d’urgence inondées ». En août 2017, les inondations et les glissements de terrain ont tué plus d’un millier de personnes et enseveli des centaines de maisons à Freetown, en Sierra Leone. En Côte d’Ivoire, les fortes pluies ont inondé la région Sud-Ouest autour de San Pedro, menaçant les plantations de cacao. De plus, en août 2017, des tempêtes intenses ont touché Lagos et Port Harcourt au Nigéria, déclenchant des inondations massives qui ont tué de nombreuses personnes et ont détruit des maisons. Au Niger, pays voisin, de fortes précipitations continues ont causé des inondations étendues, la destruction de maisons et la perte de propriétés dans plusieurs régions, y compris à Niamey. 

Des inondations ont également touché la Guinée et le Mali. L’Afrique australe a également connu des phénomènes météorologiques extrêmes à une fréquence accrue. Entre 2018 et 2019, des inondations dévastatrices, notamment celles causées par les cyclones Desmond, Idai et Kenneth, ont touché toute la sous-région, en particulier l’Afrique du Sud, l’Angola, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe. Au Malawi, au Mozambique et au Zimbabwe, plus d’un millier de personnes ont été tuées, alors que des centaines de milliers ont eu besoin d’aide suite aux dégâts colossaux du cyclone Idai… 

Il apparaît clairement que la menace d’inondations et d’autres événements climatiques extrêmes ne fera que grandir dans un avenir prévisible. Étant donné que la menace d’inondations, de sécheresses et de vagues de chaleur sera amplifiée en parallèle à l’accroissement de la variabilité du climat, la meilleure stratégie d’adaptation consiste à améliorer la résilience des économies, des infrastructures, des écosystèmes et des sociétés face aux cycles et aux changements climatiques.