Addiction de l’économie congolaise à l’industrie extractive

Les mines feront-elles de la RDC un pays émergent ? La question a été au cœur de la sixième édition d’un colloque organisé, du 5 au 8 août à la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN). Thème principal : « Pour un secteur minier, moteur de croissance économique en vue de l’émergence de la RDC ». 

Augustin Kasanda Ngoy, secrétaire général au ministère des Mines, a démontré l’importance du secteur dans l’économie nationale en donnant les chiffres-clés à partir des statistiques les plus récentes fournies notamment par la Banque centrale du Congo (BCC). En 2013, ce secteur et celui des Hydrocarbures représentait près de 97,7% du commerce extérieur de la RDC, tandis que le  secteur agricole, avec le café, le cacao et le caoutchouc ne représentait que 1%. La contribution du secteur industriel et énergétique est quasi nulle avec 0,3%. Ces exportations ont généré des revenus de plus de 11 milliards de dollars. Le secteur minier et pétrolier est donc la principale source de devises du pays. Mais à l’époque de l’État indépendant du Congo, propriété du roi Léopold II, il n’en était pas ainsi. C’était plutôt le secteur agricole qui procurait l’essentiel des revenus à l’EIC, notamment grâce à la Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie (CCCI), qui exportait du caoutchouc et de l’ivoire.

En 1901, le commerce du  caoutchouc, à lui seul, représentait 87% des revenus à l’État Indépendant du Congo (EIC) contre 13% aux autres secteurs. C’est avec ces revenus issus de l’agriculture que les sociétés à charte ont pu investir dans les  mines. La Gécamines, la Miba, et l’ex-Okimo sont les fruits des investissements issus de l’agriculture. En termes de contribution à la formation du PIB, les mines occupent aussi une place importante. Les statistiques de 2013 montrent que le secteur primaire, dont fait partie de secteur, contribue à hauteur de 41% à la formation du PIB de la RDC. Sur ce pourcentage, les mines ont presque  jeu égal avec le secteur agricole : 20,9 % contre 20,1 % ; le secteur secondaire pour 22 % et le secteur tertiaire pour 32 %. Et les 5 % restants, sont constitués de taxes. Financièrement parlant, la contribution de ces trois secteurs se présente de la manière suivante : secteur primaire (16,5 milliards de dollars), secteur secondaire (8,8 milliards de dollars) et le secteur tertiaire (13,2 milliards de dollars). Sur le budget de l’État de 2013, qui s’élevait à 7,2 milliards de dollars, le secteur minier représente 18%. En termes d’emplois, le secteur minier emploie 900 000 personnes dont 800 000 dans l’exploitation du secteur minier artisanal et seulement 100 000 dans le secteur minier industriel. Tenke Fugurume Mining, la plus grande entreprise minière de la RDC, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dollars ne compte que 3 500 emplois directs. Après l’État, avec près de 1 million d’agents, le secteur minier artisanal est donc le plus grand pourvoyeur d’emplois en RDC. Vu la structure de l’économie congolaise, il est presque impossible d’atteindre l’émergence. Mais, selon Kassanda Ngoy, atteindre l’émergence, via les mines notamment, est une tâche immense mais pas impossible. Pour cela, il faut, soutient-il,  une mutation progressive des activités minières du secteur primaire vers le secteur secondaire. Il faudra aussi recourir davantage aux entreprises congolaises dans la sous-traitance des activités minières. La production essentiellement basée sur le cuivre, est un handicap. D’où la nécessité de la diversifier en allant notamment vers le fer, les métaux stratégiques et les terres rares. Surtout quand on sait qu’u kilo de terres rares revient à 1 million de dollars là où une tonne de cuivre coûte moins de 6 mille USD. Pour atteindre ces objectifs, Augustin Kasanda a annoncé que l’État va créer un Service géologique national. Le respect par les entreprises minières de leurs responsabilités sociales et la diversification de l’économie grâce à l’argent généré par les mines sont les deux derniers préalables pour atteindre l’émergence. Pour une meilleure mise en œuvre de toutes ces stratégies, le secrétaire général aux Mines préconise la création d’un Centre d’études stratégiques et d’intelligence économique.