Aéroport de Mbuji-Mayi : CAA accusée de concurrence déloyale

 La piste d’aviation de la ville diamantifère est délabrée à plus de 60 % et ne peut donc plus accueillir des aéronefs de plus de 40 tonnes. Alors que les autres compagnies s’en tiennent à la directive pour ne pas mettre la vie des passagers en danger, CAA joue au téméraire. 

L’avion Airbus A320 de Compagnie africaine d’aviation (CAA) continue de se poser sur Bipemba – nom que porte l’aéroport de Mbuji-Mayi -, alors que d’autres compagnies, comme Ethiopian Airlines, déplorent une « concurrence déloyale » et « menacent » de ne plus desservir le chef-lieu du Kasaï-Oriental, apprend-on des sources bien renseignées. Tel un effet domino, Congo Airways (CGA) s’estime aussi avoir été préjudiciée. En effet, la compagnie nationale aérienne ne dessert actuellement Mbuji-Mayi que par des appareils de moindre tonnage. 

Fin décembre 2015, du temps du directeur général Claude Kirongozi, Congo Airways avait dû suspendre ses vols à destination de Mbuji-Mayi, à la suite d’un atterrissage mouvementé de son Airbus A320. Des pierres se détachaient, en effet, de la piste et heurtaient violemment la carlingue de l’avion. À l’impossible nul n’étant tenu et dans le souci de sortir le centre du pays de l’isolément, mais avec sérénité et sécurité, le nouveau management Louise Mayuma Kasende (présidente du Conseil d’administration) – Désiré Balazire Bantu (directeur général) a décidé de maintenir la ligne par le biais des avions porteurs de moyens tonnage. 

Sauf-conduit 

Principale voie d’accès aux provinces enclavées de l’espace kasaïen, l’aéroport de Bipemba rapporte gros. Ici, tout ou presque, est acheminé par voie aérienne : produits manufacturiers, ciments et même du carburant. Dans les milieux des transporteurs aériens, l’on grommelle sur ce « sauf-conduit » de fait dont jouirait la compagnie des Blattner. En une rotation, l’Airbus de CAA peut apporter une quantité de fret qui nécessiterait au moins deux rotations aux autres compagnies de transport aérien qui utilisent des avions adaptés à la piste de Bipemba, explique un expert. 

Ancien des Lignes Aériennes Congolaises (LAC), il accuse de passivité, sinon de complicité, l’Autorité de l’Aviation Civile (AAC) et la Régie des voies aériennes (RVA), dans ce qu’il désigne par « concurrence déloyale ». Et, par ricochet, le ministère des Transports et des voies de communication se retrouve aussi pointé du doigt. « Avec un gros porteur, le risque d’un crash est toujours imminent sur Bipemba. Rappelez-vous de cet Antonov bourré de cargaison qui a manqué son décollage, dépassé la piste et foncé sur le marché Type K en janvier 1996 à Kinshasa… », redoute-t-il. On rapporte que l’Airbus A320 de CAA est resté cloué au sol sur le tarmac de l’aéroport de Mbuji-Mayi, le 16 avril, à la suite d’une panne. Quarante-huit heures plus tard, passagers et frets ont été transportés vers Kinshasa par un  Foker 50 au terme de trois rotations. Que fin mai, un Foker 50 de CAA assurant la liaison Goma-Lodja-Mbuji-Mayi-Kinshasa, a été retenu à l’aéroport de N’Djili à Kinshasa par le groupe technique de Sabena pour raison de maintenance, selon les explications fournies à la presse par les responsables de la compagnie. Cet avion qui assurait la ligne Goma-Lodja-Mbuji-Mayi n’a plus atterri dans le chef-lieu de la province du Kasaï-Oriental, suscitant les inquiétudes des passagers et autres opérateurs économiques qui avaient fait des réservations, d’après la presse locale. Il sied de rappeler que la Compagnie africaine d’aviation s’est retrouvée, ces dernières années, au centre de nombreuses brouilles avec les autorités congolaises et s’en est toujours tirée à bon compte. 

Conflictualités 

L’opinion se souviendra de la polémique suscitée par son Airbus A321 arrivé mi-janvier 2017 à Kinshasa. L’aéronef vieux de 18 ans devait normalement être interdit d’exploitation au regard d’un arrêté signé en 2012 par l’ancien ministre des Transports et des Voies de communication, Justin Kalumba. Cet arrêté interdisait l’importation d’avions de plus de 15 ans d’âge. Quelques mois plus tôt, l’alors ministre de l’Économie nationale, Modeste Bahati Lukwebo, avait déposé une plainte contre le patron de CAA, David Blattner, au Parquet général de la République, pour « imputations dommageables et calomnie » dans une affaire de grille tarifaire des billets d’avion. Simple coup d’épée dans l’eau. Voilà de nouveau CAA dans une nouvelle affaire « crapuleuse » de « concurrence déloyale » au vu et au su de toutes les autorités compétentes du secteur, restées bizarrement « amorphes ». Nous y reviendrons.