Afriland First Bank se distingue avec plus de 10 millions de dollars

À défaut de recréer la Banque des crédits agricoles, l’État, fort d’un prêt de 80 millions de dollars, obtenu en mi-2018, comptait créer un Fonds de 120 millions pour financer le secteur agricole, avec l’appui des banques commerciales.

PLUS DE SIX mois après, seule Afriland First Bank soutient avoir investi 10,4 millions de dollars dans le domaine agricole en République démocratique du Congo, dans le cadre du projet mis en place par le gouvernement fin 2018. Selon Patrick Kafindo, son directeur-général adjoint, Afriland First Bank a la ferme volonté d’accompagner l’État dans l’implantation de projets visant à lutter contre la pauvreté en milieu rural. « Notre expérience dans le financement du secteur agricole et l’élargissement de notre réseau d’agences dans les provinces à vocation agricole, démontre à suffisance notre intérêt d’intégrer les zones rurales dans le processus du développement », déclare-t-il. 

Avec son portefeuille des crédits destinés au secteur agricole, Afriland First Bank a offert un prêt à 246 exploitants agricoles. Des emprunts à rembourser après une période de 3 ans au taux de 12 % l’an. À ce jour, les provinces bénéficiaires des crédits agricoles sont le Lualaba, le Tanganyika, le Haut-Lomami et le Sud-Ubangi. 

Plutôt des intentions 

En juillet 2018, Equity Bank avait aussi fait part de son intérêt d’accorder des crédits aux paysans congolais afin qu’ils puissent transformer leurs produits localement. Mais, il appert que plusieurs mois après, l’apport d’Equity se ferait toujours attendre. Autant que celle d’Advans Bank qui a également confié vouloir « offrir des crédits aux exploitants agricoles afin d’accompagner le développement de la RDC ». D’une durée de 3 à 24 mois, le montant de ces crédits varie de 500 à 14 999 dollars. Mais y accéder relève plutôt du parcours du combattant.

Pourtant, dans le secteur agricole, le gouvernement entrevoit, dès 2019, « d’augmenter la production de cultures vivrières et maraichères (manioc, mais, riz, pomme de terre et haricots) par des campagnes agricoles, mener la poursuite de la création de centres de développement intégré et de parcs agroindustriels ainsi que la réduction de la vulnérabilité du secteur et la finalisation de l’architecture institutionnelle de tous les parcs agro-industriels. 

Autres actions visées, la construction d’infrastructures de production et de distribution agricoles, le développement des programmes de formation et des recherches ainsi que la lutte contre les maladies animales. Pour ce faire, le budget de l’agriculture se situerait sur les trois prochaines années, respectivement à 14 207 740 333 FC (en 2019), 14 729 218 985 FC (en 2020) et 15 249 175 669 FC (en 2021), soit un budget triennal de 44 186 134 987 FC.

Indice de Gini

Mais de l’avis des organisations paysannes, membres des associations de la société civile, avec environ 8 millions de dollars, le budget de l’agriculture est d’un niveau faible et ne représente que 3,56 % du budget général. 

Alors que le protocole de Maputo que la RDC a souverainement ratifié, recommande qu’au moins 10 % du budget soit alloué au secteur agricole. De l’avis des experts, le développement du secteur contribuerait à la création d’un grand nombre d’emplois, à lutter durablement contre la faim, à la sécurité alimentaire, à la diversification de l’économie et à l’émergence de l’économie endogène, qui mettrait fin à l’extraversion de notre économie. 

En RDC, grâce à l’agriculture, le coefficient de Gini – qui est en fait la mesure classique du degré d’inégalité – est assez bas. Le pays est, en effet, passé de 10 millions de cultivateurs, selon un rapport du PNUD à plus de 15 millions. Selon la Banque mondiale, l’agriculture représente plus de 40 % du BIP. Des chiffres qui ont tout l’air de bois mort, quand dans la plus riche région de la RDC, au Katanga, l’on doit encore importer de la farine de maïs, à prix fort, pour se mettre à l’abri de la famine. 

Il est vrai que le secteur agricole de la RDC regorge d’énormes potentialités : 80 millions d’ha de terres arables, soit près de deux tiers de toute l’Afrique et un fort potentiel halieutique alimenté par de nombreux cours d’eau et des lacs dont le lac Tanganyika, le plus poissonneux au monde. La RDC serait avant tout un scandale agricole avant d’être un scandale géologique, selon le Réseau gouvernance économique et démocratie, une mouvance de la société civile (RGED). Qui estime que l’implantation de nouveaux parcs agroindustriels devrait être suspendue tant qu’une évaluation du parc agroindustriel Bukanga-Lonzo, projet pilote, ne serait pas effectuée et conclue.  

Ce qui permettrait de capitaliser les leçons à tirer avant la création d’autres parcs agroindustriels pour l’avenir. Faute d’investissements, les potentialités agricoles du pays pourraient devenir porteuses de risques sécuritaires au regard non seulement du fait du réchauffement climatique qui a créé des réfugiés d’un genre nouveau (Mbororos, Maldives, etc.) mais aussi du fait des besoins en terres agricoles exprimés par des majors industriels prêts à tout pour gagner de grands espaces arables. 

Il y a 10 ans, en marge du Sommet mondial sur la sécurité alimentaire de la FAO qui s’est à New York, les altermondialistes avaient dénoncé le phénomène d’accaparement des terres qui était dorénavant encouragé par des gouvernements des pays riches dans de nombreux pays du Sud, tout particulièrement l’Afrique, où selon un rapport, existent encore d’importantes réserves de terres sous-exploitées, non exploitées ou supposées vierges et disponibles à bas prix. 

Il s’est dit que la Chine aurait en catimini multiplié des accords fonciers, sous le label doucereux d’accords de coopération agricole avec la RDC. Pékin aurait ainsi obtenu 2,8 millions ha pour y implanter la plus grande palmeraie du monde. Difficile d’en avoir la confirmation. Toutes les démarches menées par Business & Finances auprès du ministère de l’Agriculture pour faire la lumière sur ce deal se sont avérées vaines. 

Mis à l’index, le suisse Nestlé, première société mondiale d’alimentation et de boissons, a annoncé le 1er février dernier, qu’elle ne rendrait publique qu’en mi-2019, la liste des fournisseurs de 15 produits agricoles prioritaires représentant 95 % de son approvisionnement global en matières premières. Les données devant être divulguées comprennent des informations sur les fournisseurs, les emplacements en amont, les pays d’origine et les volumes achetés pour chaque commodité.  « D’ici mi-2019, nous publierons aussi des informations sur les chaînes d’approvisionnement d’autres produits comme la noix de coco, les épices, le café, le cacao, le lait, les céréales, le sucre, les légumes et les fruits de mer », a indiqué Magdi Batato, le responsable des opérations pour la multinationale helvétique.  Nestlé a fermé, en 2018, son usine de Kinshasa mais en possède encore dans 85 pays. La firme serait intéressée par le cacaoyer de Bengamisa, dans la province de Tshopo. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 89,7 milliards de francs suisses en 2017.