Akinwumi Adesina, la nouvelle tête de la Banque africaine de développement

Le ministre nigérian de l’Agriculture a surpris beaucoup de monde. Si cet économiste spécialisé dans l’agriculture est un inconnu pour le grand public, force est de constater que le lobbying de son pays a été efficace. Il a cinq ans pour réaliser son credo : une croissance inclusive.

Akinwumi Adesina, le nouveau patron de la BAD.
Akinwumi Adesina, le nouveau patron de la BAD.

Dans trois mois, Akinwumi Adesina, 55 ans,  s’assoira dans le fauteuil  que lui cédera l’actuel patron de la Banque africaine de développement (BAD), le Rwandais Donald Kaberuka. Son élection, de haute main, le 28 mai, à Abidjan, démontre qu’il  ne faut pas nécessairement être issu des milieux financiers pour prendre la direction d’une institution comme la BAD. Car, en réalité, l’homme  n’est pas un inconnu pour tout le monde. En 2013, il avait été élu personnalité africaine de l’année par le magazine américain Forbes qui voyait en lui « un homme en mission pour aider l’Afrique à se nourrir elle-même ». Lorsque son trophée lui a été remis, Akinwumi Adesina  n’a pas laissé l’assistance indifférente lorsqu’il a dit : « Mon but est de faire autant de millionnaires, voire de milliardaires, de l’agriculture que possible ». Le nouveau président de la BAD – c’est le huitième depuis la création de cette institution en 1964 – n’a pas souffert pour faire l’unanimité. Pendant les six tours du vote, il est resté en tête, ne laissant aucune chance à ses sept adversaires. Il a obtenu, à la fin, 58,10 % des voix. Une victoire nette pour le candidat du Nigeria.

Le parcours d’Akinwumi Adesina, cet anglophone qui parle couramment la langue française, ressemble, à quelques nuances près, à l’une de ces histoires presque merveilleuses qui éveillent la curiosité générale et dont le monde raffole. C’est un enfant de la terre, de condition très modeste, né dans l’État d’Ogun (Sud-Ouest), qui rappelle souvent que son père, un petit fermier, ne gagnait pas grand-chose, juste 10 centimes de dollar par jour. Ce présumé handicap (la pauvreté)  ne l’a empêché d’obtenir, avec distinction, une licence en économie rurale à l’université d’Ife, en 1981. Cela lui ouvre ensuite les portes de l’université Purdue, aux États-Unis. Il en sortira, sept ans plus tard, avec un doctorat en économie  rurale.

C’est tout à fait logiquement qu’il se retrouve dans le monde de l’agriculture, à différents niveaux et à des postes de responsabilité. De 1990 à 1995 il est économiste principal et coordonnateur au West Africa Rice Economics Task Force auprès de la West Africa Rice Development Association. Il passe ensuite à l’International  Crops Research Institute for Semi-Arid Tropics. Akinwumi se retrouvera ensuite, de 1998 à 2008, directeur associé chargé de la sécurité alimentaire à la Fondation Rockefeller, dont il sera aussi le directeur du Bureau régional et représentant en Afrique australe. De 2008 à 2010, il est à la tête de l’Association africaine des économistes agricoles. Il a également été vice-président de l’Alliance pour la révolution verte en Afrique. Après avoir reçu de nombreuses distinctions honorifiques sur le plan international pour son engagement en faveur de l’agriculture, Akinwumi Asine fut choisi, avec seize autres personnalités à travers le monde, par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Ban ki-Moon, pour mener une campagne en faveur des Objectifs du millénaire pour le développement.

Sur le site internet du ministère de l’Agriculture du Nigeria, on peut lire une présentation d’Akinwumi Adesina qui met l’accent sur ses rapports avec la terre, l’agriculture. « Sa passion c’est d’utiliser l’agriculture pour éradiquer la faim, créer de la richesse et des emplois et conduire une croissance économique inclusive en Afrique pour sortir des millions d’Africains de la pauvreté. Il a amené cette passion dans son pays natal, le Nigeria, dans son actuelle position de ministre de l’Agriculture et du Développement rural, où il a déjà mené d’importantes réformes destinées à la transformation de l’agriculture nigériane ».

C’est dans le secteur agricole que le nouveau président de la BAD, selon ceux qui ont suivi son parcours depuis son entrée au gouvernement de Goodluck Jonathan en 2011, a réalisé des progrès notables. Avant l’arrivée d’Akinwumi Adesina au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, l’agriculture n’était pas une priorité et le pays dépendait, dans une large mesure, des importations de nourriture. À l’arrivée d’Akinwumi Adesina, le Nigeria dépensait annuellement 4,6 milliards d’euros pour cela. Aujourd’hui, grâce à l’organisation mise en place par le ministre, les importations de vivres ont baissé à tel point que le Nigeria ne dépense plus que 2,1 milliards d’euros. Son action a surtout permis à son pays d’augmenter sa production alimentaire à hauteur de 22 millions de tonnes et de créer, selon le gouvernement nigérian, de créer quelque 3 millions d’emplois dans le secteur agricole. Pour Akinwumi Adesina, il faut faire en sorte que les investisseurs privés puissent gagner de l’argent dans l’agriculture de la même manière que dans le secteur énergétique.

Après son élection à la tête de la BAD, le nouveau président a affirmé qu’il sera « un président responsable ».  Avant d’être élu, il avait déjà indiqué dans quelle direction il comptait conduire l’institution. Première priorité : « Il est crucial d’avoir des belles infrastructures pour accroître la productivité et la compétitivité en Afrique ». Deuxième priorité : « Le secteur privé qui est le moteur de la croissance et de la création des richesses. Une chose d’important pour nous en Afrique c’est un modèle inclusif. Mais aussi des emplois pour la jeunesse africaine, des emplois pour les femmes africaines, faire revivre les zones rurales pour une croissance inclusive et, finalement, avoir une intégration régionale pour une prospérité partagée ». Premiers pas d ans la nouvelle fonction pour Akinwumi Adesina : le 1er septembre prochain.