Avec le voisin angolais, priorité à l’exploitation commune du pétrole

La question du plateau continental et des limites maritimes entre la RDC et l’Angola a déjà été tranchée par des instances internationales habilitées qui se sont penchées sur le litige. Mais l’exploitation commune de l’or noir enfoui dans l’Océan Atlantique n’a pas encore trouvé de solution.

La République démocratique du Congo souhaite vivement le réchauffement rapide des projets communs sur l’exploitation pétrolière, les transports et le commerce. C’est en tout cas ce que le vice-1ER Ministre, ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale, Léonard She Okitundu, a fait savoir récemment aux autorités angolaises lors de son passage à Luanda, en route pour Mbabane au Swaziland où s’est tenu un sommet de la Communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC).

À propos du pétrole dans l’Océan Atlantique, on a souvent critiqué Kinshasa d’être « timoré » face à l’allié angolais concernant la délimitation du plateau continental de la RDC. Dans ce dossier, le gouvernement renégocie l’exploitation commune des Zones d’intérêts communs et cherche à obtenir le départ des sociétés de droit angolais exploitant des blocs pétroliers dans le couloir maritime congolais ou trouver toute autre forme de partenariat. La loi sur les hydrocarbures promulguée en 2015 a relancé ce débat vieux de plusieurs années. D’aucuns ont parlé de la délimitation du plateau continental de la RDC comme un « sujet tabou » que personne n’ose  border à haute voix, même si les commentaires ne manquent pas.

Les principes de droit

Les spécialistes affirment que cette  délimitation est conforme aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer signée en 1982 à Montego Bay. D’après ce traité, les États côtiers ont des droits souverains sur l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol des fonds marins, notamment les ressources en hydrocarbures. Dans cette zone, définie par l’article 76 de la convention, le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base, lorsque ce rebord externe se trouve à une distance inférieure. Sa limite coïncide alors avec celle de l’extension maximale de la zone économique exclusive (ZEE), zone dans laquelle l’État côtier dispose du droit d’exploiter toutes les ressources économiques, dans les eaux, sur les fonds et dans le sous-sol.

Comme la ZEE, sa limite peut toutefois se situer à moins de 200 milles dans le cas où les côtes de deux États sont adjacentes ou se font face : une délimitation maritime est alors nécessaire pour définir les zones sous la juridiction de chaque État côtier. Lorsque la marge continentale s’étend au-delà de 200 milles, les États peuvent prétendre exercer leur juridiction, soit jusqu’à 350 milles marins des lignes de base, en fonction de certains critères géologiques. En contrepartie, l’État côtier doit contribuer à un système de partage des revenus tirés de l’exploitation des ressources minérales au-delà de la limite des 200 milles, géré par l’Autorité internationale des fonds marins.

Pour prétendre à cette extension, l’État côtier devait constituer un dossier technique et juridique à déposer au plus tard le 13 mai 2009 devant la Commission des limites du plateau continental. À ce jour, plus de 80 pays se trouvant dans ce cas de figure, dont la RDC, avaient introduit des requêtes préliminaires auprès de cette commission visant à l’extension de leur plateau continental au-delà de 200 milles marins. L’acte posé par la RDC avait donné de l’urticaire au voisin angolais.

Pour Kinshasa, qui essayait manifestement de ne pas mécontenter son allié, ce geste « répondait à une exigence de la procédure au niveau de cette instance. Il n’est pas la conséquence ni le point de départ d’un quelconque conflit », expliquait le gouvernement. « La RDC n’est pas prête à capituler, loin de là », affirmait Adolphe Muzito, alors 1ER Ministre devant les sénateurs, notant au passage que la requête de la RDC visait à répondre à un double enjeu : d’abord, affirmer la souveraineté de l’État congolais sur des espaces maritimes dont il n’avait, pendant longtemps, pas clairement défini ni les frontières ni les espaces. Ensuite, assurer la souveraineté sur l’extension du plateau continental au-delà de 200 milles marins.

Des proches du dossier affirment que Luanda avait vu rouge et aussitôt communiqué sa position sur la requête de la RDC. L’Angola a élaboré « sa » propre loi sur ses frontières maritimes et introduit sa requête préliminaire à la Commission des limites du plateau continental. Avec ses propres calculs, mettant hors de portée les immenses champs pétroliers qui doivent revenir, en principe, à la RDC. En réaction, le gouvernement a introduit des indications pertinentes qui ont été envoyées aussi bien au secrétaire général des Nations unies qu’au gouvernement angolais. Quelles sont ces indications ? Personne ne le dit. Tout comme on ignore à ce jour les résultats des tractations en cours entre Kinshasa et Luanda pour la délimitation du plateau continental litigieux.

Accord à l’amiable

Dans ce dossier, la ligne d’attaque de Kinshasa se déclinait en trois axes : renégocier l’exploitation commune des Zones d’intérêts communs, scientifiquement et juridiquement définis comme étant les espaces sur les 5 km qui longent les deux limites latérales ; négocier le départ des sociétés de droit angolais exploitant des blocs pétroliers dans le couloir maritime congolais ou trouver toute autre forme de partenariat afin de favoriser l’esprit de coopération et de fraternité avec le voisin angolais présent au Nord, avec une frontière administrative avec la province du Cabinda et au Sud, une frontière naturelle avec le fleuve Congo donnant sur l’embouchure (le couloir maritime congolais). Depuis, plus rien.

On rappelle néanmoins qu’un premier accord avait été négocié en 2003 par le gouvernement de transition. En 2007, une délégation gouvernementale congolaise composée de neuf membres et conduite par le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Antipas Mbusa Nyamwisi, avait obtenu la révisitation de ce premier accord, du reste mal négocié par le gouvernement précédent. Lambert Mende Omalanga, ministre des Hydrocarbures de l’époque expliquait que le nouveau texte portait sur le développement commercial de l’exploration-production pétrolière dans la Zone d’intérêt commun de recherche d’une longueur de 10 km sur 375 km sur l’océan dont la découverte est assez intéressante et couverte par des permis d’exploration.

Cet accord dit « commercial » serait le premier pas dans la résolution du contentieux relatif à l’exploitation des hydrocarbures au large du littoral congolais. Il a été ratifié par la loi du 16 novembre 2007 autorisant l’exploration et la production des hydrocarbures dans une zone maritime d’intérêt commun dont l’accord a été signé à Luanda, le 30 juillet 2007, entre les deux pays. Cependant, la question cruciale n’a pas été abordée. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Une commission chargée d’harmoniser les points de vue a été mise en place. Motus et bouche cousue.

Haro sur le dumping

En ce qui concerne le commerce, Les différents commerces qui s’effectuent entre l’Angola et la RDC vont également faire l’objet d’une régulation qui tienne compte des intérêts des deux pays. Le regain d’activités commerciales dans la localité congolaise de Lufu, un port sec, dans la province du Kongo-Central à la frontière avec l’Angola, a donné des idées aux autorités angolaises. Pour elles, la RDC est un vaste marché de consommation qu’il faut pénétrer à fond. Lufu, une bourgade à quelque 260 km de Kinshasa, apparemment sans histoire par le passé, est subitement devenu en moins de 5 ans une place forte du commerce transfrontalier. L’activité commerciale y est débordante, autour des produits alimentaires et électroménagers, du ciment, du carburant et d’autres biens en provenance d’Angola. L’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM) mise sur Lufu, en raison d’importants échanges commerciaux entre l’Angola et la RDC afin de renflouer ses caisses. Par ailleurs, les autorités du Kasaï-Central comptent sur le bitumage de la route Kananga-Tshikapa en vue du développement des échanges commerciaux avec l’Angola à partir de la localité de Kamango.

Après avoir installé une cimenterie à proximité de la RDC, le gouvernement angolais a réhabilité l’usine textile de Lassola à Benguela, non loin de la frontière avec le Katanga. Les machines de la compagnie angolaise de textile ont recommencé à tourner, fin novembre 2016, après 16 ans d’arrêt d’activité. Selon l’Agence de presse angolaise (ANGOP), l’usine de l’ancienne Africa Textile devenue Lassola, devra produire annuellement 1.2 millions de serviettes, 1.6 millions de draps et 120 000 couvertures en coton, destinés à satisfaire la demande du marché local en produits textiles.

D’après Yashima Moto, directeur industriel de la compagnie Lassola, l’usine importera dans une première phase du coton des pays d’Asie, d’Europe et d’Afrique et fabriquera elle-même le fil nécessaire au processus de filage du coton.

Dans la seconde phase, les dirigeants de Lassola envisagent de s’approvisionner en coton sur le marché angolais et chez les voisins. Après avoir vu ses activités suspendues en 2000, pour raison de faillite, l’usine a été entièrement réhabilitée et modernisée à la faveur d’un investissement de près de 400 millions de dollars. Elle emploie actuellement 220 travailleurs angolais, japonais, sud-coréens et chinois.

De même le montage d’une sucrière à Malange, toujours à proximité de la RDC, inquiète les dirigeants de la Sucrière de Kwilu-Ngongo dans le Kongo-Central. Kinshasa, la capitale, est saturé par la présence des produits alimentaires et autres en provenance d’Angola via Lufu. La conséquence est que ces biens sont revendus sur le marché local à des prix défiant la concurrence, et donnent des insomnies aux entreprises nationales. La Sucrière de Kwilu-Ngongo SA en paie un lourd tribut. Pour contrer l’invasion des produits d’Angola à l’approche des fêtes de fin d’année, elle a décidé en novembre 2016 d’inonder le marché avec une grande quantité de sacs de sucre de 50 kg et de casser le prix : 48 175 FC (environ 40 dollars) contre 60 000 FC, début octobre 2016. Malheureusement, cette campagne n’a pas rencontré l’adhésion des revendeurs détaillants, jouant à la spéculation à la suite de la dépréciation continue du franc par rapport à la devise étalon, le dollar. La demande en sucre, dans la capitale, atteindrait 135 000 tonnes par an que la Sucrière de Kwilu-Ngongo n’est pas en capacité de satisfaire. Sa production optimale en 2015 a été fixée à 84 600 tonnes. Ce qui fait laisse libre cours à la concurrence du sucre importé, à partir du marché « quasi-pirate » de Lufu. Le DG de la Sucrière de Kwilu-Ngongo s’en est plaint auprès du ministère congolais de l’Industrie. En vain ! L’usine angolaise de Malange, a-t-on appris, a une capacité de production supérieure à celle de Kwilu-Ngongo. Nul doute qu’elle va lorgner les débouchés de la RDC… qui ne fait guère des restrictions sur les produits venus d’ailleurs. Voilà autant de questions qui devraient être discutées et donner lieu à des solutions allant dans le sens de la réciprocité…