Barrick Gold-Kibali victime de ses propres critiques sur la RDC

À force de dénoncer le code minier révisé congolais, la compagnie manque une OPA qui était pourtant à sa portée. Le groupe américain Newmont Mining vient de rejeter son offre de rachat, redoutant l’environnement minier au Congo. Et ce n’est pas la seule raison.

LE CONSEIL d’administration de Newmont Mining s’est prononcé à l’unanimité sur le fait que la proposition de Barrick, soit 17,8 milliards de dollars, « n’était pas dans le meilleur intérêt des actionnaires ». Newmont a ainsi préféré l’offre moins disant de Goldcorp, soit 10 milliards de dollars. 

Parmi les griefs relevés par le groupe américain pour rejeter l’offre de Barrick, il y a le fait que cette compagnie opère dans la mine d’or Kibali, en Ituri, en République démocratique du Congo. L’environnement minier dans ce pays, estime la firme américaine, est devenu critique depuis que l’État a décidé de réviser son code minier. Mark Bristow, le PDG de Barrick-Kibali, est, on le sait, chef de file de sept entreprises minières qui se sont opposées à la révision du code minier de 2002. 

Le fameux G7 mines, comme on les appelle depuis, a même quitté la Fédération des entreprises du Congo (FEC), estimant que le patronat, dirigé par Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil d’administration de Gécamines, n’était plus qu’une caisse de résonnance du gouvernement. Les diatribes de Barrick vis-à-vis de l’État congolais ont finalement été exploitées par le conseil d’administration de Newmont pour opposer un veto à son offre publique d’achat (OPA). En outre, toujours dans la région, la filiale de Barrick, Acacia Mining, est accusée par le gouvernement tanzanien d’avoir sous-déclaré sa production et ses recettes d’exportations. Barrick est en train de négocier avec l’État pour régler le différend qui ralentit les opérations et occasionne des pertes financières.

Leadership mondial contesté

Autre raison évoquée : l’absence de prime, ce qui serait inhabituel pour une transaction de cette taille. Newmont a alors préféré fusionner avec le Canadien Goldcorp, opération qui menacerait le rang de leader mondial de l’or de Barrick. « Les actifs de NewmontGoldcorp seront situés dans des juridictions minières favorables et des districts aurifères prolifiques sur quatre continents », a déclaré Newmont. À leur tour, les actionnaires de Goldcorp ont approuvé à une écrasante majorité (97 %), la fusion à 10 milliards de dollars avec Newmont Mining. La transaction qui pourrait être la plus importante de l’histoire de l’industrie aurifère, n’a désormais besoin que de feu vert des investisseurs de Newmont.

Détente après le grisou

Ces derniers se sont en effet prononcés courant avril sur la transaction. La promesse d’un dividende spécial de 88 cents, si la transaction est conclue, a déjà convaincu certains des plus gros investisseurs de la société américaine. Newmont a déclaré que la fusion avec Goldcorp générerait une valeur de plus de 4,4 milliards de dollars et donnerait à la société une production annuelle durable de six à sept millions d’onces. 

La société fusionnée contrôlera des mines dans les Amériques, en Australie et au Ghana. Ce regroupement éclipserait la récente fusion entre Barrick et RandgoldResources. Il pourrait également reléguer au second rang l’acquisition en 2006 par Barrick de Placer Dome, la plus importante acquisition de l’industrie aurifère jusque-là.

Lors de son périple américain, il y a encore quelques jours, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le président de la République, et John Thornton, le président exécutif de Barrick, ont, selon la presse américaine, renouvelé leur engagement mutuel à collaborer pour développer l’industrie aurifère du pays.  Au cours d’un speech prononcé devant la Chambre de commerce américaine, le chef de l’État congolais a rassuré que son gouvernement a l’intention d’entreprendre des réformes économiques et financières. Il compte assurer le développement avec l’aide de la communauté internationale, en particulier des États-Unis.

Barrick, qui exploite en RDC la mine Kibali, dispose d’un vaste programme d’exploration conçu pour trouver et développer davantage de gisements de classe mondiale dans le pays. Leader mondial de l’industrie aurifère – pas pour longtemps encore -, la compagnie est cotée à NYSE. Après la rencontre avec le président congolais, John Thornton s’est dit encouragé par sa vision d’attirer les investissements étrangers et de soutenir le développement de l’industrie minière en RDC dans un esprit de partenariat.

« En tant que leader par la valeur dans le secteur mondial de l’or, Barrick offre à la RDC un soutien inégalé en matière d’exploration, de soutien technique et financier et, grâce à Kibali, a prouvé son engagement envers le pays, la population et ses partenaires locaux », a-t-il déclaré. Il a également ajouté que la compagnie est impatiente de continuer à apporter une contribution significative et croissante à l’économie congolaise et de libérer l’énorme valeur de son potentiel minéral.