Canal Plus accuse Bluesat et Mediasat de piratage

Un dossier passionne ces derniers temps le CSAC. En cause deux distributeurs accusés de vol d’images par le groupe français. Le gouvernement veut y voir clair.

Le télédistributeur Canal Plus a déposé au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) plusieurs plaintes sur le piratage auquel se livreraient Bleusat et Mediasat sur certaines chaînes de son bouquet.  Ce 20 août, une plénière s’est tenue au CSAC. Le débat a été particulièrement houleux. La plénière a finalement levé l’option d’adresser une lettre de mise en demeure  et une nouvelle invitation aux deux télédistributeurs mis en cause pour présenter, le 28 août, leurs moyens de défense contre les plaintes de Canal Plus.

Un piratage massif.

Dans une correspondance datée du 24 juin 2015 et adressée au président du CSAC, Tito Ndombi, le directeur général de Canal Plus/RDC, Jean-Claude Tshipama, se plaint du fait que « depuis quelques mois, les intérêts de Canal + en RDC sont menacés à cause du piratage massif orchestré par deux nouveaux opérateurs de télévision payante : SGT, opérant sous le nom commercial de Bleusat et la société Mediasat ».  Tshipama poursuit que Canal Plus et les autres éditeurs concernés, dont le Beln Sport, ont déjà envoyé des mises en demeure aux sociétés précitées, mais sans succès. Les chaînes Fox, Turner, Viacom, France Télévision, Do ou encore Thema ont, elles aussi, demandé à Bluesat et Mediasat de renoncer à leur entreprise illicite, rapporte le directeur général de Canal Plus RDC.

Mais, une fois encore, ce fut sans succès. « C’est pourquoi, poursuit-il dans sa lettre,  nous sollicitons aujourd’hui le soutien du président du CSAC afin de faire cesser les agissements illicites de Bleusat et Mediasat. (…) Rien ne peut raisonnablement légitimer ces  comportements illicites et déloyaux via la captation par ces deux sociétés, sans autorisation, du signal des chaînes privées».  Selon le  président du CSAC, Tito Ndombi, l’organe de régulation des médias en RDC avait bel et bien adressé une lettre à Ibrahim Darwich, le  directeur général de Bleusat et à Moussavou Mohamed Jabert pour une confrontation avec Canal Plus au regard des preuves que le DG Tshipama avait fait parvenir au Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication.

Refus d’obtempérer

Le DG de Bluesat n’a pas daigné se présenter ou envoyer son délégué au CSAC. Quant à Mediasat ne se trouve pas à l’adresse qu’elle a toujours indiquée, au numéro 4 de l’avenue du Marché dans la commune de la Gombe. Le CSAC s’est donc retrouvé dans une situation embarrassante. « Nous aurions pu sanctionner par défaut… », regrette un haut conseiller du CSAC lors de la plénière du 20 août.

Dans l’entre-temps Canal Plus, qui  déplore que les agissements de Bleusat et Mediasat « portent atteinte aux droits des éditeurs des chaînes et faussent la concurrence vis-à-vis d’autres opérateurs », a saisi le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo. La Primature transmet l’affaire au ministre de tutelle,  Lambert Mende Omalanga. Il s’ensuit, selon le président du CSAC, que Bleusat et Mediasat ont rejeté tous les griefs portées sur elles par Canal Plus, dans deux correspondances distinctes adressées au ministre des Médias, en réservant copie au Premier ministre.

Informé de la démarche de confrontation initiée par le CSAC, Matata Ponyo  veut connaître la suite auprès de Tito Ndombi. Mais il n’y a Pas d’évolution significative. Bien au contraire, le mal s’est enraciné au risque de faire des émules. « La reprise illicite du signal est donc une opération beaucoup plus rentable», déplore Tshipama de Canal Plus/RDC. « À titre d’exemple,  la redevance payée par un opérateur légal représente presque 40% de son prix de vente mensuel par abonné… Il est donc évident que le piratage des contenus fausse totalement le jeu de la concurrence locale et fragilise l’écosystème audiovisuel en République Démocratique du Congo ». Et le DG de Canal Plus/RDC de faire comprendre que certaines chaînes piratées sont déjà concédées à des tiers à titre exclusif et ne peuvent plus  être distribuées en République démocratique du Congo, faute pour l’éditeur de détenir les droits correspondants.

« La reprise des chaînes beln sports est totalement interdite sur l’ensemble de la République démocratique du Congo car ces chaînes ne disposent d’aucun droit sportif sur la zone dans quelle que langue que ce soit», soutient le numéro un de Canal Plus RDC. «Concernant Bleusat en particulier, celle-ci édite un certain nombre de chaînes en propre où sont généralement présents des contenus pirates provenant notamment de majors américaines qui ont déjà cédé des droits exclusifs à d’autres opérateurs », insiste Tshipama. Qui donne cependant des pistes aux sociétés concurrentes incriminées afin d’offrir légalement des programmes attractifs avec l’ensemble des thématiques à leurs abonnés.

Il existe sur le marché de la distribution d’offres de télévision, fait-il comprendre, de nombreuses chaînes accessibles avec du contenu premium qui pourraient être aisément intégré en toute légalité dans leurs bouquets. Bluesat est présente en RDC, pratiquement onze mois et dispose d’un capital de 3 000 000 de dollars, affirme Thierry Monsenepwo, son directeur chargé des relations publiques.

Selon lui, la société fait de la télévision payante avec deux systèmes de télévision numérique, dont la Télévision numérique terrestre (TNT) et la MVDS, lesquelles permettent la diffusion de plus de 200 chaines diversifiées, sport,  jeunesse, science… Le lancement de bouquets Bluesat n’est cependant intervenu qu’en mars 2015. Bluesat, a confié à la presse son chargé des relations publiques, a notamment lancé une chaîne de télévision TV 3 D et des chaines en viscère HD.

Jamais un sans deux

Toutefois, à la suite d’un monitoring réalisé par le service attitré du CSAC, entre les 7 et 15 août, sur Bluesat et Mediasat, tout porte à croire que les deux sociétés sont coupables de piratage, selon plus d’un haut conseiller lors du débat sur les plaintes de Canal Plus RDC. Cette affaire illustre une fois encore le manque perceptible de collaboration entre le ministre des Médias et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication. La crédibilité du CSAC, on se rappelle, a été quelque peu écornée dans l’affaire d’attribution des fréquences au télé-distributeur chinois Startimes. Son tout premier président, Bahala, a dû payer de son poste. L’affaire Bahala contre CSAC est, depuis, pendante à la Cour suprême de justice.