Carnet éco : une ville congolaise renaît, Dolisie

Le 21 décembre 2011 est à marquer d’une pierre blanche pour Dolisie, l’ex-Loubomo. C’est en effet depuis cette date que le chef-lieu du département du Niari profite du tronçon bitumé de la route nationale n° 1 (RN1), long de quelque 180 kilomètres, qui la relie à Pointe-Noire, la grande cité portuaire du pays. De dix heures à douze heures autrefois, le trajet en voiture entre les deux villes s’effectue désormais en moins de trois heures ! C’est dire. Du coup, la nouvelle route n’a pas manqué de bouleverser l’économie locale, en désenclavant le département du Niari et son chef-lieu ainsi que la Lékoumou et la Bouenza, les voisins.

Le tronçon routier entre Dolisie et Pointe-Noire a changé le destin économique du chef-lieu du Niari. (Ph. DR)
Le tronçon routier entre Dolisie et Pointe-Noire a changé le destin économique du chef-lieu du Niari. (Ph. DR)

Un destin économique complètement changé  

Les premiers bénéficiaires de ce désenclavement ont été les cultivateurs de la région, qui ont pu produire davantage. Pas de problèmes, en effet, pour écouler bananes plantains, tubercules et feuilles de manioc, avocats, safous, aubergines, arachides et autres denrées vivrières vers le grand marché qu’est Pointe-Noire, avec son million d’habitants. Seule ombre au tableau : plus rares, ces produits sont devenus plus chers à Dolisie et sur les marchés environnants. S’ils s’en plaignent, les Dolisiens reconnaissent toutefois que les échoppes et les supérettes de leur cité sont plus nombreuses et mieux fournies en produits importés ou fabriqués dans la ville océane. Et que les prix de ces marchandises sont plus abordables qu’autrefois.

Autre avantage, la montée des échanges a favorisé l’éclosion de nouvelles activités, formelles ou informelles, qui profitent aux habitants du Niari. Ainsi, le nombre de transporteurs a explosé. Pour preuve, la gare routière, inaugurée en 2010, accueille chaque jour plus d’une centaine de véhicules, soit quelque 1 200 voyageurs, dont près de 70 % fréquentent l’axe Dolisie-Pointe-Noire. De plus, selon les statistiques du péage de Moukondo, environ 5 000 voyageurs utiliseraient quotidiennement la RN1 entre Pointe-Noire et Dolisie. Si tous ne s’arrêtent pas dans le chef-lieu, un grand nombre y fait au moins une petite escale.

Tous les secteurs profitent de cette nouvelle donne  

Pour l’heure, la plupart des transporteurs sont de petits artisans qui possèdent un seul véhicule et transportent surtout des voyageurs. «Les transporteurs qui ont des semi-remorques sont Ponténégrins», informe Noël Ngoma-Tsita, administrateur de la gare routière. La hausse attendue de la production agricole du département, sous la houlette de sociétés modernes comme Agrideck, Congo agriculture, ou la ferme Nzimba, devrait doper l’activité. De même que le bitumage du tronçon de la RN1 entre Dolisie et Brazzaville, la capitale du Congo, qui devrait être achevé en 2015.

L’hôtellerie et le tourisme profitent également de l’augmentation des échanges entre les deux villes. En tête des nouveaux touristes figurent les Ponténégrins, qui viennent passer le week-end dans la capitale du Niari. Suivis des passionnés du ballon rond. En effet, des Congolais d’autres départements, des Gabonais, des Angolais et des Congolais de Kinshasa, accourent dans le chef-lieu à l’occasion des matches de compétition africaine. Difficile, alors, d’obtenir une place au stade Denis Sassou N’Guesso. Pour faire face à la demande en hausse, des travaux ont été engagés pour porter la capacité d’accueil du stade à dix mille places contre quatre mille actuellement.

Une vocation de ville industrielle et de ville carrefour retrouvée 

Outre celles liées directement à la route, le chef-lieu du Niari abrite de nouvelles activités. Ouvert depuis 2006, le Malaisien Asia Congo Industrie, qui a pris le relais de l’ex-Socobois, fermé en 1999, fabrique des contreplaqués et des bois débités. Opérationnelle depuis novembre 2013, la cimenterie Forspak, à capitaux chinois, compte produire 300 000 tonnes de ciment de haute résistance par an. Quant à la Fonderie du Congo (Fondeco), dont le capital est détenu par le groupe mauricien Samlo (70 %) et l’État congolais, elle vise une production de deux millions de tonnes de fer à béton par an. Avec ces trois sociétés, Dolisie retrouve sa vocation industrielle. Elle renoue aussi avec sa vocation de ville carrefour et de transit. Une vocation qu’elle doit à la RN1 bien sûr, et qu’elle entend renforcer avec la construction de la route d’intérêt sous-régional qui reliera, via l’ex-Loubomo, la ville de Ndendé (Gabon) à Kimongo, un bourg frontalier avec Cabinda (Angola), et à Londela-Kayes, proche de la frontière avec la RD Congo.

Le rôle important des chemins de fer 

Pour se repositionner comme pôle de transit, l’agglomération peut aussi compter sur le chemin de fer Congo-Océan (CFCO), en pleine réhabilitation entre Brazzaville et Pointe-Noire. Quant à la voie ferrée de l’ex-Comilog, qui joint Mbinda – au nord du Niari – à Monte Bello, une gare proche de Dolisie, elle devrait être rénovée dans le cadre d’un partenariat public-privé, impliquant les miniers du département. Objectif : évacuer le minerai de fer de Mayoko vers Pointe-Noire. Enfin, la réalisation d’un port sec, près de Fondeco, qui pourra accueillir entre 15 000 et 20 000 conteneurs, permettra à la ville de devenir un hub sous-régional de transbordement.

Le développement met au jour de nouveaux défis à relever 

En outre, l’essor économique et la croissance de la population qu’il induit posent des problèmes d’urbanisation, d’énergie, d’eau et d’assainissement. 

 

Attirées par le frémissement économique du chef-lieu et du département, des entreprises ont renforcé leur présence à Dolisie. Ainsi de la brasserie Brasco, qui dispose d’un nouvel entrepôt flambant neuf. D’autres, en particulier des sociétés de Pointe-Noire, s’implantent dans la cité, où le patron de la compagnie aérienne Trans Air Congo fait construire un complexe touristique. Des banques, dont Ecobank, des transitaires, des sociétés d’assurances et d’autres liées au numérique s’intéressent également de près à ce nouveau marché. D’où une course aux terrains et aux locaux libres. Et une frénésie de construction qui profite à quelques sociétés de BTP locales. Revers de la médaille, les locaux et les terrains deviennent rares et les prix de l’immobilier montent en flèche. En outre, l’essor économique et la croissance de la population qu’il induit posent des problèmes d’urbanisation, d’énergie, d’eau et d’assainissement. Pour l’heure, la ville – alimentée en électricité par la centrale hydroélectrique de Moukoukoulou – ne connaît presque pas de délestages et, pour faire face à la demande, la capacité de transformation et de distribution de l’électricité est en voie de renforcement. Cela suffira-t-il ? Du côté de la voirie, la situation est critique. Les grands axes ont été réhabilités dans le cadre de la municipalisation accélérée. Mais pas les petites rues. En outre, la ville a du mal à faire face aux besoins qui s’accroissent, faute de moyens. «Notre budget est d’un milliard de francs CFA, dont 700 millions de subventions du gouvernement. C’est insuffisant pour fonctionner, investir, aménager la ville et lotir de nouvelles zones d’habitat», insiste le maire, Paul Adam Dibouilou. De tous les problèmes auxquels la cité est confrontée, celui de la formation des jeunes est l’un des plus cruciaux. L’Institut supérieur de commerce et de management (Iscom) manque de moyens techniques et les formations ne correspondent pas aux besoins économiques actuels et futurs du département. La création d’écoles privées, notamment dans les filières agricoles et techniques, peut être une première réponse. Autant de nouvelles réalités qui obligent l’État à augmenter ses efforts pour que Dolisie se maintienne dans l’orbite vertueuse dans laquelle elle se trouve actuellement. Dol, la troisième ville du pays, le vaut bien.