Centre culturel Boboto : la galerie désertée

rente-quatre ans après sa rénovation et près de vingt ans après une activité soutenue, l’espace consacré aux arts plastiques est de moins en moins fréquenté, au grand dam de ses responsables et des artistes.

 

Située dans un vieux bâtiment datant de l’époque coloniale  à côté du collège Boboto et en face de l’Institut supérieur pédagogique de la Gombe, la galerie d’art du Centre culturel Boboto  a été inaugurée en 1942. À l’époque, le bâtiment servait de hall d’entrée de la salle de spectacles qui  accueillait  des expositions ponctuelles. Cette vieille bâtisse abrita les toutes premières émissions radiophoniques en Afrique centrale, celles de Radio-Léo. La galerie exposa également les œuvres de grands peintres de l’époque, à l’instar du frère Marc Wallenda, fondateur de l’Académie des Beaux-arts de Kinshasa. Ce cadre a aussi hébergé les premiers échantillons de roches lunaires ramenés par les missions Apollo de la Nasa, dans les années 1960-1970.

Profonde rénovation

En 1981, la galerie fut complètement rénovée et mise à la disposition des artistes et artisans zaïrois en vue de contribuer à l’épanouissement et à la diffusion du patrimoine culturel national et de stimuler la créativité artistique. Depuis lors, peintres, sculpteurs, céramistes et artisans locaux viennent régulièrement y organiser des expositions. Toutefois, pour mériter d’être retenues et présentées dans la galerie, les œuvres sont au préalable examinées à la loupe par un jury constitué d’artistes reconnus comme Alfred Liyolo, Lema Kusa, Mavinga… Ce qui explique la qualité des œuvres exposées que la lumière des projecteurs éclaire très nettement.

Rareté des visiteurs et des acquéreurs

À cause du talent des artistes en compétition, le jury a souvent du mal à se prononcer. Les œuvres sont nombreuses : tableaux finement peints ornant les murs de la galerie, tapis kuba, statues, masques, bibelots, fantaisies, figurines, objets en bois, en métal et en fer représentant des animaux… Mais, aujourd’hui, les visiteurs et potentiels acheteurs font cruellement défaut.  Antoine Etumbuluku, sculpteur-céramiste et gérant de la galerie, est plus occupé à traiter ses dossiers qu’à accueillir les rares clients et visiteurs. « En semaine, il ne manque pas de client, il y en a toujours un qui passe. Donc, tout ce que vous voyez aujourd’hui est une façon de garder  le bâtiment en vie parce que les activités ne sont plus ce qu’elles étaient il y a vingt ou vingt-cinq ans », explique l’artiste.

Nostalgie

Mais la galerie n’est pas assez connue du public congolais. La majorité des clients de la galerie est  composée d’expatriés. Les rares clients congolais viennent des ‘‘couches aisées’’ de la population. À l’époque où la bibliothèque fonctionnait encore,  les abonnés, tant nationaux qu’expatriés, qui y venaient devaient impérativement passer par la galerie pour accéder à la bibliothèque. L’occasion faisant le larron, ils en profitaient  toujours pour acheter des souvenirs personnels ou des cadeaux à offrir. Français, Belges, Américains, et autres, venus dans le cadre de la coopération, acquéraient des œuvres d’art à ramener dans leurs pays. Les expatriés, surtout les coopérants techniques, étaient les principaux consommateurs des œuvres d’art zaïroises. Leur rapatriement massif en 1990, à la suite de la rupture de la coopération belgo-zaïroise consécutive au présumé  massacre des étudiants de l’université de Lubumbashi, a donné le coup de grâce aux  activités de la galerie. Son  gérant  estime à 10 000 le nombre des Belges qui vivaient à l’époque au Zaïre.

Un marché privé de ses expatriés  

Depuis, le marché, resté exclusivement congolais, peine à trouver acheteurs et visiteurs. Néanmoins, constate Antoine Etumbuluku,  seulement quelques Congolais nantis achètent, mais rarement. Parmi les moins fortunés, il y en a qui découvrent la galerie ainsi que ses œuvres, mais regrettent de ne pouvoir rien acheter.  Pourtant, les œuvres ne coûtent pas les yeux de la tête. Avec 6 000 francs  (6 dollars), on peut s’offrir quelque chose.

Carence de matières premières

Derrière le Centre culturel Boboto se trouve  un atelier destiné aux artistes, principaux auteurs des œuvres exposées dans la galerie. Parmi eux, le peintre Sylvain Neyanga. Selon lui, l’approvisionnement en matières premières est un souci permanent. Tous les produits utilisés, notamment la peinture, les toiles sont généralement importés.

Mobutu,  l’un des mécènes

Hormis les expatriés considérés comme les principaux consommateurs des œuvres vendues dans cette galerie, l’ancien président Mobutu Sese Seko est aussi cité parmi ses fidèles clients. Il fut ‘‘un grand mécène et un grand consommateur des œuvres d’art’’, affirme le gérant Antoine Etumbuluku, se référant aux bons souvenirs de ses professeurs à l’Académie des Beaux-Arts et de ses aînés dans la profession. De ces derniers, il a appris qu’ils ont réussi à écouler leurs tableaux grâce à la politique culturelle du président Mobutu. Quand il recevait ses homologues et d’autres hôtes de marque, il offrait à chacun, en guise de souvenir, un objet d’art. Et cela faisait l’affaire des artistes car les services de la présidence venaient régulièrement acheter en grande quantité les œuvres exposées. L’exemple du président Mobutu avait fait boule de neige. Ses collaborateurs, influencés, l’avaient imité, au grand bonheur des artistes.