Ces mandataires publics qui n’ont peur de rien et qui se paient tout

Le directeur général de l’Ogefrem fait de la résistance. Il rechigne à réhabiliter les agents de l’office illégalement renvoyés de l’entreprise.

AU-DELÀ de la question de probables « assurances et protections » dont jouirait le numéro un de l’Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), des élus par nous contactés, rejoignent et approuvent la recommandation de leur collègue Claudel Lubaya sur l’impérieuse nécessité de procéder à un éventaire des actifs des entreprises et établissements relevant du groupe du Portefeuille de l’État. Ce n’est un secret pour personne, sous la couverture des partis politiques, des mandataires publics ont jeté leur gourme, se permettant toutes sortes de folie. D’aucuns se sont octroyés des salaires et des avantages… de stars de foot, pour reprendre l’expression de ce syndicaliste.  

Il se rapporte qu’au départ d’un directeur général à l’Office congolais de contrôle (OCC), quelque 360 comptes « ténébreux » liés à l’établissement public ont été portés à la lumière du jour, les uns avec des sommes faramineuses. Et lors de l’examen et le vote de la loi de finances publiques 2019, les présidents des conseils d’administration et les directeurs généraux dans les entreprises d’État ont fait pression sur la commission économique et financière de l’Assemblée nationale. 

Révoltée celle-ci avait porté l’affaire devant la plénière déplorant « l’attitude des institutions, ministères et services publics consistant à recourir à l’Assemblée nationale, à travers elle, pour solliciter des crédits additionnels ou des ouvertures de nouvelles lignes des crédits, alors que la préparation et l’élaboration du budget sont du domaine gouvernemental », peut-on lire dans le rapport de la commission transmis au bureau de l’Assemblée nationale.  

Rétrocession ou opération retour ?

 Il y a encore quelques cinq mois, un leader syndical à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD), s’était levé avec fougues contre la gestion dans cette régie financière. Mais il a vite été mis en minorité et désavoué par le personnel. Comment cela pouvait-il être autrement, quand la direction générale a délibérément décidé de gaver les salaires et autres avantages dont la prime de rétrocession des agents ? En 2018, la DGRAD comptait 7 huissiers. De 6 093 983,66 FC (rétrocession + RAT), en 2017, chacun des huissiers a touché plus de 10 millions de FC, précisément 10 727 599,21 FC. En d’autres termes, l’huissier de la DGRAD gagne mieux que le chargé d’études à la Primature. 

La régie financière engage à tour de bras. Elle compte, à ce jour, au moins 5 150 effectifs, dont 1 520 agents au grade d’AGB1 (agent de bureau), contre 1 474 en 2017. Et 1 688 agents AGB2, 920 ATB2, 172 ATB1, 416 CB, chefs de bureau, etc. L’AGB1 qui a touché, pour toute l’année 2015, 3 246 358,65 FC de prime de rétrocession, soit 272 029,88 FC en moyenne, a touché 2 967 269,93 FC en 2016, soit une moyenne de 247 272,49 FC, contre 4 831 531,68 FC en 2017, soit 402 627,64 FC le mois et 8 016 737,55 FC en 2018, soit 668 061 FC mensuel.  Et en ce qui concerne la prime RAT, en 2015 un AGB1 a reçu en total 894 279,90FC, soit 74 523,28 FC par mois, en 2016 il a touché 1 418 023,08 FC, soit un traitement mensuel de 118 168 59 FC, en 2017 il a reçu 2 607 723,91 FC, soit 217 310,33 FC mensuel, et enfin en 2018 il a reçu un total de 4 972 898,13 FC, soit 414 408,18 FC mensuel. 

L’on saluerait volontiers l’effort de l’employeur à relever chaque année la bourse des agents. Mais à y voir en profondeur, la direction générale en profite aussi pour se taper des salaires incompatibles à la modicité du budget de l’État ou encore à la capacité de mobilisation des recettes de la régie financière. Nos sources attestent que le numéro un de la DGRAD en est à plus de 41 000 dollars mensuels. Le document de la régie portant sur la ventilation des effectifs globaux avec rétrocession et RAT pour 2018, colle les montants de 813 030 363,98 FC pour le DG. Convertis en dollars au taux de 1 650 FC/USD, ces montants donnent 492 745,67 dollars l’an. Les deux DGA de la DGRAD en étaient, en 2018, à 609 592 773 FC chacun, soit 369 450,16 dollars. 

Par ailleurs, des limiers de la société civile ont déploré lors du Séminaire d’orientation budgétaire qui s’est tenu courant juin 2019, le fait que les recettes des services d’assiette dont des ministères et des entreprises d’État coiffées par le Portefeuille feraient l’objet plutôt des arrangements, des conciliabules ténébreux que de conciliation avant leur publication. « Le fait de dépasser les assignations n’est pas une licence à bouffer le surplus… Les assignations ne sont que des minima, à titre indicatif, s’est offusqué cet expert de la société civile. Qui rappelle qu’il a toujours été demandé au gouvernement de cesser avec cette pratique des assignations qui ne permet pas de faire une estimation on ne peut plus réelle du potentiel fiscal et parafiscal de la RDC ». 

Les mêmes sources indiquent la DGRAD est loin d’être un cas isolé. Le PCA de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP), le prof Muteba, s’est dit médusé et estomaqué devant le charroi auto des agents de la DGI, une flottille des véhicules de luxe. Des villas roulantes. L’ex-directeur général de la Société des transports et des ports (SCTP ex-Onatra), Daniel Mukoko Samba a été sacqué par le chef de l’État alors que de fortes présomptions de détournement de quelque 400 000 dollars pesaient sur lui. Selon cet élu, aucun mandataire n’a réellement été poursuivi et écroué, ces dernières années, en dépit des faisceaux des présomptions de culpabilité, de concussion, etc. portées à sa charge. 

Plafond sur le salaire

« Après la mise en place de son premier gouvernement, Félix Tshisekedi doit convier son Premier ministre à plafonner aussi les salaires des mandataires publics et à les rendre publics », confie cet activiste des droits de l’homme qui affiche un certain rapprochement avec l’UDPS. L’homme qui a tenu à son anonymat, soutient détenir des faisceaux d’infos selon lesquelles les rémunérations des mandataires de la Gécamines, PCA et DG, etc. ou encore de la Société nationale des chemins de fer (SNCC), où il y a peu, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, était encore DG, « crèveraient le ciel! ». 

À la fin des années 1980, précisément en 1989, du temps où il était 1ER Commissaire d’État, l’équivalent à quelques exceptions, du 1ER Ministre, Léon Kengo wa Dondo avait établi un plafond sur les rémunérations et le jeton de présence et des avantages des mandataires publics, PCA, PDG, DGA et même des administrateurs et des commissaires aux comptes. Aucun salaire d’un mandataire public ne pouvait dépasser la barre symbolique de 100 000 Z. À la date du 20 mars 1989, tout PDG qui percevait déjà des montants supérieurs, devait rembourser les montants perçus au-delà de 100 000 zaïres. Et à défaut, être sanctionné immédiatement par le Conseil exécutif (gouvernement). Le régime de rigueur s’étendait même au personnel domestique, seuls le PDG et le DGA  ont eu droit à un jardinier, une sentinelle et deux domestiques. Ils avaient en outre droit à une seule voiture et un seul chauffeur. Un second véhicule, pas plus, précisait Kengo dans son circulaire, leur a été accordé pour les besoins familiaux, s’il y avait lieu. Voyons voir Ilunga Ilunkamba à l’œuvre.