Chine-Afrique : les affaires ne vont pas que dans un seul sens

Deux lignes d’opportunités existent pour les pays africains. L’une concerne le poids des investissements chinois en Afrique, et l’autre concerne la capacité de l’Afrique à tirer avantage des évolutions de la Chine.

 

Pour dépeindre la réalité, les Occidentaux présentent souvent les Chinois à travers ce prisme : « Ils ne créent pas assez d’emplois, localement, ne forment pas assez les gens pour qu’ils participent davantage à l’économie de leur pays dans le futur. Et souvent le modèle de financement est fait d’une telle manière que lorsque le pays a des difficultés financières, il perd le contrôle de ses propres infrastructures, de ses propres ressources. » Pourtant, la Chine offre aux Africains de nombreuses opportunités d’affaires à saisir. Des cas des investissements africains en Chine sont légion.

Tenez : on raconte, par exemple, très peu l’histoire de la « Chocolate City ». Une autre façon d’appeler la vile industrielle chinoise de Guangzhou. Une appellation qui découle du nombre important d’Africains qu’on y croise. Les profils de personnes sont extrêmement variés entre les commerçants, les tenanciers de restaurants et d’autres activités de services à la personne, ciblant des ressortissants africains et chinois. Si on connaît les marques de téléphone Huawei ou encore Techno en Afrique, de nombreuses personnes ignorent aussi, que l’une des bières les plus vendues au monde, la Snow Beer, est très peu connue parce que son seul marché était la Chine. Mais il faut savoir que la production de cette bière a été longtemps soutenue par des capitaux africains, notamment ceux du groupe sud-africain SabMiller, jusqu’à la reprise de ce dernier, par le brasseur AB Inbev, qui a fini par céder la Snow à une entreprise chinoise.

Une autre anecdote d’un investissement africain effectué en Chine concerne celui du groupe de communication sud-africain Naspers, dans le capital de Tecent, le leader chinois de l’internet et des services en ligne. D’importants volumes d’investissements évalués à plusieurs centaines de millions de dollars, ont aussi été relevés en provenance des Seychelles et de Maurice. Mais en réalité il s’agit de fonds incorporés dans ces deux pays considérés jusqu’à il y a peu, comme des terres d’accueil de capitaux.

Ces exemples montrent, si besoin est, que la relation Chine-Afrique va bien au-delà des polémiques, pour s’inscrire davantage dans les opportunités, aussi bien pour la Chine que pour l’Afrique. Dans un rapport sorti en 2017, la firme d’analyse et d’audit McKinsey & Company a estimé que le volume potentiel des affaires entre les deux continents pourrait atteindre au minimum 250 milliards de dollars et, dans un scénario optimiste, jusqu’à 440 milliards.

Des opportunités d’affaires

Deux lignes d’opportunités existent pour les pays africains. L’une concerne le poids des investissements chinois en Afrique, et l’autre concerne la capacité de l’Afrique à tirer avantage des évolutions de la Chine. Dans son dernier panorama focalisé sur les relations entre les deux partenaires économiques, la COFACE relevait ces opportunités de diversifications. Elle a d’abord noté que, si les matières premières minières et pétrolières comptaient en 2008 pour 80 % des exportations africaines vers la Chine, elles n’en représentent plus aujourd’hui que 53 %.

Ces chiffrent indiquent que d’autres domaines de la chaîne de production africaine ont commencé à intéresser les marchés chinois. En analysant les données plus en détail, la COFACE a également constaté que l’Afrique a réussi à capter une partie du processus de création de valeur ajoutée pour les matières premières minérales. D’autres domaines de la chaîne de production africaine ont commencé à intéresser les marchés chinois. « L’augmentation des exportations de minerais transformés est, en effet, une caractéristique importante de l’évolution de la relation sino-africaine. Ces exportations ont été multipliées par 5 entre 2005 et 2016 », peut-on lire dans son panorama.

Une autre opportunité de diversification est celle qui concerne les matières premières agricoles. L’Afrique possède 50 à 60 % des terres arables disponibles dans le monde, ce qui donne à la région un énorme avantage comparatif dans ce domaine. « Dans le même temps, la Chine est le pays le plus peuplé de la planète et sa population a connu une augmentation rapide de ses revenus, ce qui s’est traduit par une demande pour un régime alimentaire plus riche », font savoir les économistes de l’organisation. Le potentiel agricole africain est immense. Mais les relations commerciales doivent être développées car elles n’iront pas de soi. Il ne faudra pas seulement conquérir un marché, mais quasiment inverser une tendance. Jusque là, la balance commerciale de produits alimentaires entre les deux partenaires était à l’avantage de la Chine.

Un autre atout que l’Afrique peut faire valoir à l’égard de la Chine, c’est sa main-d’œuvre abondante et bon marché. De nombreuses chaînes de valeur mondiales à forte intensité de main-d’œuvre commencent à se délocaliser hors de la Chine. En raison de l’évolution de sa démographie et de sa politique passée en faveur de l’enfant unique, la population en âge de travailler diminue dans ce pays. De plus, la croissance économique a également entraîné une hausse globale des salaires. Ces deux facteurs signifient que la Chine a de moins en mois d’avantages comparatifs dans la production des biens à haute intensité de main-d’œuvre. Les pays africains jusqu’ici, ont joué un rôle minime dans la captation de ces chaînes de valeur. Les bénéficiaires actuels de ce changement sont en grande partie les pays asiatiques proches de la Chine. Pour les économistes de la COFACE, si les gouvernements parviennent à attirer, même une fraction de ces chaînes de valeur vers l’Afrique, cela pourrait entraîner une augmentation substantielle des opportunités d’emploi. Pour ce faire, cependant, des améliorations devront être apportées au climat des investissements dans la région.

Une autre opportunité : le renforcement des compétences africaines. Au-delà de la création d’emplois locaux, le gouvernement de Beijing a mis en place une politique forte d’attraction des étudiants du supérieur. Selon des données fournies par le ministère chinois de l’Éducation, l’Afrique est la région du monde qui a connu la plus grande croissance de ses ressortissants dans les universités chinoises en 2016 (61 600, soit +23,1 %).