CIPOR, faudrait-il y croire ?

Huit ans après, le scepticisme a cédé le pas à l’espoir de voir naître une cimenterie en Province-Orientale. Les travaux, lancés en 2006 et qui devaient s’achever dix-huit mois plus tard, n’ont jamais démarré faute de matériaux et d’une étude de faisabilité. 

Un déchargement du ciment produit à Lukala, dans la province du Bas-Congo.
Un déchargement du ciment produit à Lukala, dans la province du Bas-Congo.

Lors de son passage à l’Assemblée nationale, le 22 octobre, le ministre de l’Industrie, des Petites et moyennes entreprises, Rémy Musungayi Bampale, s’est voulu rassurant quant au projet de construction de la Cimenterie de la Province-Orientale (CIPOR). « Tout est presque fin prêt pour la construction de la CIPOR », a-t-il déclaré. Selon lui, tous les « ingrédients » sont réunis pour la mise en œuvre effective de cet important projet. Il a soutenu que les études de faisabilité sont actuellement disponibles. Les matériaux de construction sont à portée de la main à plus de 90 % et acheminés à Kisangani, capitale de la province. « Les invitations sont déjà lancées aux constructeurs de la Cimenterie de la Province-Orientale, les demandes de visa d’entrée dans notre pays déjà introduites par nos hôtes auprès des services consulaires de notre ambassade en Inde. C’est l’intense campagne auprès des investisseurs pour entrer dans le capital de la CIPOR, qui reste ouvert», argumente-t-il, soulignant que « toutes les contraintes qui faisaient obstacle à la réalisation de ce projet ont été levées ».

Le droit de douter 

Face à un projet dont le chef de l’état a donné, en grande pompe, le coup d’envoi des travaux en 2006, certains ont du mal à croire Rémy Musungayi Bampale. Tel est le cas du député Alphonse Awenze Makiaba, l’auteur de la question orale qui envisage d’initier une motion de défiance contre le ministre. Car, comme beaucoup le pensent, le doute persiste sur la construction de cette cimenterie, la première que pourrait avoir cette province. Mais, cette fois, à en croire le ministre Musungayi Bampale, l’étude de faisabilité n’est plus un problème. es 1600 tonnes de matériaux de construction arrivés depuis 2008 au port de Matadi et bloqués à celui de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP) sans être acheminés à Kisangani le sont déjà. Quinze containers sur les trente deux qui ont été d’ailleurs volés, ont été retrouvés cinq mois plus tard, cachés dans un entrepôt. Rémy Musungayi a indiqué que tous ceux qui étaient impliqués dans ce vol « ont été arrêtés et traduits en justice. » Si le gouvernement estime que ces deux grands blocages n’existent plus, il lui faut aller dans le concret pour convaincre, cette fois-ci, une population de la Province Orientale plongée désespérément dans une longue attente.  La CIPOR doit être installée sur le site de Maiko, à 58 kilomètres à l’est de Kisangani, où l’on trouve du calcaire et de l’argile, matières premières nécessaires à la fabrication du ciment. Sa capacité de production initiale est estimée à 1 500 tonnes par an. Elle pourrait être portée par la suite à 4 000 tonnes. 13 millions de dollars ont été débloqués pour ce projet signé entre le gouvernement et l’entreprise indienne Jaguar Overseas Limited. Il intègre également l’aspect transfert de technologie au bénéfice des techniciens congolais. Son objectif est de faciliter la reconstruction de cette province qui dépend du Bas-Congo et d’autres pays voisins (Rwanda, Burundi, Ouganda, Tanzanie), pour s’approvisionner en ciment. Une dépendance qui a des conséquences sur le prix de ce produit. Un sac de ciment coûte actuellement 30 dollars dans la Province-Orientale. Ce qui complique la tâche des populations.

Un besoin national  

Seulement deux cimenteries nationales sont actuellement en activité sur l’ensemble du pays. Il s’agit de la Cimenterie de Lukala (CILU) dans le Bas-Congo et de la Cimenterie du Katanga (CIMEKAT). Leur production (500 000 tonnes par an) est loin de répondre à la demande nationale estimée à plus de 3,5 tonnes par an. Les activités de la Cimenterie nationale (CINAT) sont actuellement à l’arrêt. Face à ce déficit, la RDC est obligée d’importer du ciment des pays comme l’Angola, l’Inde, la Chine et la Turquie, en attendant l’amélioration de sa production locale. Un défi que le ministère de l’Economie et du Commerce compte relever d’ici 2017. Une dizaine de projets de cimenteries sont en cours, essentiellement dans la province du Bas-Congo.