Comment gérer une crise d’humeur au sommet d’une organisation ?

Les conflits entre numéro 1 et numéro 2 sont fréquents au sein d’une organisation. Dans un entretien au Figaro, Karine Pichavant, coach de cadres dirigeants, explique comment résoudre les situations les plus désespérées. 

Que faire quand un numéro 1 et son numéro 2 ne s’entendent plus et que leur collaboration se transforme en petite guérilla interne? C’est un scénario classique de management qui est très courant dans n’importe quelle organisation. Y compris dans un parti politique puisque c’est exactement ce à quoi sont souvent confrontés les ténors. Il arrive qu’après quelques années d’idylle sans encombre, d’entente débordante, le couple bat de l’aile. Les ténors ne cachent plus leur hostilité réciproque. Les déclarations publiques gagnent en animosité au fil des jours. Ce qui se passe à l’UDPS où les dissidents exclus réclament leur part du combat historique, en dit long sur cette situation critique.

Alors qu’un retour à la stabilité semble impossible, quels sont les réflexes à adopter pour un dirigeant chahuté par son subalterne? Karine Pichavant, coach de cadres dirigeants et fondatrice de KerHy Conseil, explique la marche à suivre, peu importe l’organisation dans laquelle ce contexte survient. Dans quel contexte un n°2 (ou adjoint) peut-il devenir gênant en entreprise? « Un numéro 2 peut devenir gênant en entreprise, dès lors que son action n’est plus en adéquation avec la stratégie et les décisions de son supérieur! L’entreprise se met alors en danger de ne pas respecter tous ses engagements et de ne plus satisfaire l’ensemble de ses parties prenantes: salariés démotivés ou prêts à démissionner, clients moins satisfaits qui changent de fournisseur, sponsors ou partenaires qui ne veulent pas associer leur image à ce conflit, actionnaires qui se désengagent par crainte de voir la situation empirer, et de constater que les objectifs annoncés ne sont pas atteints… »  D’après lui, les conséquences d’une situation conflictuelle entre un numéro 1 et un numéro 2 sont très nombreuses et prennent des formes aussi variées qu’imprévues. Ordres et contrordres, rumeurs, perte de clients, valeurs de l’entreprise non incarnées, image de la société dégradée…). Même lorsqu’il semble que le conflit reste interne, les conséquences finissent toujours par gangréner toutes les parties prenantes de l’entreprise!

Quelles sont les motivations d’un numéro 2 trop « remuant »? Se poser la question du « pourquoi » est en effet primordial! Le n°2 est-il excédé de rester dans l’ombre? A-t-il le sentiment d’avoir de meilleures idées que le numéro 1 pour mettre en œuvre la stratégie? A-t-il le sentiment que ses qualités ne sont pas reconnues, et que le n°1 reprend à son compte toutes ses initiatives et tout le fruit de ses décisions/actions réussies? Le n°2 a-t-il envie de devenir n°1 et de bénéficier d’un plus grand nombre d’attributs du pouvoir (salaire, carte de visite, voiture de fonction, bureau plus spacieux et plus haut dans les étages, pour ne citer que quelques exemples)? Cette liste de motivations n’est pas exhaustive, mais on y distingue deux courants, qui peuvent coexister: la motivation dans un intérêt personnel, et la motivation dans l’intérêt de l’entreprise!

Comment reprendre le pouvoir sur lui sans que ce soit la guerre? Le conflit prend naissance dans une zone de stress où des émotions fortes sont ressenties (peur, colère, et tristesse, le plus souvent, et toutes leurs manifestations selon le degré d’émotion). Le stress est la réaction que l’on a spontanément lorsqu’une situation nous échappe, et cette sensation grandit d’autant plus lorsque l’on n’est pas parvenu à trouver soi-même des solutions. Or, pour faire face aux émotions, il faut savoir reconnaître les siennes et celles des autres, et remettre une dose de raison dans l’émotion. Le dirigeant doit donc commencer par asseoir son leadership en s’appuyant sur ses dimensions les plus développées de son intelligence émotionnelle (les cinq dimensions de l’intelligence émotionnelle sont la conscience de soi, la maîtrise de soi, l’empathie, les compétences sociales, et la motivation, selon le modèle de Goleman). Ensuite, il faut traiter le sujet en direct avec le n°2, et jamais par personne interposée (clients, équipes, salariés, fournisseurs, presse). Cette franche discussion comprend: écoute active, empathie, reconnaissance réciproque des talents, générosité, et recherche de solutions convenant aux deux personnes… Enfin, reprendre le pouvoir passe par faire des concessions avec son adjoint, de favoriser son développement personnel et de saisir chaque occasion pour faire de la complémentarité et de la singularité de ses talents une force. Peut-on se permettre d’avoir un numéro 2 plus puissant et intelligent que soi? Absolument! Et c’est même une qualité primordiale et un devoir pour un leader! S’entourer du meilleur n°2 qui soit, de celui qui a le plus de leadership, de charisme, des talents nombreux, et une grande ambition, et le laisser les exprimer, est la preuve que l’on sait recruter les meilleurs, que l’on sait l’importance de préparer sa succession, pour pouvoir à son tour relever de nouveaux défis!