Continuer à importer la nourriture est une honte nationale

Aux grands maux, des grands remèdes ! Le ministre d’État à l’Économie fait sien cet adage. En ce moment où le pays est face à plusieurs défis et cherche à se sortir de la crise, il use de sa force de persuasion pour attirer les entrepreneurs nationaux vers le secteur agricole, trouvant anormal l’importation de denrées alimentaires.

 

Modeste Bahati Lukwebo semble avoir tiré les leçons de la crise financière internationale. Bien souvent, les autorités congolaises sont sourdes aux conseils et recommandations des experts sur la nécessité de diversifier l’économie nationale. Maintenant, ils ont sans doute appris beaucoup des conséquences de cette crise. Face à la vulnérabilité de l’économie nationale dépendante de ressources naturelles, l’agriculture est la parade toute trouvée pour maintenir la stabilité macroéconomique face aux chocs exogènes. « Le potentiel des terres agricoles congolaises est encore trop peu exploité », déclare le ministre d’État à l’Économie. En direction des opérateurs économiques qu’il rencontre, Modeste Bahati cherche à passer le message du gouvernement : « Il n’est pas normal qu’on continue d’importer de la nourriture, de la farine de maïs, alors que nous avons des millions d’hectares de terres arables. »

Le secteur des mines et celui des hydrocarbures représentent près de 95 % des recettes d’exportation de la République démocratique du Congo.

Et quand le marché des matières premières tousse à la suite de la chute de leurs cours, c’est l’économie nationale qui s’enrhume. Autrement dit, la baisse des prix des matières premières et de la demande mondiale ont un impact négatif sur les équilibres macroéconomiques de la RDC. C’est pourquoi le gouvernement a décidé de se tourner vers l’agriculture pour diversifier l’économie nationale. Avec 80 millions d’hectares d’étendue des terres arables, 4 millions d’hectares de terres irriguées, de nombreuses cours d’eau comportant d’importantes ressources halieutiques, la RDC a tous les atouts majeurs pour devenir une puissance agricole mondiale, pourrait-on ainsi dire. Actuellement, bien que le secteur agricole contribue pour 36 % dans la formation du Produit intérieur brut (PIB) et participe pour plus de 60 % à la création d’emplois, il ne parvient pas encore à assurer l’indépendance alimentaire du pays et à générer suffisamment de revenus et d’emplois durables.

Programme ambitieux

En 2012, le gouvernement a défini dans le cadre du quinquennat, un programme, qui vise à renforcer la contribution de l’agriculture à la croissance économique, restaurer la sécurité alimentaire du pays, réduire la pauvreté et la précarité dans les milieux ruraux, accroître la production des produits vivriers et pérennes.

Pour atteindre tous ces objectifs, le gouvernement s’est doté de stratégies et politiques agricoles et rurales qui touchent à la sensibilisation, la production, l’évacuation, le stockage, la transformation et la commercialisation. Au niveau de la production végétale, l’objectif gouvernemental a été d’intensifier la production vivrière en vue d’atteindre l’autosuffisance alimentaire en denrées de base en 2015. Pour cela, il faut renforcer la mécanisation agricole, améliorer les infrastructures de recherche agronomique, disponibiliser les intrants agricoles aux agriculteurs et promouvoir la technologie appropriée post récolte.

Un autre objectif, c’est de redynamiser l’agriculture à la base, par la mobilisation et l’encadrement des populations rurales, de manière à atteindre l’objectif de superficie de 1 ha par ménage. Il s’agit principalement de promouvoir la professionnalisation des acteurs agricoles (incubateurs), des jeunes désœuvrés, des retraités et des démobilisés dans la production agricole en vue de leur auto-prise en charge. Dans ce cadre, la stratégie du gouvernement prévoit d’étendre l’expérience de relance de la production agricole dans l’hinterland du Grand Katanga à travers des grands blocs de champs mécanisés réalisés avec l’implication des privés et l’allocation d’un appui budgétaire important des gouvernements provinciaux. La stratégie consiste également à intensifier la production du maïs, notamment à Mweka, Kabinda et Ngandanjika (Kasaï), au Sud-Ubangi et Businga (Équateur)…

Le gouvernement a également prévu de mobiliser et encadrer des planteurs dans les champs en couloirs pour la production du riz (Maniema), dans la Mongala, la Tshopo et au Sankuru ainsi que dans la vallée de la Ruzizi au Sud-Kivu. D’intensifier aussi la production du manioc (Province Orientale, Équateur, Maniema, Kongo-Central et Bandundu) par la disponibilisation du matériel végétal amélioré couplée au processus de transformation, la production des pommes de terre et haricots (Nord-Kivu).

En ce qui concerne le renforcement du programme de mécanisation agricole, le programme prévoit de poursuivre des acquisitions annuelles de nouveaux lots de 750 à 1000 tracteurs/an avec accessoires et pièces de rechange, ainsi que des paires de bœufs pour la traction animale ; créer des brigades agricoles mécanisées dans toutes les provinces, avec objectif judicieux d’exploitation de 100 ha en moyenne par tracteur/ campagne ; développer les cultures industrielles, par la relance de 1 790 exploitations agroindustrielles existantes et/ou abandonnées, la sensibilisation des privés à la création de nouvelles unités et le développement de petites et moyennes exploitations paysannes.

À cet effet, le programme se penche plus particulièrement sur la relance de la culture du café (Province Orientale, Nord-Kivu et Équateur), la reprise de l’exploitation de l’hévéa (Équateur et Province Orientale), celle du sucre à Kiliba (Sud-Kivu) et Lotokila (Province Orientale) ;  la restructuration et l’appui au Service national (SN) et à la Réserve stratégique générale (RSG) avec des équipements agricoles et intrants, pour la réalisation de grands centres de production agricole intensive à travers le pays ; la mise en place, au niveau de chaque province, d’un programme spécial pour la réhabilitation et l’entretien d’au moins 50 km de pistes rurales dans chaque territoire…

Goulets d’étranglement

Si ce programme ambitieux est difficilement réalisable en l’espace d’un quinquennat, au moins il peut s’inscrire dans la durée. Jadis florissant, avec une production plus réduite, le secteur agricole est aujourd’hui totalement paralysé. Plus de 70 % de la population vit en insécurité alimentaire et les importations de denrées alimentaires (produits de première nécessité) augmentent tandis que les exportations de produits de rente baissent. La production agricole s’est en effet réduite, depuis quelques années, à des activités de subsistance malgré des conditions naturelles favorables (environ 97 % des terres arables bénéficient d’une saison culturale de plus de huit mois dans l’année. De plus, 34 % du territoire national sont de terres agricoles, dont 10 % seulement sont mises en valeur).

Ce problème sectoriel, partiellement lié à la faiblesse de la productivité, relève de problèmes d’accès au marché, d’évacuation des produits, de conservation, de la perte de main-d’œuvre agricole (à la suite des conflits et aux maladies endémiques) et des semences de qualité, de l’utilisation de techniques inappropriées, et du manque d’instruments de travail adéquats. Les principales productions exportées sont le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le coton, le sucre, le thé et le cacao. Tandis que les cultures vivrières concernent essentiellement le manioc, la banane plantain, le maïs, l’arachide et le riz.