COP 24 : le risque de blocage est réel

L’échéance du passage à la phase opérationnelle de l’Accord de Paris est fixée à la prochaine conférence annuelle (COP 24) qui se tiendra en Pologne du 3 au 14 décembre. Mais en prélude de ces assises, le meeting de Bonn a encore confirmé les divergences sur une supervision internationale.

 

Réunis au siège des Nations unies pour le climat à Bonn en Allemagne, les délégués de quelque 190 pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat ont buté sur la mise en œuvre d’une supervision internationale des politiques climatiques. Du 30 avril au 13 mai, ils se sont penchés sur le passage à la phase opérationnelle de l’Accord de Paris dont l’échéance est fixée à la conférence annuelle sur le climat (COP 24), prévue à Katowice en Pologne du 3 au 14 décembre.

Selon des spécialistes, la COP 24 est un nouveau rendez-vous important des négociations climatiques car elle constitue la date butoir à laquelle les pays doivent se mettre d’accord sur un ensemble commun de lignes directrices (rulebook) formant le « Programme de travail de l’Accord de Paris » (Paris Agreement Work Program). D’après Agnès Sinaï, journaliste spécialiste, cette boîte à outils est essentielle pour déterminer si les émissions mondiales totales diminuent assez rapidement. « L’action climatique des pays doit être comparable et transparente afin de donner des signaux clairs et coordonnés quant à la manière et à la vitesse à laquelle la transition vers une économie à faible intensité de carbone se produit », écrit-elle.

Et de poursuivre : « L’élaboration du rulebook a commencé l’année dernière, mais de nombreux textes sont encore des compilations de positions avec des options entre crochets. Les négociations de Bonn devaient produire des versions simplifiées des règles de base permettant de coordonner les efforts climatiques de la communauté internationale (comparabilité, transparence et responsabilité) et l’évaluation (suivi, reporting et vérification) des objectifs climatiques nationaux. »

Les crispations

Très attendue, pourtant, l’issue de cette conférence ne conforte guère la crédibilité du régime climatique international de l’Accord de Paris. Même la secrétaire exécutive de l’ONU sur les changements climatiques, Patricia Espinosa, l’a souligné dans un communiqué diffusé le 10 mai, jour de la conclusion de l’intersession : « Le paquet en cours de négociation est très technique et complexe. Nous devons le mettre en place pour que le monde puisse suivre les progrès de l’action climatique ». 

Les présidents des trois organes subsidiaires ont coordonné les discussions sur un large éventail de questions relevant du programme de travail de l’Accord de Paris. Les délégations ont demandé que soit publiée une « note de réflexion » pour aider les gouvernements à se préparer pour la prochaine série de pourparlers.

Étant donné que d’ici mars 2020, les États parties devront avoir mis à jour leurs stratégies climatiques nationales (contributions déterminées au niveau national dites NDC). En leur état actuel, elles ne sont pas suffisantes pour atteindre les 2°C, sans parler de l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris, font savoir les mêmes spécialistes. Tous les cinq ans à partir de 2023, un bilan mondial (global stocktake) des progrès réalisés par les États fera l’objet d’une supervision des Nations unies selon le mécanisme d’ambition voulu par l’Accord de Paris.

Signe de la crispation des négociations à mesure que les échéances se rapprochent, les pourparlers préparatoires se poursuivront lors d’une réunion supplémentaire à Bangkok (Thaïlande) du 3 au 8 septembre. Cette réunion examinera la note de réflexion et les points de vue et contributions des gouvernements saisis dans divers textes à Bonn. La réunion de Bangkok transmettra ensuite les textes et les projets de décisions pour adoption à la COP 24.

Mais le risque de blocage de la COP 24 est réel, car les financements climat ne sont toujours pas au rendez-vous. Responsable du plaidoyer climat à Oxfam France, Armelle Le Comte estime que les pays développés doivent absolument prendre de « nouveaux engagements financiers d’ici la COP24 », notamment pour l’adaptation qui reste négligée par les bailleurs internationaux, et pour le Fonds vert pour le climat. Comme il le dit, ces pays doivent également être prêts à s’engager sur des règles « équitables et robustes » qui permettront de renforcer la confiance sur le fait que l’objectif de 100 milliards de dollars par an sera atteint en 2020.

À Bonn, la nomination du vice-ministre polonais de l’Énergie, Michał Kurtyka, membre d’un gouvernement pro-charbon, comme président de la COP 24, a été confirmée. Il a déclaré le 9 mai que le dialogue de Talanoa « était une fenêtre sur des expériences fascinantes de la vie réelle, mais aussi des émotions humaines » et a confirmé que « le temps est venu de passer à l’étape suivante de nos préparatifs de la phase politique pendant la COP 24 ». Pour rappel, le dialogue de Talanoa veut « donner corps aux politiques climatiques ». Anciennement appelé « dialogue de facilitation », Talanoa est un processus multilatéral lancé par la présidence fidjienne à la COP 23. 

Selon la tradition du Pacifique Sud, il s’agit d’une narration collective et bienveillante des progrès réels réalisés par les parties vers les objectifs de l’Accord de Paris. Ce forum, qui associe pays, entreprises, villes, investisseurs et société civile, encourage les États à augmenter leur ambition climatique. Il est censé accroître leur confiance mutuelle. L’Union européenne, les petits États insulaires (AOSIS), les pays les moins avancés (LDC), les huit pays des Caraïbes et d’Amérique latine (AILAC), les 43 pays les plus vulnérables aux changements climatiques et la présidence fidjienne ont exprimé leur souhait que le dialogue de Talanoa se traduise rapidement en un résultat politique qui conduise les pays à renforcer leurs engagements climatiques d’ici 2020.

En attendant la COP 24, d’autres événements internationaux sont aussi au rendez-vous : le Dialogue de Petersberg sur le climat en Allemagne, la conférence ministérielle sur l’action climatique à Bruxelles en juin et le sommet sur l’action climatique en Californie en septembre.