Cotanga joue à fond la carte de la reprise de l’activité

L’attente a été longue. Créée en 2005 dans la perspective de reprendre l’activité cotonnière dans les provinces du Tanganyika et de Haut-Lomami, ce n’est qu’en août 2017, enfin, qu’une décision ministérielle autorise à Cotanga l’acquisition des concessions et installations déclarées « biens sans maître ».

 La Nouvelle cotonnière du Tanganyika Sarl (Cotanga) est depuis le 16 août 2017 légalement en droit de réhabiliter les concessions et les installations à l’abandon, appartenant, jadis, à l’ex-société Estagrico et à l’ex-société Filtisaf.

L’administrateur directeur général de Cotanga Sarl, Deogratias Symba, explique que c’est « après de longues négociations avec le gouvernement » que sa société a été choisie pour les reprendre. Créée en 2005, la Cotanga Sarl a dû attendre huit ans pour en obtenir enfin l’acquisition, à la faveur de l’arrêté ministériel n°21/CAB/MIN.AFF.FONC./2017 du 16 août 2017.

Des responsables de l’Estagrico, qui a donné naissance aux sociétés Coton Lac et CEEC, dénoncent cette décision, arguant que l’Estagrico n’avait jamais cédé ses actifs à Coton Lac et CEEC. C’est dire qu’il y a une bataille juridique en perspective. Dans tous les cas de figure, ils n’excluent pas un partenariat avec Cotanga sur leurs concessions et installations. Une option à laquelle Deogratias Symba est totalement ouvert.

En attendant, la Cotanga avait donné sa parole d’honneur de réhabiliter les concessions et installations reprises, en les équipant des machines modernes d’égrenage du coton et celles de filature, tissage et teintures pour l’usine textile de Kalemie, sans oublier les usines de traitement de sous-produits du coton. La société a déjà des partenaires financiers, notamment aux États-Unis, qui ont promis de mettre la main à la poche.

Selon l’A-dg de la Cotanga Sarl, six territoires (dont Nyunzi, Kabalo, Kongolo) du Tanganyika sont concernés par la relance de la culture du coton qui commence avec la prochaine saison culturale. Dans une première phase, il est prévu de cultiver 11 000 ha déjà identifiés dans la plaine de Lugumba, à 15 km de Kalemie. « Nous voulons commencer à préparer la population et à identifier les problèmes qui vont se poser avant de commencer la culture », a déclaré l’A-dg de la Cotanga sur les antennes de Radio Okapi.

D’après lui, la production attendue est de 450 t de coton par ha, se fondant sur une estimation des experts. Par ailleurs, le projet va générer 290 000 emplois pour les paysans. En dehors de Kalemie, la Cotanga va relancer les activités à Kabongo, Malemba Nkulu et Manono, précisément à Ankoro dans la province de Haut-Lomami. Enfin, la Cotanga compte écouler sa production auprès de la Sotexki (Société textile de Kisangani).

L’A-dg de la Cotanga est optimiste. Sa société va jouer le rôle classique d’une société cotonnière : distribuer les semences aux paysans cultivateurs, acheter leur production sur les marchés qu’elle organise. Pour lui, il faut bien s’armer pour répondre également à la demande de sous-produits du coton, notamment l’huile et les tourteaux. La RDC en avait des usines d’extraction à Samba (Maniema) et à Lubumbashi (Katanga). Ces huileries étaient conçues pour extraire aussi l’huile d’arachide dont la récolte en février précède celle du coton en juin-juillet. Les graines du coton ont une enveloppe très dure ou la coque (40 à 45 % du poids de la graine) ; cette coque entoure une amande qui renferme 30 à 35 % de l’huile.

Les graines doivent être décortiquées après l’enlèvement du duvet (ou linter) qui les recouvre. L’huilerie de Lubumbashi pratiquait l’enlèvement du linter pour fournir à travers un procédé chimique le « second cut », qui est un élément (combustible) entrant dans la fabrication des explosifs à usage civil ou militaire. Ces huileries produisaient 13 % d’huile brute, 38 % des tourteaux, 40 % des protéines pour bétail et 40 % du linter.

La participation à l’ACA

Grâce à ses partenaires financiers, la Cotanga a représenté la République démocratique du Congo pour la première fois aux 16è Journées annuelles de l’Association cotonnière africaine (ACA) à Abuja au Nigeria (14-17 mars).

Le thème principal de l’événement, rappelons-le, était : « Mécanisation de la culture cotonnière, une nécessité pour booster la production du coton africain ». Deogratias Symba qui y a pris part, souligne que « ces assises ont permis de regrouper tous les acteurs de la filière cotonnière africaine et mondiale, membres et sympathisants de l’ACA, soit une centaine de délégués ».

Il y avait à Abuja, poursuit-il, des responsables des sociétés cotonnières ; des sociétés textiles ; des équipementiers ; des fournisseurs d’usines d’égrenage du coton, de matériel de transport du coton ; des vendeurs de tracteurs, de machines textiles ; et des traders qui commercialisent le coton dans le monde.

On retiendra aussi que le directeur général de la Tanzania Cotton Board, Marco C. Mtunga, a été élu président de l’ACA pour un mandat de 3 ans et que les 17è Journées annuelles de l’ACA se tiendront à Bamako au Mali l’année prochaine.

À propos de la problématique de la mécanisation de la culture du coton dans le monde, Gérard Estur a présenté les statistiques mondiales qui placent les États-Unis en tête des quatre principaux producteurs mondiaux, suivis par la Chine ; les deux pays produisent chacun plus de 4 Mt. L’Inde et le Pakistan viennent après. En Afrique, l’Egypte avait atteint 1.5 Mt au début des années 2000. Mais les leaders africains sont aujourd’hui le Burkina-Faso (750 000 t), le Mali (645 000 t) et le Bénin (531 t) en 2017. Par ailleurs, le Soudan qui a 1 900 000 ha en production, a tout mécanisé depuis 1959 : de la dessouchage à la récolte en passant par le semis, le sarclage et les traitements phytosanitaires.

La Route du coton

Pour booster le commerce régional, il a été créé à Bamako en octobre 2016 l’organisation appelée « Route du coton ». C’est un projet des pays dits C4 (Burkina-Faso, Bénin, Mali et Tchad) afin que les échanges engendrés par la commercialisation entre ces quatre pays contribuent à « réduire les coûts et le temps dus aux transports routiers et/ou ferroviaires ».

C’est un projet qui s’inspire du « Grand Mékong » en Asie et le « Corridor Nord-Sud » en Afrique australe et orientale, deux projets ayant connu un franc succès et servi de référence en matière de mise en œuvre de l’aide pour le commerce. La Route du coton vise la mise en place des infrastructures durables liées au commerce et le renforcement des capacités productives.

Dans l’espace de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest, la récolte dans la filière coton est financée par les banques françaises.

À l’échelle régionale, la proportion du coton transformé localement représente 5 %, le reste est exporté sous forme de matière première, avec un taux d’export le plus élevé au monde, selon la Banque ouest-africaine de développement (BOAD). Actuellement, le secteur du coton emploie quelque 10 millions de producteurs et 12 millions de salariés en Afrique de l’Ouest, selon l’Organisation professionnelle des industries cotonnières et textiles (OPICT).