Cultiver la terre devient un problème

L’activité humaine est responsable du dérèglement climatique qui frappe notre planète. À coté de l’énergie, de l’industrialisation et du transport, l’agriculture complète ce tableau déjà sombre.  

Il est possible d’augmenter la productivité agricole pour nourrir les villes tout en préservant l’environnement..
Il est possible d’augmenter la productivité agricole pour nourrir les villes tout en préservant l’environnement..

En 2010, les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine ont atteint 49 milliards de tonnes de gaz carbonique, leur plus haut niveau jamais enregistré. Elles ont augmenté de 2,2 % par an entre 2000 et 2010. La production et la consommation d’énergies fossiles sont responsables de 69 % des émissions, tandis que l’agriculture, la déforestation et le changement d’usage des sols représentent quant à eux 24 % des émissions,  soit 10 à 12 gigatonnes d’équivalent en CO².

Produire beaucoup et vite

Avec une population de 9 milliards d’habitants et une démographie dont la courbe reste activement ascendante, le secteur agricole est censé s’intensifier pour assurer une sécurité alimentaire. Produire en grande quantité et en un temps réduit conduit l’homme à recourir à certaines méthodes lui permettant d’écourter le délai naturellement imparti avant la récolte. L’impact de l’agriculture sur l’environnement et le climat à travers les émissions de gaz à effet de serre est une réalité non négligeable qui contribue au réchauffement du climat mondial à une vitesse sans précédent.

Les engrais chimiques se décomposent et s’évaporent 

Le secteur agricole émet dans l’atmosphère des quantités massives de particules  de plusieurs manières. D’abord, s’il est mécanisé cela veut dire qu’il utilise des engins qui, une fois en marche, émettent des CO². Dans cette première forme d’émission se classent  les parcs agro-industriels. Outre le dioxyde de carbone émis par des moteurs en marche dans le secteur agricole, ce dernier est aussi une  source émettrice de quantités importantes de gaz à effet de serre comme le méthane et le protoxyde d’azote  qu’on trouve respectivement dans l’élevage des bovins dont les excréments sont utilisés comme fumier et dans l’utilisation des engrais chimiques qui,  une fois dans le sol, se décomposent et s’évaporent dans l’atmosphère pour s’ajouter à d’autres types de gaz qui modifient sensiblement la trajectoire du climat mondial.

Un rôle d’amortisseur climatique

Ce n’est pas pour autant que l’agriculture contribue au coup fatal que d’autres activités humaines portent à la planète. Il faut relever tout de même que l’agriculture, une activité très importante pour la survie de l’homme, joue un rôle crucial qui est celui d’amortisseur climatique car les bois et les champs stockent du CO² par photosynthèse. Elle est perçue comme un puits et une  source de gaz à effet de serre dans la mesure où la déforestation, le retournement de prairies ou les drainages des zones humides entraînent un retour rapide dans l’atmosphère du dioxyde de carbone jusque-là stocké dans la terre. De même, le labourage et les surfaces laissées nues produisent des effets identiques de relargage de gaz à effet de serre tout en accentuant l’érosion et la dégradation des sols, ce qui les rend encore plus vulnérables aux aléas climatiques. L’artificialisation galopante des terres pour sa part complète ce tableau pathétique.

Un constat amer

Le Groupe intergouvernemental des experts sur l’évolution du climat (GIEC) considère dans ses calculs que tous les sols et toutes les cultures du monde émettent la même quantité d’azote, peu importe la dose d’engrais minéral (chimique) ou organique (d’origine animale) qu’ils reçoivent.

Recourir à l’agroforesterie

La croissance démographique que connaît la terre demeure un défi majeur pour l’alimentation des populations. Il est possible d’augmenter la productivité agricole tout en préservant l’environnement. Parmi les alternatives les plus privilégiées pour y parvenir, le recours à l’agroforesterie permet une agriculture durable. Cette méthode consiste à conjuguer cultures agricoles et plantations d’arbres à croissance rapide comme l’eucalyptus et l’acacia. Elle est particulièrement bien adaptée à la production de manioc, de cacao, etc. Par ailleurs, le bois planté peut être revendu par la suite, ce qui représente un complément de revenus considérable pour les familles. Ceci démontre que concilier développement économique et respect de l’environnement  est possible.

Une production agricole sobre

En République démocratique du Congo, l’agroforesterie est une méthode déjà pratiquée par certains acteurs impliqués dans la protection de l’environnement. Cette production agricole sobre en carbone est pratiquée par le domaine agro- forestier IBI village situé à plus de 100 km de Kinshasa. Sur ce site appartenant à Olivier Mushiete, l’on cultive du manioc et d’autres produits agricoles mélangés aux espèces végétales à croissance rapide constituées principalement  d’acacia.

Un puits carbone

Ces plantes sont également utilisées dans la fabrication du charbon qui approvisionne les marchés de Kinshasa. Cette forme d’agriculture sobre en carbone génère des emplois et constitue en même temps un puits carbone reconnu par les Nations unies à travers leur structure dénommée Conférence cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC).

Surmonter les chocs climatiques

L’agriculture est une formidable machine à transformer les très abondants carbones et azotes de l’air grâce à une énergie solaire infinie. Elle permet de stocker le carbone par l’agro-écologie, l’agroforesterie, l’arboculture, la sylviculture : les paysages de bocages et les prairies permanentes. L’humanité doit jouer sa survie en recourant à une agriculture plus intensive mais sobre en carbone pour nourrir 10 milliards d’humains tout en surmontant les chocs climatiques. Et déployer de gros efforts pour tourner le dos aux pratiques les plus dommageables pour l’environnement, ce qui permettrait au secteur agricole de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 %, voire 60 % d’ici à 2030.