Des cours d’eau en voie d’assèchement

La vaporisation du lac Tumba relance le débat sur la nécessité d’une gestion durable des bassins versants et de toutes les autres sources du pays. Des spécialistes estiment que si le bassin versant est mal géré, tout le reste qui  provient des précipitations est voué à un assèchement certain.

Situé dans l’ancienne province de l’Équateur, à mi-chemin entre Mbandaka (Bikoro) et le lac Maï-Ndombe, le lac Tumba (plus de 23 000 km²) n’est pas le seul espace aquatique menacé en République démocratique du Congo. D’autres lacs et des rivières sont en voie d’assèchement et d’ensablement : Tanganyika, Kamalondo, Tshangalele et les rivières Lualaba, Kulumaziba, Lukondi et Lububu (dans l’ex-Katanga). L’alerte a été lancée par Jean-Pierre Djibu Kabula, professeur à l’université de Lubumbashi. Cette situation est due à la hausse de la température qui a atteint un niveau record depuis 1 500 ans, menaçant les réserves de poissons, source de nourriture pour des millions de personnes.

Déforestation

La déforestation massive est à la base de la diminution des quantités d’eau et de la baisse du niveau du lac ainsi que de la coloration noire de son eau, « pauvre en calcium, en azote, en soufre et en aluminium », selon plusieurs études. Ces derniers éléments concourent à la faible production, non seulement des phytoplatons (aliments privilégiés des poissons dans le lac), mais aussi des poissons eux-mêmes dans cet écosystème. Le bassin versant influence également la vie du lac Tumba suite aux activités anthropiques (agriculture itinérante sur brûlis, exploitation forestière par les populations riveraines et les villages établis notamment dans le territoire de Bikoro), soutient Norbert Zanga, un chercheur, qui précise que la qualité physique des eaux et leur profondeur en dépendent. D’après lui, le lac Tumba connaît actuellement une variation de superficie selon les saisons, soit 765 m² pendant la saison pluvieuse et 500 m², pendant la saison sèche.

Les conséquences sont aussi évidentes sur la faune aquatique où la production des phytoplatons est faible. Ces organismes inférieurs influencent, sous l’effet du rayonnement solaire, la production des zooplatons (animaux inférieurs microscopiques et aliments principaux des poissons). Sans oublier la température trop élevée de l’eau du lac par rapport aux autres cours d’eau, à cause de sa coloration noire qui emmagasine beaucoup d’énergie solaire.

Les causes majeures

Face à ce problème, des voix se font entendre pour sauver le lac Tumba et les autres cours d’eau par une gestion durable de bassins versants et de toutes les autres eaux du pays, notamment celles du fleuve Congo et de ses affluents. La gestion des versants de ces cours d’eau s’avère impérieuse, dès lors que la vie d’une rivière en dépend. « Si le bassin versant est mal géré, toutes les eaux provenant des précipitations sont vouées à un assèchement certain », avertit un chercheur qui invite les populations riveraines à s’abstenir, dans leur vécu quotidien, de toute déforestation et de toute coupe désordonnée des arbres, à la base de l’assèchement automatique des sources d’eau souterraines qui alimentent les rivières et le lit du lac.Le cas du lac Tanganyika est tout aussi préoccupant. Une étude sur sa partie nord a été menée dans le cadre du Programme pêche initié par Action contre la faim (ACF). Selon cette étude, une bonne partie des problèmes rencontrés étaient externes au lac, qui n’est que le réceptacle de ce qui se passe à l’entour. Trois problèmes principaux ont été indexés : la déforestation, le prélèvement des rochers pour la construction immobilière et l’absence d’une législation appropriée. De ces trois problèmes, la déforestation est la cause majeure qui amène tout un ensemble de conséquences parfois peu perçues. En l’absence de structures forestières pour retenir l’eau, on en arrive à une série de conséquences avec, en particulier, l’impossibilité de rétention d’eau utile pour l’agriculture et pour la boisson. De façon directe, les fortes pluies entraînent irrémédiablement le sol arable, d’autant plus qu’on a affaire à un relief particulièrement pentu. L’absence de la structure arborée a également un rôle important dans les précipitations. Moins il y a d’arbres, moins il y a de précipitations. Au niveau du lac, cela provoque un dépôt de sédiments sur des zones de production primaire. Pour relancer la reconstruction des ressources naturelles actuellement manquantes, il est absolument nécessaire de commencer par agir sur le littoral, en particulier en reboisant. Sans cette étape, il est illusoire de vouloir recommencer une production de ressources pour la sécurité alimentaire. En raison de la structure du paysage, il faut adapter les techniques agricoles aux systèmes comme la structure en terrasse, permettant le ralentissement de la perte des eaux de pluies et, ainsi, un renouvellement plus conséquent de la nappe phréatique. La gestion des eaux de pluies, soit par irrigation et captage, mais aussi des techniques agricoles adaptées (plantation arbustive autour des champs), est une des clés du renouvellement des ressources naturelles.

Sensibilisation

Les comportements humains, caractérisés par l’utilisation de matériaux comme les rochers et les roseaux pour la construction immobilière, l’utilisation non rationnelle de tous morceaux de bois pour le bois de chauffage, celle d’engins de pêche non-sélectifs le long du littoral, le recours, dans certaines zones, aux engrais ou aux produits chimiques, le rejet de tous les déchets organiques domestiques dans les cours d’eau et le lac constitue une autre source de problèmes. Pour assurer le renouvellement des ressources halieutiques du lac, l’étude recommande l’arrêt des prélèvements de rochers et de roseaux dans le lac, replanter des roseaux et comme palliatif à l’utilisation des roseaux, la plantation de bambous, et aussi replanter les arbres…

En même temps, il manque une législation adaptée et son application.

C’est l’un des problèmes souvent soulevés. Il est illusoire d’interdire et de réglementer sans application possible de règles édictées. Dans le cas de la pêche, le suivi des captures, l’encadrement des pêcheurs et la commercialisation du poisson (organisation des ventes à la criée et mise en place de coopératives sur les plages) étaient recommandés. L’ensemble de ces activités sur la zone devait prendre cinq ans maximum avant la mise en place d’un système plus élaboré. La durée de récupération prévue est aujourd’hui largement écoulée. Rien n’a été réalisé et la situation du lac n’a fait qu’empirer.