Des dizaines de repreneurs se bousculent pour le rachat du Mondial de l’auto

Le sort du Mondial de l’auto devrait être fixé avant fin avril. Cependant, cette privatisation d’un salon emblématique qui a fêté ses 120 ans, inquiète. Les critiques fusent, notamment sur le calendrier et ça fait désordre.

LA VIEILLE DAME a 120 ans est à vendre. La privatisation du Mondial français de l’auto fait grincer bien des dents, même si le repreneur doit reprendre tout le personnel. L’appel d’offres a été lancé le 15 février. « Une dizaine d’opérateurs français et étrangers a déjà montré son intérêt », indique la PFA (Plate-forme française automobile), propriétaire depuis début 2018 du salon de l’auto le plus fréquenté au monde (1 068 184 visiteurs en octobre 2018), devant Francfort (810 000 en septembre 2017), Genève (660 000 visiteurs en mars 2018) ou les manifestations chinoises (Shanghai et Pékin en alternance au mois d’avril). 

La date limite pour la dépose des offres est fixée au 18 mars « pour une décision en principe avant fin avril ». Officiellement, il s’agit d’assurer l’avenir du Mondial, qui a appartenu entre 1991 et fin 2017 à 80 % au CCFA (Comité des constructeurs français d’automobiles) et à 20 % à la FIEV (Fédération des équipementiers) mais a été repris par la PFA, un organisme parallèle… qui regroupe aussi constructeurs et équipementiers, par un de ces doublons administratifs comme la France les aime ! 

Querelle d’hommes

Le dernier Mondial a connu il est vrai beaucoup de vicissitudes, à l’égal des autres salons automobiles internationaux. Maints constructeurs ont déclaré forfait. La marque Volkswagen n’a ainsi pas participé au Mondial 2018, pas plus que le groupe Fiat Chrysler Automobiles (FCA), Ford, Opel (groupe PSA), Nissan, Mitsubishi, Volvo, Mazda. Son patron Jean-Claude Girot, 66 ans, va d’ailleurs devoir quitter ses fonctions. Il est en conflit ouvert aujourd’hui avec Luc Chatel, 54 ans, président de la PFA ! « Les deux hommes ne s’aiment guère », souligne un proche du dossier, ce qui « n’arrange rien. Ces bisbilles font mauvais effet sur les exposants potentiels ».

Ceux qui critiquent la gestion de Jean-Claude Girot, connu pour son franc-parler qui ne lui a pas valu que des amis, lui reprochent une certaine « opacité de sa gestion et un manque de rigueur », selon une source interne. En revanche, l’homme a su faire (partiellement) évoluer le Mondial vers un salon de la mobilité. Les organisateurs du salon ont même installé place de la Concorde un centre d’essai de voitures dites vertes (électriques, à hydrogène…) durant toute la durée du Mondial. Pour être politiquement corrects et amadouer la mairie de Paris. 

Un calendrier « pas très bon »

Ce centre d’essais était la contrepartie d’une grande parade, le dimanche 30 septembre avant le Mondial, de 200 à 300 voitures historiques, censées illustrer l’histoire de l’automobile. Le très anti-automobile maire de la capitale a accepté ainsi de ne pas organiser sa rituelle journée sans voiture la semaine précédant le Mondial, ce qui aurait été une contre-publicité pour le salon. Anne Hidalgo l’avait avancée exceptionnellement au dimanche 16 septembre 2018.

Le problème du Mondial de l’auto aujourd’hui, c’est qu’organiser un salon tous les deux ans ne suffit pas. Il faut ajouter des « revenus tirés des partenariats, du sponsoring », explique un connaisseur. Autant donc adosser ledit Mondial à d’autres manifestations tout au long de l’année en France et à l’étranger sur divers thèmes, au sein de sociétés spécialistes de l’événementiel en général. Tel le français Comexposium qui organise le salon de l’agriculture, le salon mondial du tourisme, la Foire de Paris, Equipauto… Ou GL Events, qui s’occupe des salons Vins et gastronomie, Habitat et immobilier… L’anglo-néerlandais Reed Exhibitions est pour sa part un des grands de l’organisation de salons mondiaux. Les trois sociétés seraient intéressées par le Mondial.

Il va falloir aller vite. Le calendrier de la vente du Mondial « n’est pas très bon », juge un constructeur. « Le Mondial doit préparer ses propositions commerciales aux éventuels exposants en juillet-août pour nous les communiquer en septembre. Nous déciderons de nos budgets pour le prochain Mondial 2020 entre octobre et décembre. Or, cette cession désorganise un peu tout ». 

Par ailleurs, d’aucuns s’interrogent sur les dangers d’une telle privatisation, surtout si elle se fait au profit d’un groupe étranger, et avancent que le salon de Francfort – organisé en alternance avec celui de Paris – reste la propriété de la très puissance Association de l’industrie auto allemande, la VDA… Un outil de souveraineté ?