Des ONG plaident pour l’arbitrage dans le règlement des conflits

Un collectif d’associations de Kinshasa est demandeur, hic et nunc, d’une table ronde sur la problématique de la propriété. En réalité, c’est la réforme du code réagissant les terres qui est réclamé.

 

La gestion des terres à travers le pays pose trop de problèmes. Suite aux nombreux abus constatés dans le chef des agents des services des Affaires foncières, notamment les conservateurs des titres immobiliers, des fonctionnaires des services de l’Habitat et de l’Urbanisme, des juges, des autorités politiques et administratives, une cinquantaine d’ONG de Kinshasa ont décidé de se mettre en synergie dans la perspective d’une réforme du code foncier en 2016. Comme revendications, elles souhaitent que le principe d’arbitrage soit introduit dans la réforme de ce code pour diminuer, disent-elles, le nombre des plaintes devant les cours et les tribunaux. La procédure d’arbitrage consiste à soumettre au préalable un conflit à une commission qui statuera à toutes fins utiles avant de le transférer à la justice. Le fait de ne pas soumettre un litige foncier à cette procédure pourrait entraîner l’irrecevabilité de l’action, préconisent les ONG.

Outre la procédure d’arbitrage, elles souhaitent également que le droit coutumier puisse être introduit dans le programme universitaire en vue d’éviter les erreurs judiciaires dans les cours et tribunaux pendant les procès fonciers.

Par ailleurs, les ONG exigent la définition d’une cartographie foncière dans le pays et l’informatisation des services du foncier pour la maîtrise de l’épineux problème de perte des titres qui favorise l’expropriation des propriétaires avec la complicité des agents des Affaires foncières.

L’idée de créer un collectif a pris corps avec l’initiative de l’ancien ministre des Affaires foncières, Maj Kisimba Ngoy, qui avait convoqué, en février 2012, une réunion des conservateurs des titres immobiliers élargie aux victimes de litiges fonciers à Kinshasa. À cette réunion publique, une centaine de cas mettant en cause des conservateurs des titres immobiliers avaient été enregistrés.

Propriété privée

La problématique des terres est à ce jour si complexe qu’il faut repenser le droit de propriété privée qui est source de nombreux litiges et, donc, un frein évident au développement du pays. « Souvent inconnu, il n’est pas étonnant qu’il soit aujourd’hui au centre de nombreux conflits non seulement au Congo mais aussi dans nombre de pays pauvres africains. La loi foncière devrait prendre en compte les élans de la population et l’environnement social », lit-on dans le manifeste du collectif. Autrement dit, il faut adapter les textes à la réalité du terrain. Un constat : les textes sont méconnus de la population car peu vulgarisés. Il est difficile pour elle de connaître ses droits et ses devoirs sur la propriété. Les ONG recommandent que soit résolu le problème de la forte prévalence de la coutume sur le droit positif dans le contentieux foncier rural.

Cette situation juridique ambigüe des biens immobiliers accentue la pauvreté des populations particulièrement dans les zones rurales. D’une part, les chefs coutumiers en revendiquent l’autorité et, d’autre part, l’État s’autoproclame propriétaire du sol et du sous-sol. À Kinshasa, les quartiers Kinkole, Matadi Mayo, Benseke, Mitendi, Kinsuka, et d’autres. sont actuellement les lieux où sont concentrés la plupart des conflits fonciers du fait des conservateurs des titres immobiliers et des chefs coutumiers.

« La loi foncière du 20 juillet 1973 donne trois moyens pour devenir propriétaire d’une maison ou d’un immeuble : par convention (contrat de vente), par donation entre vifs et par héritage », explique le professeur Kalambayi wa Lumpungu,  expert en droit foncier. « L’acquisition par convention peut porter sur le droit immobilier concernant les terrains nouvellement lotis et sur la propriété immobilière d’une maison ou de terrains déjà lotis, cadastrés et mis en valeur », souligne-t-il.

Pour cela, tout particulier qui désire acquérir un terrain ou une parcelle nouvellement lotis, doit traiter directement avec le ministère des Affaires foncières par le truchement du conservateur des titres immobiliers territorialement compétent. À ce niveau déjà, beaucoup d’acheteurs tombent dans le filet d’escrocs et se plaignent parce qu’ils ont acheté un terrain auprès d’un chef coutumier, fait observer un avocat. Dans ce cas le contrat de vente de terre est nul. L’autorité coutumière ne porte pas sur le fonds mais sur la coutume locale. Et seul l’État reste propriétaire du sol et du sous-sol. Les particuliers propriétaires de terrains n’ont que le droit de jouissance sur le fonds acquis après avoir satisfait aux conditions et obligations légales, explique encore Kalambayi Lumpungu.