Des pratiques d’un autre âge à la Fonction publique pour arrondir les fins du mois

Le diagnostic de l’Administration publique dans le pays est préoccupant. Il révèle des dysfonctionnements mais aussi des dynamiques qui lient l’État, les fonctionnaires et les usagers.

À PREMIÈRE vue, l’état des lieux n’incite guère à l’optimisme : obsolescence et inadaptation du cadre juridique, absence de régime de protection sociale efficace, pléthore du personnel sans profil, déficit d’éthique professionnelle et règne d’antivaleurs, système opaque et inégalitaire des primes, absence d’évaluation et de sanction, mauvaise qualité des services offerts aux usagers, absence de politique salariale motivante et incitative, mauvaises conditions de travail, le clientélisme dans le recrutement et l’avancement des grades… Bref, une situation générale aux conséquences incalculables.

L’absence virtuelle de motivation au travail, associée au manque total d’évaluation a donné naissance à une culture de corruption rampante et de monnayage des services publics. Les fonctionnaires et agents de l’État imputent la responsabilité à l’employeur, l’État, qui leur verse des faibles rémunérations. Par ailleurs, bien que les salaires soient indécents, on observe une forte concentration ou une nette différenciation des salaires selon l’ancienneté ou le niveau de responsabilité. Ainsi, les avantages et les primes alloués représentent souvent 90 % de la rémunération en complément du salaire de base légal. Ces avantages et compléments de salaire montrent des modalités de contournement de la modicité des salaires des fonctionnaires et agents de l’État. Pour rappel, les salaires représentent plus de 45 % des dépenses publiques de l’État.

Inversion des valeurs

Au fil des années, des pratiques contraires à l’éthique professionnelle ou des antivaleurs se sont cristallisées dans l’Administration publique. Le gouvernement a souvent mis en épingle le manque de ressources pour améliorer les conditions de travail et de vie de ses agents. Pourtant, la RDC est l’un des pays potentiellement riches d’Afrique mais dont la plus grande partie de la population vit dans une pauvreté extrême. 

Des enquêtes in situ montrent que les ressources et les bénéfices de l’État profitent à « quelques privilégiés ». Une étude sociologique révèle qu’en dehors de ceux qui sont au pouvoir (ministres, généraux, PDG, administrateurs), les agents des régies financières construisent le plus de maisons dans le pays. Les agents de l’État récoltent les impôts et de nombreuses taxes, sans que cela ne profite à toutes les populations. 

Par ailleurs, la décentralisation effective et intégrale en 2015 présentée comme la panacée semble en panne. Les provinces demeurent tributaires du gouvernement central. Pour la majorité des fonctionnaires et agents de l’État, il n’y a qu’une seule devise : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! » Confrontés aux conditions de vie précaires, ils sont devenus adeptes de « l’Article 15 » ou le système D ou encore la débrouille. Tous les documents de l’État sont marchandés auprès des usagers dans les administrations publiques. « C’est pour la survie ». 

La boulimie est perceptible chaque jour devant les ministères et les autres administrations publiques. Les fonctionnaires et agents de l’État sont contraints, même malades, d’être chaque jour au lieu du travail. Sinon vous condamnez tout le ménage à ne pas manger. Ici, on ne connaît pas le congé annuel, pourtant légal. L’État est devenu la bête sur laquelle tout le monde vient se servir avant de servir la nation.

Tracasseries

Mal payés, les fonctionnaires recourent donc à des pratiques prohibées pour embrigader les usagers, en marchandant les services. Les chefs hiérarchiques comptent également sur les agents pour canaliser vers eux une partie des gains ainsi acquis. Les usagers à la recherche d’un document de l’État ou de tout autre service n’ont de choix que de négocier avec les fonctionnaires. Par exemple, un document qui coûte officiellement 2 ou 3 mille francs est obtenu à 10 dollars voire 20 dollars. Souvent c’est à la tête du client que le prix est fixé. 

Pire, déplorent des chefs d’entreprise, des fonctionnaires et agents de l’État de différents ministères et autres services publics, sous n’importe quel prétexte, squattent leurs offices pour des rentes indues. Des pressions financières que l’on fait passer pour des « pratiques en vigueur ». 

Les fonctionnaires et agents de l’État des années 1960-1970, eux, faisaient bien leur travail, étaient bien rémunérés à l’époque et avaient l’éthique professionnelle. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, tous les services de l’État fouinent leur nez partout où ça sent l’odeur de l’argent. Même les services, la justice, etc. sont entrés dans la danse au point que les chefs d’entreprise sont souvent obligés, soit de fermer le téléphone, soit de déserter le bureau, soit encore de voyager. Ulcérés qu’ils sont par les tracasseries administratives à outrance et souvent sans motif réel. 

La corruption est devenue un véritable fléau national

D. L.

La lutte contre la corruption est capitale. C’est l’ennemi du développement. La corruption chasse les investissements et apporte l’extrême pauvreté des populations. Le gouvernement a placé la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite au centre de son action. Outre la déclaration de patrimoine qui concerne spécifiquement le chef de l’État et les membres du gouvernement, il existe une autre disposition légale susceptible de moraliser la vie publique ou la gestion de la chose publique, dont le contrôle incombe à l’Observatoire du code d’éthique professionnelle (OCEP).

Le président de la République avait signé le 3 octobre 2002 une ordonnance portant Code de conduite de l’agent public dont le suivi de l’application est confiée à l’Observatoire du code d’éthique professionnelle (OCEP) en vue de prévenir tout enrichissement personnel, tout conflit d’intérêt, toute corruption et tout autre antivaleur dans l’exercice d’un mandat public. 

Au sens de ce code, on entend par agent public de l’État, toute personne qui exerce une activité publique de l’État et/ou rémunérée par ce dernier.  Sont donc considérés comme agents publics de l’État, notamment le président de la République, les membres du Parlement, les membres du gouvernement, les magistrats, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les autorités chargées de l’administration des circonscriptions territoriales et les membres des assemblées des entités administratives décentralisées, le personnel politique et administratif des services de la présidence de la République, le personnel politique et administratif de l’administration du Parlement. 

Mais aussi le personnel politique et administratif des cabinets des ministères, les agents de l’administration de tous les ministères, les magistrats et le personnel administratif de la Cour des comptes, le personnel de l’administration des services de sécurité, le personnel civil et militaire œuvrant au sein des forces armées congolaises, les agents de la police nationale congolaise. 

Ou encore les mandataires actifs et non actifs dans les institutions de droit public, les entreprises et organismes publics ainsi que les entreprises d’économie mixte, le personnel des institutions de droit public, des entreprises publiques et des organismes publics personnalisés, les employés des entreprises privées ou d’économie mixte exerçant une activité publique pour le compte de l’État.

Par contre, l’éthique professionnelle est l’ensemble des valeurs morales et des principes déontologiques qui guident le comportement, les attitudes et les agissements de l’agent public de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou de son mandat. 

Le code de conduite de l’agent public de l’État a pour objet justement de préciser les règles de conduite en matière d’intégrité morale et d’éthique professionnelle, d’aider l’agent public de l’État à respecter ces règles, de favoriser l’amour du travail et la bonne gestion de la chose publique, de lutter contre les antivaleurs dans les milieux socio-professionnels.  Il s’applique à tout agent public de l’État, sans préjudice des dispositions constitutionnelles ainsi que des dispositions particulières des codes, statuts, règlements d’administration ou conventions collectives en vigueur.