Des projets à la clé

L’odeur de l’argent a fait sortir les loups du bois avec un foisonnement et une expansion rapide des programmes de déforestation, faisant souvent fi des préoccupations sociales et d’éthique, ainsi que des droits coutumiers et traditionnels des communautés autochtones.

 

Depuis quelques années, la lutte contre le changement climatique a pris des dimensions planétaires. Aux côtés des États, des organismes multilatéraux et bilatéraux se sont mis dans la danse. En juin 2014, par exemple, la Banque mondiale s’est jointe au combat pour une meilleure gestion des forêts et des investissements novateurs au Congo. Grâce à un fonds climatique de 36,9 millions de dollars, le gouvernement va tester des démarches nouvelles en vue d’améliorer les moyens de subsistance et la gestion des paysages forestiers, en même temps que la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues au déboisement et à la dégradation des forêts.

Améliorer la gestion des forêts

Ce projet poursuit un triple objectif : remédier aux problèmes de sécurité alimentaire, d’accès à l’énergie et de lutte contre la pauvreté. Le projet d’amélioration de la gestion des paysages forestiers, qui relève du Programme d’investissement forestier, voulait s’attaquer aux deux principaux facteurs directs du déboisement et de la dégradation des forêts grâce à des investissements dirigés vers la diffusion de pratiques agricoles raisonnées et de foyers de cuisson améliorés. Par ailleurs, il était destiné à appuyer une gestion des ressources naturelles au niveau des communautés et à financer des investissements destinés à combattre le déboisement et la dégradation des forêts dans le district des Plateaux (ex-province du Bandundu).

Au moyen de cofinancements alloués à des initiatives privées, cette opération devait contribuer à accroître la production durable de charbon de bois sur l’ensemble du pays. Elle visait particulièrement à réduire la consommation de charbon à Kinshasa grâce à la création d’une « Alliance nationale pour des fours améliorés ». L’autre volet du projet consistait à apporter aux agriculteurs et aux organisations d’exploitants agricoles l’appui technique nécessaire à la diffusion de l’agroforesterie et à l’expérimentation de nouveaux systèmes agricoles dans la province du Bas-Congo devenue Kongo-Central.

Les objectifs de ces démarches sont multiples : permettre de tester les différentes mesures du mécanisme REDD+, un dispositif international œuvrant pour la réduction des émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts et pour la promotion de la conservation, de la gestion durable des forêts et de l’augmentation des stocks de carbone forestier dans les pays en développement. Le projet venait compléter l’appui financier de la Banque mondiale au développement des capacités publiques et au renforcement de la gouvernance du secteur forestier. Le Congo est l’un des huit pays pilotes actuellement bénéficiaires des aides financières du Programme d’investissement forestier, un fonds fiduciaire multidonateurs dont les financements visent à appuyer les efforts et les investissements des pays en développement pour réduire les émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts.

Les droits fonciers remis en question

Actrices majeures dans cette approche, les communautés locales et autochtones n’ont cessé de revendiquer des droits traditionnels et coutumiers sur les forêts congolaises, en dépit des dispositions légales en vigueur en matière foncière. Elles s’estiment laissées pour compte et affirment que depuis les conférences de Kyoto, de Rio de Janeiro et de Copenhague sur le changement climatique, les grandes discussions se font au niveau politique sur l’argent du carbone. Certains préconisent l’approche « fonds », tandis que d’autres celle de « marché ». Jusque-là, pas ou peu de place était réservée aux discussions sur une éthique environnementale de la REDD (Réduction des émissions des gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. L’odeur de l’argent a fait sortir les loups du bois avec un foisonnement et une expansion rapide des programmes de déforestation, sans tenir compte des questions sociales et d’éthique et des droits coutumiers et traditionnels des communautés forestières, spécialement locales et autochtones. Le Congo abrite 60 % de l’ensemble des forêts du Bassin du Congo. Plus de quarante millions de Congolais dépendent de ces forêts pour leur survie. La déforestation y est encore relativement faible. On peut encore sauver les forêts du Congo, (145 millions d’hectares), qui sont menacées en grande partie par la forte pression de l’exploitation non contrôlée du bois (industrielle et artisanale, légale et illégale). L’agriculture itinérante sur brûlis pratiquée par les communautés locales est tenue comme la principale cause de la déforestation.