Deux ans bientôt, à quand le grand déballage

C’est depuis juin 2015 que le parquet général instruit la plainte du président de la République contre des gouverneurs de province et des haut-fonctionnaires de l’État. Dans le public, le temps qui passe est interprété comme un classement sans suite du dossier.

Très souvent, la lutte contre la pieuvre s’apparente à une politique spectacle, dont l’effet demeure souvent de surface. Sans réelle volonté politique, difficile de venir à bout de mauvaises pratiques qui gangrènent l’administration et la justice. Il y a un problème. Lorsque le conseiller spécial du chef de l’État, Emmanuel Luzolo Bambi, en charge de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, le blanchiment des capitaux, déclare, le plus officiellement du monde, que « la corruption est devenue endémique en République démocratique du Congo et qu’il faut l’arrêter », est-ce un aveu d’impuissance ou un réel engagement politique pour juguler ce fléau ? Des afro-pessimistes font un lien entre le niveau général de la pauvreté de la population et la corruption. Mais il y a des « petits » pays, comme le Malawi et le Rwanda, qui réalisent des scores enviables en matière de lutte contre la corruption.

Phénomène multiforme, la corruption est un problème majeur dans le pays, surtout pour les entrepreneurs. En 2008, on aurait dû être sceptiques quand le président Kabila, via son ministre de la Justice et des Droits humains, Luzolo Bambi, le même, a lancé la campagne baptisée « Tolérance zéro ». Cette campagne de lutte contre la corruption a été relancée en 2010. Force est de constater que dans ses deux versions, cette campagne n’a pas atteint ses objectifs. Elle avait pourtant suscité tant d’espoirs, notamment dans sa première phase avec des sanctions présidentielles de révocation et/ou suspension contre les mandataires dans les entreprises publiques et les fonctionnaires accusés de corruption.  Le ministre de la Justice et des Droits humains était instruit par le cabinet du président de la République d’ouvrir des informations judiciaires contre les magistrats et les fonctionnaires révoqués et/ou suspendus. Dans le cadre de cette opération « manu pulite », le procureur général de la République a demandé la levée de l’immunité parlementaire en vue de poursuites contre douze députés soupçonnés d’avoir été corrompus alors qu’ils enquêtaient sur un « scandale financier » à la Direction générale des impôts (DGI). Des patrons des entreprises privées qui avaient bénéficié de marchés publics, notamment pour la réhabilitation des routes, étaient également sur la sellette.

Pour l’affichage ?

Cette opération a défrayé la chronique dans la capitale car il y a longtemps qu’on avait vu ça. Mais la campagne a laissé un arrière-goût d’amertume. Des personnes interpellées pour corruption ou mauvaise exécution des contrats sur les travaux publics ont été remis en liberté. Les associations de la société civile s’en offusquèrent. Quant à elle, la Fédération des entreprises du Congo (FEC) dénonçait la politique de deux poids deux mesures du parquet général, qui laissait en liberté les ministres et autres autorités présumés et s’en prenait aux seuls entrepreneurs. Dans sa phase I, la campagne tolérance zéro a surtout visé les hauts responsables politiques ayant géré le pays depuis 2001, soupçonnés de concussion et de prévarication. Le gouvernement avait reçu mission par-dessus tout de mettre en place de nouvelles procédures afin de lutter efficacement contre la corruption dans les milieux politiques et d’affaires.

En 2010, quand la campagne est entrée dans sa phase II, son argumentaire choc « Fini la recréation, les prisons vont être remplies » avait déjà perdu de sa sève. On s’est bien rendu compte que la corruption est un système en RDC. Et de ce fait, la lutte anti-corruption est un combat difficile à mener étant donné les pratiques et les liens qui se sont progressivement tissés entre administrations publiques, justice et privés.

L’exemple venant du sommet, l’État n’améliore pas la situation de la population. L’un des problèmes majeurs est la mauvaise gestion généralisée par les élites politiques au pouvoir. Celles-ci profitent de leur position de force pour élever leur train de vie au détriment de la majorité. Dans un tel contexte, les fonctionnaires, les agents de l’État dont, les magistrats, « vivent » de l’État. Chaque année, par exemple, entre 10 et 15 milliards de dollars – soit le triple du budget national – partent en fumée, rien que du fait de la fraude fiscale…