Discours d’ouverture et d’orientation de Joseph Kabila Kabange

En ouvrant les travaux de la 3è conférence minière, le chef de l’État a clairement indiqué le cap : l’équité. Face à la problématique du développement durable des zones d’exploitation minière, il faut désormais la synergie des apports entre l’État, l’investisseur, la main-d’œuvre et la communauté locale. En vue de fournir une réponse adéquate. La RSE doit être considérée comme une exigence, sinon un impératif. Par conséquent, le chef de l’État exige la « mise en œuvre effective » du nouveau code minier et invite les investisseurs à sortir du « confort » de l’exploitation des seuls gisements concédés pour explorer le reste du pays, en vue de la découverte de nouvelles ressources. Ci-après, l’adresse du président de la République.

Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation, Honorables Députés et Sénateurs, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs du Corps diplomatique, Monsieur le Gouverneur de Lualaba, Madame et Messieurs les Gouverneurs des provinces ici présents, Distingués invités, Chers participants,

Au mois de janvier 2013, J’avais décidé de l’organisation annuelle d’un Forum minier dénommé « Conférence minière de la République démocratique du Congo », où tous les acteurs publics, privés et ceux de la société civile, en charge des ressources naturelles, devaient régulièrement se retrouver pour évaluer la situation du secteur minier national, si vital pour l’économie de notre pays.

Cependant, la République Démocratique du Congo s’étant engagée dans le processus de la révision de sa législation minière, il a été jugé préférable d’attendre l’aboutissement dudit processus pour envisager l’organisation des présentes assises.

Nous nous réunissons donc au lendemain de l’entrée en vigueur du Code et Règlement miniers révisés, au moment même où l’économie mondiale et la puissance des nations dépendent largement des ressources minières dont notre pays est, par privilège, nanti.

Point n’est besoin de rappeler à cet effet que l’exploitation rationnelle de nos ressources minières a pour vocation de jouer un rôle important dans le développement de notre pays. Et à juste titre, le secteur minier est considéré comme porteur de croissance de  notre économie.

Ma préoccupation a toujours été cependant, de voir cette croissance se refléter sur l’amélioration du vécu quotidien de notre population dans son ensemble, partant tout naturellement de celle située dans les zones productrices de minerais.

Le choix porté sur la ville de Kolwezi, une autre zone minière, pour la tenue de cette 3è Conférence Minière, sous le thème : « Exploitation minière face aux impératifs du développement durable des zones productrices : apport, rôle et responsabilités des parties prenantes à la lumière du Code minier révisé », convient donc parfaitement aux attentes de tous ceux qui partagent, avec nous, cette préoccupation.

À ce sujet, seule la synergie des apports entre l’État, l’investisseur, la main-d’œuvre et la Communauté locale peut fournir une réponse adéquate à cette problématique.

La responsabilité sociétale des entreprises ne devrait plus, dans ce sens, être considérée comme une question facultative, ni une œuvre philanthropique ou de charité, dès lors qu’elle est désormais reconnue internationalement, à tout le moins comme une exigence, sinon un impératif, et le développement durable, une affaire de tous.

Mesdames et Messieurs, distingués, 

Chers participants,

Commencé en 1911 par l’exploitation du cuivre au Sud du Katanga et poursuivi dans le centre du pays à Mayi Munene dans l’actuelle province du Kasaï par l’exploitation du diamant et par la suite, dans le Nord-Katanga avec l’exploitation de l’étain à Manono, l’exploitation minière en République Démocratique du Congo est à ce jour, une activité quasi généralisée, prospère et sans nul doute rentable pour les opérateurs  du secteur.

Si elle a, certes, connu mauvaise fortune à partir de la décennie 80 à cause des problèmes spécifiques liés à la mauvaise gouvernance, à la vétusté de l’outil de production, au manque de financement et aux différents troubles sociaux, il reste tout autant indéniable que l’industrie minière a été relancée, grâce aux initiatives que nous avons prises et ayant débouché, pour la toute première fois, sur l’adoption d’un Code minier exhaustif en 2002. 

Fort des avantages fiscaux et parafiscaux remarquables de cette réforme et de bien d’autres mesures incitatives, la production minière a prospéré jusqu’à atteindre le pic d’un million de tonnes de cuivre en 2014 après celui de 476 000 tonnes réalisé par la GECAMINES entre 1985et 1986. Elle l’a été aussi, grâce à la paix et la stabilité retrouvée au cours de la dernière quinzaine d’années.

La production industrielle de l’or a, dans le même ordre d’idées, dépassé la barre de 30 tonnes en 2015 tandis que celle de la cassitérite a également augmenté sensiblement, suite à un encadrement de plus en plus rationnel de l’exploitation artisanale et à la mutation des comptoirs d’achat en entités de traitement.

Il  reste vrai cependant, qu’au nombre de défis qui affectent ce secteur majeur pour la croissance économique du pays, figurent en bonne place, le déficit en énergie électrique et en voies de communication reliant les sites d’exploitation et les points de sortie de produits à exporter.

Voilà pourquoi, J’ai personnellement mis un point d’honneur depuis quelques années, sur la finalisation de quelques projets en cours, de l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud du pays, afin de permettre à l’État congolais d’honorer sa part de contrat vis-à-vis des investisseurs évoluant dans ce domaine. C’est dans ce cadre également que le secteur de l’électricité a été libéralisé et celui des infrastructures de communication ouvert aux Contrats BOT afin d’assurer la participation des privés à la couverture de ces besoins.

Aussi les faiblesses ou mieux, les graves lacunes constatées au fil des ans du côté des opérateurs, ne pouvaient laisser indifférents les pouvoirs publics, dès lors qu’elles avaient une incidence négative sur les économies d’échelles et l’inclusivité de  la croissance également attendue de l’évolution susmentionnée.

Il en est ainsi, du manque de plus-value des produits miniers exportés à ce jour en brut, du caractère léonin de certains contrats de partenariats conclus entre les entreprises du portefeuille de l’État et certains investisseurs privés, de l’opacité constatée dans la conclusion des contrats de sous-traitance et la mise en œuvre de différents avantages fiscaux ou exonérations concédées.

À cela s’ajoute la problématique restée entière de la pauvreté humaine et physique couvrant largement les visages de la population et des localités environnant les sites d’exploitation minière, preuve du contraste saisissant observé entre d’une part, l’embelli vécu, et amplifié à ce jour par la montée en flèche des cours mondiaux et d’autre part, la contribution restée pour le moins de plus incertaine, à la réalisation des objectifs de développement socio-économique du pays.

Voilà qui explique nos décisions, d’abord, de 2007 à 2012, dans le cadre de la révisitation des contrats miniers, ensuite dans le cadre de la dernière réforme législative et réglementaire ayant donné lieu aux nouveaux Code et Règlement miniers promulgués respectivement le 09 mars et le 08 juin 2018.

La vocation de ces décisions reste, au-delà de l’assainissement et de la modernisation du cadre normatif régissant le secteur, de promouvoir l’équité entre toutes les parties prenantes à l’exploitation des ressources naturelles dans notre pays, détenteurs des capitaux, employés et populations environnant les sites d’exploitation, en ce qui concerne les retombées attendues de la rente minière.

Notre ambition reste, à court et à moyen terme, celle de transformer radicalement les visages de désolation observés le long des routes traversées par les convois de produits miniers de Kolwezi à Kasumbalesa en passant par Likasi et Lubumbashi et dans bien d’autres provinces minières à travers tout le pays, en comblant les espérances restées longtemps déçues.

Certes, quelques améliorations ont été obtenues à la suite de la révisitation des contrats miniers en termes de révision à la hausse de la participation de l’État dans l’actionnariat et au sein de différents partenariats conclus avec les privés.

Malgré par ailleurs, l’extension de l’obligation de payer les royalties et les pas de porte à tous les partenaires ainsi que la participation effective des représentants de l’État dans la gestion courante de ces joint-ventures, J’exige la mise en œuvre effective du nouveau Code minier en ce qui concerne les questions inscrites, à bon droit, à l’agenda de cette Conférence, et demande au Premier Ministre et aux Membres du Gouvernement concernés ici présents, de veiller à ce que cela soit chose faite 

Sans être exhaustif, il s’agit :

1. de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises minières à l’égard des communautés affectées par leurs projets ;

2. du renforcement de la responsabilité industrielle du titulaire du droit minier afin qu’aucun produit minier ne soit exporté à l’état brut ;

3. de la participation des Congolais dans le capital des entreprises minières et à la mise en œuvre effective de l’exclusivité leur reconnue dans la réalisation de la sous-traitance ;

4. du paiement effectif de tous les droits dus à l’État et de l’effectivité du contrôle des recettes rapatriées des ventes à l’exportation en vue de leur recyclage dans le développement économique du pays.

De la même façon, le Gouvernement a l’obligation de faciliter au maximum les différentes opérations liées à l’activité minière en se libérant de toute lourdeur et tracasseries administratives, policières et douanières, et ce, en la faveur de l’opérationnalisation du Guichet unique créé à cet effet, en sécurisant au mieux les sites de production et en luttant contre l’utilisation des enfants dans les carrés miniers.

Aussi, J’invite les investisseurs à sortir du confort de l’exploitation des seuls gisements leur concédés par différentes sociétés du portefeuille de l’État, à la base, à ce jour, de la remontée de la production minière nationale, pour prendre de vrais risques en explorant le reste du pays, en vue de la découverte de nouvelles ressources. Encore plus d’audace plutôt que de s’appuyer uniquement sur l’ancien patrimoine connu de l’État.

Dans cet esprit, je tiens aussi à rappeler que la libéralisation opérée dans le secteur minier n’avait pas pour objectif d’écarter les entreprises publiques opérant dans ce secteur, de l’industrie minière mais plutôt de leur faire bénéficier de l’appui technique, technologique et financier dont elles avaient besoin de la part des partenaires privés en vue de garantir leur compétitivité.

J’apporte à cet effet, tout mon appui à la GECAMINES et à bien d’autres sociétés du portefeuille de l’État dans leurs efforts tendant à devenir des géants, à part entière, du secteur minier à l’échelle mondiale.

Mesdames et Messieurs,

Distingués invités,

Il est évident que les minerais du Congo ne sauraient continuer abusivement à ne satisfaire que les commodités des investisseurs et du marché mondial. Ils devraient aussi et avant tout, améliorer les conditions de vie des Congolais et participer à la modernisation du pays.

Plus qu’un coffre-fort des réserves du monde en ressources minérales, la République démocratique du Congo est avant tout une communauté humaine qui aspire au bien-être social et au développement de son cadre de vie.

D’où, la nécessité de voir les ressources générées dans le secteur être réinvesties dans d’autres secteurs porteurs de croissance, à l’instar de l’agriculture qui dispose d’une grande capacité de générer les effets d’entraînement sur notamment l’entrepreneuriat des jeunes.  

En définitive, le Congo de demain dans le domaine des ressources minières sera tributaire de nos efforts communs dans la matérialisation de trois projets ci-après :

1. l’impératif de parvenir à la matérialisation de la bourse des matières premières en République Démocratique du Congo ;

2.,la nécessité de créer une Zone économique spéciale au profit des utilisateurs finaux de ressources naturelles congolaises qui, avec la proximité des sites de production et une main-d’œuvre abondante et relativement accessible, ainsi qu’un marché national et régional des centaines de millions d’âmes, pourraient naturellement permettre aux producteurs de voitures électriques, smartphones, écrans plasmas, fibres optiques et autres alliages et super alliages spéciaux de s’installer en République Démocratique du Congo, réaliser de bonnes affaires, créer de nouveaux emplois en faveur des jeunes et participer ainsi à l’industrialisation et à la croissance inclusive de l’économie nationale ;

3. le besoin de réaliser des évaluations périodiques rigoureuses de résolutions des travaux précédents et la mutation de cette initiative en une conférence internationale qui bénéficierait des apports et expériences des participants d’autres pays producteurs de minerais à travers le monde.

Sur ce, Je déclare ouverts, les travaux de la troisième édition de la Conférence minière de la République Démocratique du Congo.

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie.