Eaux de table et jus font florès en cette période de forte chaleur

La canicule, pour le moins époustouflante, rudoie Kinshasa et ses périphéries depuis plusieurs semaines. Pour les producteurs locaux des eaux de table, limonades et jus, c’est une aubaine pour faire de bonnes affaires. 

 

« C’est comme du pétrole! », s’exclame Serge, revendeur d’eau en bouteille et du jus sur la Place commerciale 7ème Rue Limete. Qui se félicite de ses ventes quotidiennes. Les eaux de table rapportent si bien qu’une nouvelle unité de production aurait pour propriétaire, selon les revendeurs à la sauvette, le long de grandes artères de la capitale, une dame de renommée. De par leurs étiquettes des eaux de table et des jus vendus sur le marché local rappellent le Canada, les États-Unis, l’Egypte, etc. Et pourtant, tous ou presque sont des made in Kingabwa, ce quartier industriel de la commune de Limete (Est de Kinshasa) ou encore des produits des PME installées dans le Kongo-Central, aux bordures de la nationale n°1, axe Matadi-Kinshasa.

La barre symbolique de 500 000 hl d’eaux de table aurait été atteinte à décembre 2017, selon des experts du ministre de l’Industrie. Mais la Direction générale des douanes et accises (DGDA) table plutôt sur une production minimale de 460 807 hl et 3 058 485 hl des limonades et jus pour lesquelles la DGDA compte percevoir  16.3 milliards de FC (16 300 047 619 FC), soit autour de 15 millions de dollars de droits d’accises. Les mêmes produits mais importés ne devraient rapporter que moins de 2 millions à la douane.

Une affaire d’expats

En 2016, la DGDA avait perçu plus de 12,7 milliards de FC (12 705 008 304FC) sur des assignations de 21 milliards de FC (21 015 588 433FC) contre un petit milliard de FC (1 463 723 757 FC) sur les eaux de table, jus et limonades importés. En 2015, la production locale avait rapporté à la douane 12.6 milliards de FC (12 602 701163 FC)  et 13,3 milliards de FC (13 375 036 092 FC) en 2014. Par ailleurs le ministère en charge des ressources hydrauliques a gagné près de 2.5 milliards de FC (2 478 274 330 FC), environ 2 millions de dollars la redevance 2017 sur les auto-producteurs des eaux naturelles, minérales et thermales. En 2016, la redevance qui est, en pratique, perçue par la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD) a été captée à plus de 2.961 %, soit plus de 1.3 milliard de FC (1 359 912 016 FC) sur des attentes d’environ 46 millions de FC (45 914 159 FC).

Position dominante

L’industrie des eaux de table et produits connexes reste concentrée entre les mains des expatriés  (Aqua Cool, Aqua rim, Abeer, Canadian, American, …) généralement indopakistanais et libanais. Certains nationaux financés par le  Fonds de promotion de l’industrie (FPI), se sont aussi lancés dans l’aventure. C’est le cas de l’eau de table estampillée « Ma vie »  produite au Kongo-Central. Son promoteur aurait reçu sans appel d’offre officiel la distribution exclusive dans les institutions publiques dont la primature.

Ce contrôleur de la DGRAD fait aussi remarquer que les eaux de table produites par des indopakistanais, par exemple, ne sont distribuées que dans des magasins et restaurants tenus par des indopakistanais, il en est de même pour des Libanais. « Vous ne verrez jamais Aqua cool servi dans un resto des Libanais. Ou encore Canadian dans un restaurant pakistanais ou indien. Il en est de même pour ce qui est des jus », poursuit-il. Le ministère en charge des ressources hydrauliques et la DGRAD aurait perçu  plus de 222.3 millions de FC courant 2017 au titre de redevance sur les eaux minérales et minéralisés, commercialisées ainsi que  les eaux thermales. Selon le ministère de l’Industrie, des eaux de table se distinguent, en effet, de par leurs sources. Ainsi, pour l’exercice 2017, l’autorisation d’exploitation des eaux naturelles de surface ou souterraines devrait rapporter au bas mot 128,3millions de FC alors que l’autorisation de recherche des eaux naturelles, minérales et thermales, quelque  9.3 millions de FC. Cependant, pour des observateurs, à Kinshasa, nombre des fabricants d’eaux de table ne recourent qu’à l’eau distribuée par la REGIDESO à laquelle ils ajoutent des purifiants d’eau. Le tour est joué.

Les eaux minérales sont officiellement des eaux qui possèdent des caractéristiques chimiques stables de nature à apporter ses propriétés favorables à la santé.  Mais de l’avis d’experts de l’ACME, Association pour un contrat mondial de l’eau,  les opérations de marketing priment sur les normes EDCH (Eaux destinées à la Consommation humaine. Les eaux de table, d’après l’ACME, sont généralement beaucoup trop minéralisées pour être consommées à longueur de journée ou même obtenir l’appellation de « potable ». L’au en bouteille n’est pas plus protégée de la pollution que l’eau du robinet ». Membre de l’ACME, Jean-Luc Tanly parle du «mythe de la pureté de l’eau en bouteille!». Et l’Association pour un contrat mondial de l’eau, «boire une eau minérale à sa source, et boire la même eau stockée en bouteille, présente autant de différence que d’admirer un animal sauvage, évoluant librement dans son milieu naturel, et de voir le même, empaillé dans une vitrine du Museum d’Histoire Naturelle ». Pour l’ACME, une eau minérale en bouteille n’apporte rien de ce qui faisait la valeur originelle de la source mais au contraire entartre l’organisme au niveau des articulations et des muscles. L’organisme n’a en effet besoin de minéraux et d’oligoéléments qu’en très petites quantités et une consommation d’eau minérale toute la journée l’obligera à puiser dans ses réserves énergétiques pour éliminer le surplus, avec un risque d’épuisement des organes filtres (reins notamment). « Utilisées à dose journalière comme eaux de table, les eaux minérales conduisent à des sulfatages des milieux intérieurs et préparent le terrain d’affections lourdes »,  atteste l’Association pour un contrat mondial de l’eau. Et de poursuivre, « Boire ces eaux-là, c’est aller dans le sens contraire de la vie, se laisser glisser sur les terrains des maladies et de dégénérescence […] c’est l’abaissement insidieux et silencieux des énergies cellulaires micro-vibratoires ». Selon le site Bioddict.fr, une enquête menée par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), juge 22 % des eaux minérales non conformes aux teneurs indiquées ou aux normes en vigueur. Des concentrations anormales de baryum, manganèse… ont été répertoriées parmi ces eaux embouteillées en France et dans l’Union européenne. L’enquête note aussi des déficits en minéraux par rapport aux teneurs indiquées. »

Sur 21 eaux minérales testées par le magazine «Que Choisir en juillet 2014, seules 5 étaient inférieure à la limite des 1500 mg /l  évoquée par le corps médical comme étant la limite à ne pas dépasser (alors que les naturopathes évoquent plutôt la limite des 200 mg /l et les bioélectroniciens 50 mg / l!)). Enfin, une enquête menée en 2015 aux Etats-Unis a révélé que certaines marques d’eau embouteillée renfermaient les mêmes contaminants que l’eau du robinet (Environmental Working Group, Drinking Water – Bottled Water Quality Investigation : 10 Major Brands, 38 Pollutants) Et pour cause: 40% de l’eau distribuée en bouteille dans le monde serait en fait de l’eau du robinet à laquelle ont été rajoutés des minéraux!