Écran de fumée sur les recettes des productions locales

Les producteurs locaux de la bière artisanale menacent de ne plus rien payer à l’État. Les taxes et autres droits qu’ils paient ne sont comptabilisées nulle part, ni à la DGRK (fisc de Kinshasa) ni aux accises à la DGDA, déplorent-ils.

ÉTABLIS principalement dans la banlieue est de la capitale (Maluku, N’sele, etc.), les producteurs locaux auraient versé, selon eux, plus de 15 millions de FC aux percepteurs de l’État, à fin août 2019. Mais, autres temps autres mœurs, a fait comprendre l’un d’eux sur les ondes d’une radio de la place. Les mauvaises pratiques d’avant élections doivent s’estomper. Cette fois, les producteurs locaux de la bière artisanale (Lotoko, Agenè, Lungwila, Samba, Tshitshiampa, etc.) exigent la traçabilité de l’argent qu’ils versent à l’État. 

À la Direction générale des douanes et accises (DGDA), il est précisé que les assujettis sont plutôt des unités brassicoles modernes. Il s’agit notamment de la Bralima, la Bracongo et la Brasserie Simba (Brasimba). Et selon la Banque centrale du Congo (BCC) qui se fonde sur les statistiques de la DGDA, les brasseries locales ont produit, fin juin 2019, un volume de 2 185 000 hl de bière alcoolisée, contre 2 105 000 hl, à fin juin 2018. Selon les prévisions des services de douanes et accises, la production d’alcool sur l’ensemble de l’année 2019 est de quelque 4 906 332 hl de boissons alcoolisés. 

La taxe sur la production locale de la bière est de 15 % pour celle de moins de 6 % d’alcool et de 28 % pour celle de plus de 6 % d’alcool. La DGDA compte collecter, en régime d’accise interne, quelque 210 303 696 675 FC, soit 120,37 millions de dollars au titre des taxes sur la production locale de la bière alcoolisée. Contre 1,82 milliards de FC pour la bière importée. En 2018, les brasseries opérant en République démocratique du Congo ont produit 4 250 000 hl de bières alcoolisées, selon les données de la BCC. Cette production est inférieure à celles réalisées depuis 2014 par les brasseries congolaises, précise la Banque centrale. La RDC avait, cette année-là, produit 5 095 000 hl de bières alcoolisées, 4 850 000 hl (2015), 4 679 000 hl (2016) et 4 464 000 hl (2017). 

BCC et ministère du Budget

Force est de constater que le volume de production repris dans les statistiques de la Banque centrale ne cadre pas avec celui fourni par la DGDA et publié notamment par le ministère du Budget. Il en est autant pour les recettes des droits d’accises. Si, pour la Banque centrale, en 2016, la DGDA a collecté  117 611 706 947 FC ; pour le Budget, ces recettes étaient plutôt de 7 367 732 894 FC. En 2017, les réalisations, pour la BCC, étaient de 148 301 249 627, soit 84,88 millions de dollars, contre des assignations de 135 482 433 008 FC, alors, selon le document portant sur les réalisations et les réalisations des recettes du ministère du Budget, ce n’était que de 3 196 678 012 FC. 

La bière et les boissons alcooliques locales contribuent à près de 9 % dans les recettes de la DGDA.  Mais depuis deux ans, la moisson est, apprend-on, moins abondante pour le fisc (Direction générale des impôts) car les recettes de  l’impôt professionnel sur les rémunérations (IPR) et l’impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés (IERE) dans le secteur brassicole se seraient considérablement réduites, du fait de la fermeture des usines de la Bralima à Mbandaka (Équateur) et Boma (Kongo-Central), puis la succursale de la Brasimba à Lubumbashi (Haut-Katanga). La pression fiscale et la concurrence des produits importés en sont les principales causes. Pourtant, la DGDA et la DGI ont été mises à contribution dans la politique gouvernementale de « la protection de l’industrie locale et de la préférence nationale ». 

Contrôle mixte

Deux lois en la matière ont été votées au Parlement et promulguées par le chef de l’État. Le ministère des Finances a envisagé, en effet, de lancer, à court terme, des missions de contrôle mixte DGI-DGDA sur l’origine des produits vendus sur le territoire national ainsi que de renforcer le contrôle de destination des marchandises exonérées. Il est aussi prévu le suivi électronique des cargaisons grâce à une application du COMESA. La mise en place de la phase expérimentale s’effectue sur le tronçon Kongo-Central-Kinshasa. 

De l’avis des observateurs, le marché de Lufu, sur la frontière angolaise du Kongo-Central, est singulièrement visé. Le gouvernement prévoit, en effet, de renforcer le suivi de régularisation des déclarations incomplètes ainsi que la mise en œuvre du programme de sécurisation des frontières, dont Kasumbalesa sur le corridor zambien, Kasindi dans l’Est à la frontière ougandaise et, naturellement, Lufu. Ici viennent notamment des bières en cannettes, en petites bouteilles en plastique, etc., dont le très célèbre Cuca.