En Afrique, « on forme trop de philosophes, pas assez de soudeurs ou d’électriciens »

Tout le monde le savait : un écart très nuisible s’était creusé, en Côte d’Ivoire mais aussi dans tous les pays francophones d’Afrique, entre les formations des jeunes et les besoins des économies. Longtemps, pourtant, ni les entreprises, ni les établissements de formation de la main-d’œuvre n’ont su comment empoigner le problème, gros facteur de chômage sur le continent. Cela pourrait changer.

« On forme trop de Bac + 3, Bac +4, Bac +5 ou de philosophes, et pas assez de soudeurs, d’électriciens, de caristes. Nous sommes obligés de faire appel à des sous-traitants. Nous sommes pour l’africanisation des postes, mais il faut qu’on trouve de la main-d’œuvre adaptée », fait remarquer Etienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN).

Ce constat partagé a galvanisé les parties, désormais déterminées de travailler de concert et en connaissance des besoins et des offres des uns et des autres. Une opportunité offerte par le programme « RH-Excellence Afrique », créé et piloté par le CIAN, avec le soutien de la Fondation AfricaFrance, dont le président est l’actuel premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou.

Lancé à Abidjan début octobre 2015, le programme a pour objectif d’accompagner le renforcement des compétences en Afrique. Et cela afin de chercher un emploi aux 12 millions de jeunes qui arrivent, chaque année, sur le marché du travail en Afrique et qui, pour la plupart, ne sont pas qualifiés.

Le programme prévoit ainsi d’assister techniquement les centres de formation, de financer leur mise à niveau, de contribuer à la création de nouvelles filières et au recrutement de nouveaux enseignants. Le tout encadré par une certification pour les centres qui rempliront des critères bien définis.

« Les centres auront besoin de financement auprès des bailleurs de fonds et nous allons les assister pour obtenir l’aide. Un centre certifié REA (RH-Excellence Afrique) voudra dire que les entreprises peuvent y trouver un travailleur qualifié », soutient Etienne Giros.

« Nos écoles forment des chômeurs »

Une vision partagée. « Nous avons des structures et des filières. Mais il faut une mise à jour. Les besoins que nous avions en 1960 ne sont pas ceux que nous avons aujourd’hui. Le programme REA voulant contribuer à nous adapter, nous y sommes inscrits », explique Marie Josée Nzuva-Kasay, chef de travaux à l’Institut supérieur des arts et métiers de Kinshasa (RDC).

« Il était important que les besoins des entreprises soient pris en compte dès l’élaboration des curricula de formation. Ce programme place l’entreprise comme acteur de la formation. Il peut donc contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation et participer indirectement à la performance des entreprises », approuve Souleymane Traoré, directeur des ressources humaines à CFAO-Côte d’Ivoire.

« Nos écoles, en Afrique, forment en majorité des chômeurs. Pour une formation partagée entre les établissements et les entreprises, on ne fera pas mieux. Personne n’a agi de façon conjuguée comme nous le faisons », assure Pape Samba Bengue, directeur de REA-Abidjan.

Présent dans neuf pays du continent, RH-Excellence Afrique a pour ambition de s’étendre dans 35 pays et travailler avec une centaine de centres de formation et 300 entreprises. Cinq certifications sont prévues avant la fin de l’année et la première labellisation devrait avoir lieu au plus tard en juin 2016.