En attendant de disposer de son satellite, la RDC paie cash et gros à Téléconsult

Selon le RENATELSAT, le lancement du satellite congolais n’est plus que question de financement. En attendant, la RDC doit se soumettre au régime de location. 

La facture annuelle de location du segment spatial exercice 2016-2017 pour la couverture du territoire national auprès de l’opérateur italien Téléconsult se chiffre à plus de 3,4 milliards de francs, soit plus de 3 millions de dollars. Ce montant a déjà été payé sous la primature d’Augustin Matata Ponyo. Selon la Direction de préparation et de suivi du budget, les frais payés représentent le quadruple, soit 400 %, des crédits votés par l’Assemblée nationale et le Sénat. Il nous revient que la République démocratique du Congo verse chaque année des centaines de milliers de dollars à Téléconsult pour sa couverture satellitaire. À une certaine période, a-t-on appris au Réseau national de transmission par satellite (RENATELSAT), le gouvernement sous Gizenga était sur le point de céder ce marché à un opérateur japonais. Il dut rétropédaler suite, dit-on, à des pressions politiques.

Par ailleurs, la RDC s’est également acquittée des factures de la Confédération africaine de football (CAF), pour la diffusion des matchs des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations, CAN 2015, pour près de 895 millions de francs.

CongoSat  

L’on se souviendra que le 31 janvier 2012, Richard Achinda Wahilungula, directeur général du RENATELSAT, avait annoncé le lancement en orbite au plus tard en 2017 du satellite Congosat I. Cinq ans après, le projet demeure encore sur papier, et l’étape de la fabrication n’est pas envisageable à court ou à moyen termes. Lors d’un récent entretien avec le ministre des Postes, des télécommunications, des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Emery Okundji, le directeur général du RENATELSAT a admis que le projet avait considérablement pris du retard faute d’argent. « Le pays est en retard alors que seul un satellite peut faire émerger le secteur. Tous les partenaires sont prêts et les documents aussi. Il ne reste plus que le financement pour lancer le processus », a fait comprendre le directeur général de RENATELSAT.

En son temps, l’alors vice-1ER Ministre et ministre des Postes, des Télécommunications, des Nouvelles technologies de l’information et de la communication, Thomas Luhaka Losendjola, avait évalué la matérialisation du projet à 320 millions de dollars. Il avait d’ailleurs pour la première fois présenté la maquette du satellite qui était, à l’origine, baptisé « Kimbangu-Lumumba-Kabila ». Le projet est, en effet, une joint-venture entre l’État congolais représenté par le RENATELSAT et une société chinoise spécialisée dans les projets satellitaires, China Great Wall industry Corporation. « La RDC a l’ambition, disait Thomas Luhaka, de se développer et de devenir un leader dans le domaine des télécommunications en Afrique ».

Pour cela, il faut déployer 50 000 km de fibre optique. On n’en est qu’à 7 000 km. Mais en attendant, avec un satellite en propre, on pourra savoir ce qui se passe exactement aux frontières. Cela a un avantage sécuritaire très important, disait Luhaka Losendjola. À ce jour, sur le continent, outre l’Afrique du Sud, seuls l’Egypte et le Nigeria disposent de leur propre satellite des télécommunications.

Lobbying

La RDC devra attendre encore. Le projet de satellite en propre ne figure pas dans le projet du budget 2018 que le 1ER Ministre, Bruno Aubert Tshibala, devra déposer dans les prochains jours aux deux chambres du Parlement, le Sénat et l’Assemblée nationale. Au RENATELSAT d’ailleurs, l’on en est encore à quémander des frais de fonctionnement et des équipements rudimentaires pour le train-train quotidien. La transformation du réseau national de transmission par satellite d’entreprise en service public par le COPIREP a plus apporté des misères que des pistes de rentabilité et de viabilité.

Le gouvernement s’est engagé à verser à ce service public une subvention de 828 765 408 FC. Coiffé par le ministère des Médias et des Communications, le RENATELSAT devrait également bénéficier en 2017, en compagnie des médias publics, la RTNC (Radio-Télévision nationale congolaise) et l’ACP (Agence congolaise de presse) d’un appui de 755 275 885 francs. Ces financements ne sont que cautère sur jambe de bois. Le RENATELSAT a besoin, selon des experts maison, d’une bonne dizaine de millions de dollars pour améliorer au niveau des standards mondiaux ses prestations.

Pourtant, dans sa politique de résilience de l’économie de la RDC, l’État avait, en effet, en février, levé l’option de créer un réseau GSM, le RURATEL, ayant pour vocation de mettre en œuvre le service universel à travers des projets de couverture du monde rural, un partenariat entre le RENATELSAT et la Société congolaise des Postes et des télécommunications (SCPT). Le Réseau national de transmission par satellite s’était engagé à participer à hauteur de 30 % au capital de RURATEL. Il appert que l’État aurait abandonné ce projet suite au lobbying des concessionnaires GSM de la place qui se déploient à ce jour dans l’arrière-pays.

D’aucuns spéculent d’ailleurs que l’acquisition d’un satellite en propre nuirait aux intérêts des particuliers qui gagnent gros dans la location satellite par l’État. Pourtant, selon des experts du RENATELSAT, le projet CongoSat I pourrait contribuer à améliorer et sécuriser les communications stratégiques. La RDC devrait ainsi accroître son influence sociopolitique et économique dans la région instable de l’Afrique centrale. Un autre avantage, selon les mêmes experts, consiste à assurer et fournir les services publics de télécommunications, spécialement dans les régions à faible densité de la population. Selon les projections des experts du ministère des PT&NTIC, une fois opérationnel, le satellite aiderait illico presto à sortir de l’isolément plus de 366 villes et agglomérations de la RDC.

Le lancement du satellite congolais devrait également créer beaucoup d’emplois, assurer le transfert de technologies. La firme chinoise China Great Wall Industry Corporation, partenaire du RENATELSAT, devrait renforcer les capacités et former des ingénieurs congolais à la gestion et la maintenance de cet outil des télécommunications nec plus ultra. D’après les experts du ministère des PT&NTIC, toutes les études de faisabilité en rapport avec le projet sont déjà achevées et validées. Il ne reste plus qu’à conclure les accords de financement avant de lancer officiellement le projet. Un enthousiasme que ne partage pas les agents du RENATELSAT et les experts indépendants.