Entre le gouvernement et les pétroliers, c’est le Je t’aime moi non plus

La production pétrolière à Muanda a été au centre de l’entretien que le 1ER Ministre a accordé à une délégation de la firme PERENCO avec à sa tête son directeur général, Benoît de la Fourchadière. Les violons sont loin de s’accorder.

En recevant en audience à son cabinet de travail le directeur général de PERENCO accompagné de quelques collaborateurs, le 1ER Ministre, Samy Badibanga Ntita, avait une préoccupation. Celle de savoir ce que cette entreprise a fait depuis son implantation à Muanda en 2002, selon son directeur général Benoît de la Fourchadière, et quels sont ses plans pour l’avenir. Chiffrées initialement à plus de 175 milliards de francs, les recettes attendues en 2016 des pétroliers producteurs encadrés par PERENCO ont dû être revues à la baisse (à moins de 134 milliards de francs), conséquence de la chute continue des cours mondiaux des matières premières. Le baril de pétrole s’est même négocié à moins de 40 dollars. Heureusement, le cours de l’or noir est reparti au galop, début 2017, à la suite de la décision de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) de réduire la production mondiale de plus de 780 000 barils par jour.

Mais, en République démocratique du Congo, le volume de la production n’évolue guère et suscite des doutes sur l’honnêteté des pétroliers producteurs. Le gouvernement leur a demandé de travailler sur la base du principe de sincérité et de vérité des chiffres par l’État. Les recettes des pétroliers producteurs représentent tout de même 30 % en moyenne des recettes du budget de l’État. Cependant, les sociétés PERENCO, MIOC, LIREX, etc. n’atteignent plus leurs assignations depuis quelques années. Au motif, soutiennent-elles, que la côte congolaise où ils pompent du pétrole est trop exigüe, juste 37 km. Le champ pétrolifère y est 20 fois plus petit que celui de la province angolaise de Cabinda, quoique quasiment enclavée.

Assignations non atteintes

Les violations répétées de la frontière maritime congolaise par la flotte de pêche et même la marine (militaire) angolaises constituent une grande source d’insécurité pour les pétroliers producteurs. Le directeur général de PERENCO a indiqué que la sécurité de la production pétrolière et l’importance que Muanda représente pour eux, ont également été abordées lors de l’entretien avec le 1ER Ministre. Le vieillissement des puits acquis par PERENCO en 2000 alors qu’on y extrait le pétrole depuis 50 ans, n’est guère de nature à faciliter la tâche à la firme franco-britannique. Des puits sont actuellement à sec, contraignant les pétroliers producteurs à engager davantage des fonds pour les activités de forage. Un peu moins de 500 millions de dollars étaient attendus des pétroliers producteurs en 2015. Les assignations de 2014, soit quelque 440 millions de dollars, n’ont guère été atteintes. Un gap des dizaines de millions a été rapporté. Déjà en 2013, les recettes des pétroliers producteurs inscrites dans le budget étaient de l’ordre de 431,8 milliards de francs, soit un peu moins de 470 millions de dollars. Pourtant, à cette période le cours du baril de pétrole avait franchi la barre symbolique de 100 dollars durant de longs mois. Les recettes des pétroliers producteurs sont, en fait, évaluées à partir d’une production globale qui se situe entre 9 et 10 millions de barils l’an en moyenne. La production escomptée en 2013, par exemple, était de 9,3 millions de barils l’an, dont 5,6 millions pour l’off-shore et 3,7 millions pour l’on-shore. Le volume du brut exporté en 2010 était de 9,8 millions de barils contre 9,6 millions en 2011. Cependant, les recettes réalisées en 2010 se chiffrent, selon les données de la Banque centrale du Congo (BCC), à quelque 656,3 millions de dollars contre 904,3 millions en 2011. Soit une croissance nette de 37,8 %. En 2011, le cours moyen du pétrole brut a connu une augmentation de près de 40 %, passant de 79,3 dollars le baril à 110,8 dollars. Selon des experts du ministère du Budget, l’évaluation des recettes des pétroliers producteurs s’effectue également en tenant compte du cours du baril (prix du baril) avec une décote généralement de 3,5 % et des charges déductibles des entreprises évaluées à 22 %. Le pétrole congolais, que ce soit en offshore ou en on shore, est à ce jour uniquement au large de Muanda. Sur terrain, en effet, PERENCO/RDC opère à travers 3 sociétés : Muanda International Oil Company (MIOC) qui exploite le pétrole en offshore, avec 2 entreprises partenaires, le japonais TEIKOKU et une filiale du groupe formé par l’américain CHEVRON et le français Total, ODS. Muanda International Oil Company dispose de parts majoritaires, soit 50 %.

Sur les champs terrestres, en on shore, PERENCO exploite l’or noir à travers deux autres entreprises : PERENCO REP (55 % des parts) et LIREX (45 % d’actions, dont 15 % reviennent à la Congolaise des hydrocarbures). Encore actionnaire unique de la COHYDRO SA, l’État congolais dispose également de 20 % des parts dans les sociétés concessionnaires off shore. Durant les 4 ans et demi qu’il a passés à la primature, Augustin Matata Ponyo ne cessait d’annoncer dans chaque loi budgétaire l’organisation d’un audit technique et financier des entreprises pétrolières opérant en RDC. Rien n’est venu.