Et si on renouait avec le Fonds monétaire international !

Imaginons ce qu’aurait pu être le pays ces quinze dernières années, si on n’avait pas bénéficié des appuis budgétaires avec le concours des institutions financières internationales… Une véritable catastrophe, au propre comme au figuré.  

La République démocratique du Congo envisage la reprise de coopération avec le Fonds monétaire international, au moment où elle est en proie à des difficultés de politique monétaire. Si reprise il y a, le gouvernement pourra bénéficier des appuis budgétaires dont il a tant besoin en ce moment. Mais tout programme avec le FMI est assorti des exigences. En novembre 2016, une mission du Fonds monétaire international (FMI) est venue à Kinshasa, à l’invitation du gouvernement. Le but de la mission a été de faire la revue des indicateurs du cadre macroéconomique (taux de croissance, taux d’inflation, taux de change…). À noter que la dernière visite d’une mission d’évaluation du FMI en RDC remontait à juin 2015. Cette visite est intervenue au moment où, sur le plan international, plusieurs événements se sont succédé : baisse des prix des matières premières, effritement de la croissance au niveau mondial… Tout cela a eu un impact sur la situation macroéconomique de la RDC.

Du rapport d’évaluation de cette mission dépendait en quelque sorte la décision du FMI de donner ou non à la RDC sa « lettre de confort ». Le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, a confié en novembre 2016 à la délégation des experts du FMI que le gouvernement espérait beaucoup de son rapport pour obtenir la fameuse lettre de confort. Grâce donc à ce document, la RDC pouvait espérer bénéficier des appuis budgétaires des institutions financières multilatérales. En effet, le gouvernement a tant besoin de ces appuis budgétaires pour financer les élections et des projets de développement social.

Dans un contexte de crise économique et financière tant sur le plan national qu’international, conséquence de la baisse des prix de matières premières, principalement le cuivre et le pétrole, les appuis budgétaires sont indispensables à tous points de vue. Étant donné que la RDC tire essentiellement sa croissance économique des ressources minières. D’où, l’exigence de la diversification de son économie.

Dans un rapport de juin 2014, on note que le FMI s’est félicité des progrès économiques accomplis par la RDC. Toutefois, le Fonds a émis des réserves sur un certain nombre de points jugés « essentiels », par exemple, sur la restructuration de la Banque centrale du Congo (BCC), avant d’engager les négociations pour un nouvel accord formel avec le gouvernement congolais. Comme en 2009 lorsqu’il fallait négocier le Programme économique du gouvernement (PEG 2). Le FMI a posé de nouvelles exigences, notamment l’amélioration de la gouvernance et de la transparence dans la gestion des ressources naturelles ainsi que le renforcement du contrôle des entreprises publiques du secteur minier. C’est la Gécamines qui était visé dans ce rapport.

La position du Fonds

En dépit de tout, le PEG 2 a été conclu difficilement en décembre 2009. Et c’est surtout dans son volet sur le secteur minier que le PEG 2 a échoué. Le FMI en a été frustré et c’est pourquoi, la conclusion d’un nouveau programme de trois ans a été suspendue à l’assainissement du secteur minier. En décidant de reprendre la coopération avec le FMI, est-ce que la RDC est prête à mettre fin à tous les écueils ? Le rapport de juin 2014 indique clairement la position du conseil d’administration du FMI. Un nouvel accord formel ne serait possible avec la RDC que s’il est constaté la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources naturelles. Ce qui ne semble pas être apparemment le cas pour le moment. Les experts du FMI ont également insisté sur la nécessité de renforcer le contrôle dans les entreprises publiques du secteur minier, notamment dans la Gécamines. On se rappellera qu’en 2012, le gouvernement n’a pas réussi à convaincre le FMI sur sa capacité à conduire le PEG 2 dans les conditions conclues en décembre 2009. Après une série de dérogations, le FMI a dû prendre l’ultime décision : mettre fin à l’accord formel avec la RDC. Étant donné que le gouvernement ne parvenait pas à justifier quelques contrats signés par la Gécamines, notamment celui de la Compagnie minière de développement (COMIDE).

Montrer patte blanche

Dans son message à la Nation devant le Parlement, le président Kabila s’est fait le devoir de rappeler, une fois de plus, la fragilité des fondamentaux du tissu économique de la RDC, tournés essentiellement vers le secteur tertiaire. Le tissu économique est marqué, d’une part, par l’importation de biens de première nécessité, et, d’autre part, par l’exportation de matières premières vers les pays industrialisés. Les matières premières sont donc la source de principales recettes budgétaires, mais dont la fixation des cours échappe au contrôle de la RDC.

D’après le président Kabila, tant que ce paradigme ne changera pas, « l’économie nationale restera fragile et fera continuellement les frais des soubresauts de la conjoncture économique internationale. » Et tant que le système fiscal national sera « écrasant », « discriminatoire » et « truffé » d’une parafiscalité lourde, le climat des affaires ne sera pas propice à l’investissement productif ni au civisme fiscal.

Aujourd’hui, a déclaré le chef de l’État, la RDC a pris la mesure du défi. Il faut agir sans plus attendre. En plus des investissements publics légitimes, l’option est donc « définitivement » levée de promouvoir le soutien au secteur privé productif à travers, particulièrement, l’appui direct aux petites et moyennes industries (PMI) et aux petites et moyennes entreprises (PME), spécialement celles engagées dans l’agro-industrie et inscrivant leurs activités dans le cadre de la chaîne de valeurs. Il faut donc conférer de la valeur ajoutée aux produits destinés non seulement à la consommation domestique, mais aussi à l’exportation, en vue de les rendre plus compétitifs. La RDC ne devra plus être ce grand marché offrant l’opportunité d’affaires et d’emplois aux autres, au détriment de sa propre population et de son économie.

Par ailleurs, les efforts de mobilisation des ressources internes devront être poursuivis, a promis Joseph Kabila, à travers la lutte « sans concession » contre la fraude douanière et fiscale ainsi que la contrebande, grâce aux réformes fiscales nécessaires et grâce à l’implantation au sein des régies financières des systèmes de gestion informatisées des contribuables. Il a insisté sur l’impérieuse nécessité pour le gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat de prendre des dispositions utiles en vue de l’adoption, dans les plus brefs délais, des nouvelles lois sur la fiscalité, le partenariat public-privé, ainsi que sur la révision du code minier. De cette manière, le gouvernement pourra ainsi disposer des outils solides pour stabiliser durablement et structurellement la situation économique, avant d’inverser définitivement la tendance préoccupante actuelle, a fait remarquer le président Kabila. De quoi rassurer le FMI sur les bonnes intentions des autorités congolaises en matière économique.

Pour rappel, tout en mettant fin à l’accord formel de coopération avec la RDC en 2009, le FMI a laissé quand même une ouverture : l’adoption des mesures correctives pour des discussions futures sur un éventuel nouvel accord. Parmi ces mesures, la révision du code minier, l’adoption d’une loi sur les hydrocarbures conforme aux normes internationales, le respect intégral des critères de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), la lutte contre le blanchiment des capitaux, l’indépendance de la BCC.

Le FMI a recommandé aussi la réforme de la fiscalité minière et des actifs miniers de manière à éviter un manque à percevoir de la part des entreprises publiques du secteur des ressources naturelles.