État des lieux dans le secteur des industries manufacturières

Combien d’entreprises sont encore en activité ? Combien d’autres sont-elles à l’arrêt ou fermées ? Selon la Cellule d’études et de planification industrielle et des enquêtes industrielles mensuelles entre 2011 et 2013, la situation est préoccupante.

 

La croissance est un indicateur économique du degré d’industrialisation dans un pays. Quand un pays dépend largement des importations, cela s’entend qu’il est sous industrialisé, voire désindustrialisé. La République démocratique du Congo est dans ce cas de figure car elle est encore tributaire des produits, notamment alimentaires et autres, en provenance de l’étranger. La situation est encore plus dramatique dans le secteur des industries manufacturières, qui doit faire face à la concurrence déloyale du secteur informel ou des fabricants artisanaux.

Les enquêtes de la Cellule d’études et de planification industrielle (CEPI) classifient les entreprises industrielles en activité ou fermées par provinces, puis plus particulièrement sur leurs caractéristiques à Kinshasa (filière, forme juridique des entreprises, production mensuelle, chiffre d’affaires et main d’œuvre…).

Les bonnes intentions du gouvernement

Dans le projet de budget pour l’exercice 2018, le gouvernement a prévu plus de 20 milliards de francs pour relancer le secteur industriel. L’intention exprimée est de promouvoir la classe moyenne. Pour cela, il faudra mener des actions, notamment pour « encourager l’entrepreneuriat féminin par l’encadrement et l’équipement des femmes et jeunes filles ». Le gouvernement s’engage également à soutenir le secteur privé productif œuvrant dans l’agro-industrie à travers un financement aux conditions concessionnelles et la promotion de l’entrepreneuriat local grâce à la loi sur la sous-traitance. Le gouvernement entend matérialiser le projet de développement des pôles de croissance pour la relance de la classe moyenne à travers les incubateurs. Le financement de ce projet représente 60 % des crédits alloués au secteur de l’industrie et de l’entreprenariat dans le projet du budget 2018, soit plus de 12 milliards de francs. Cependant, la réalisation de cet ambitieux projet dépend des partenaires financiers extérieurs de la RDC, notamment de la Banque mondiale. Pour l’exercice 2017, cette institution financière internationale a consenti plus de 21 milliards de francs. La Banque mondiale intervient également dans l’étude d’implantation des Zones économiques spéciales (ZES), dont l’unité pilote devrait être aménagée à Maluku, dans le faubourg est de Kinshasa.

De l’informel dans le formel

Peu importe leur taille et malgré leur statut légal, les entreprises sont omniprésentes en RDC. Elles jouent un rôle social et économique considérable. Cependant, ces activités génératrices de revenus ne se distinguent pas de celles du secteur dit de l’informel dont les caractéristiques leur sont largement transposables. Dans ce cas, comment peuvent-elles jouer le rôle de moteur de croissance ?

La vie en ville est devenue plus difficile qu’auparavant faute d’activité économique et d’opportunités d’emplois. Productive et redistributive, l’économie informelle exerce un rôle d’intégration et de régulation sociale là où l’État se révèle défaillant ou impuissant dans ces fonctions. Depuis une trentaine d’années, la production de ce secteur participe à la satisfaction des besoins (alimentation, habillement, santé, scolarité…) des ménages les plus pauvres en RDC. Alors qu’elle ne participe pas ou très faiblement aux recettes fiscales de l’État et obère ses possibilités d’investissements publics, l’économie informelle s’inscrit dans une concurrence déloyale avec le secteur formel qui de ce fait est d’autant plus ponctionné par un État à la recherche de recettes. Mais l’absence de statut légal d’une entreprise est un handicap majeur pour les structures qui opèrent dans l’informel. La porte de beaucoup de services leur est fermée et notamment de l’accès à des sources de financement même si le développement de la microfinance permet actuellement de les bancariser et de leur donner des solutions de financement à court terme. De même, les structures du secteur de l’informel sont privées de toute possibilité de concourir aux appels d’offres des marchés publics du fait qu’elles ne sont pas assujetties aux paiements d’impôts.

Avec la crise économique, implicite bien avant les années 1970, le secteur informel de l’économie a pris de l’ampleur au point de concurrencer, à son avantage, le secteur formel. « Que de temps perdu aujourd’hui à élaborer des plans de sauvetage, à réduire des dettes, alors qu’entre-temps les populations doivent vivre ou plutôt survivre ! D’où la floraison, la prolifération et l’ampleur des activités du secteur informel », pose le sociologue Benoît Bilomba.

Dans un contexte économique dominé par le secteur informel qui tend à tirer vers le bas les activités génératrices de revenus, on se demande comment le secteur privé peut être un élément essentiel de la croissance en RDC. La plupart des enquêtes menées dans le pays penchent en faveur du développement des PME étant donné qu’elles représentent une part importante de l’emploi et de la redistribution de richesses. Cependant, encore faut-il en saisir les besoins et les modes de fonctionnement. De prime abord, les PME peinent à se développer au Congo. Elles sont enclines à de multiples contraintes dont la disparité des acteurs, l’informalité, le déficit d’accès aux sources de financement, l’instabilité juridique et judiciaire, la faiblesse de l’offre de travail…

Le programme économique du gouvernement encourage l’esprit d’initiative, favorise la création de valeurs et vise à renforcer les liens sociaux et économiques entre les différents acteurs et agents de l’économie. En réalité, le soutien aux PME demeure timide du fait de la disparité des structures et des politiques, ainsi que du fait de l’accès difficile au financement bancaire. Les conditions de marché sont encore largement absentes ou insuffisantes. Ce sont, par exemple, des infrastructures adéquates, un cadre réglementaire favorisant le développement de l’entreprise tout en limitant ses effets préjudiciables pour l’homme et son environnement, des compétences réparties au sein d’un vivier de populations entreprenantes, des flux d’informations permettant l’accès à des opportunités d’affaires comme à des sources de financement.