Faut-il croire à un recul du populisme en Europe ?

Contrairement aux prévisions, les populistes ne sont pas sortis grands vainqueurs des élections au parlement européen. Mais il est encore trop tôt pour y voir un début de reflux de la vague populiste.

Les élections européennes de mai 2019 devaient être marquées par la poussée des populismes. N’était-ce pas tout simplement inévitable, après la victoire de Jair Bolsonaro au Brésil, la réélection triomphale de Narandra Modi en Inde, et la « probable » réélection de Donald Trump aux Etats-Unis en 2020 ?

Il semble pourtant que l’annonce de la mort de la démocratie représentative « classique » soit un peu prématurée. Non seulement les Européens se sont rendus aux urnes en grand nombre, mais le raz de marée populiste n’a pas eu lieu.

La réalité est infiniment plus complexe que ne le prédisaient les Cassandre.  Le résultat des élections européennes en rend parfaitement compte.  Il pourrait même un jour être perçu par les historiens comme le premier signe de recul des populismes, la première vague d’espoir après une succession de tempêtes.

Quand les peurs s’équilibrent

De manière synthétique, il est possible de résumer le résultat des élections européennes en une formule : les peurs se sont équilibrées. Elles se sont partagées à parts quasi égales entre la peur pour l’avenir de la planète des écologistes, la peur identitaire anti-migrations des populistes, et la peur pour la démocratie et le projet européen de tous ceux qui ne peuvent se résigner à la montée des extrêmes dans un continent qui est, aujourd’hui encore, un modèle de modération et de civilité.

La montée des partis écologistes est potentiellement une bonne nouvelle pour les démocrates et une mauvaise pour les populistes.

Dans ce nouvel équilibre des peurs, la montée des verts est potentiellement une bonne nouvelle pour les démocrates et une mauvaise pour les populistes. Il peut en effet se créer un front commun, pour l’avenir de la planète et de la démocratie, contre les populismes et nationalismes qui n’apportent aucune réponse aux dangers écologiques et constituent une menace pour la liberté.

Il serait certes dangereux de tirer des leçons trop globales du résultat d’élections européennes qui traduisent avant tout, la diversité des situations nationales.  La victoire des populistes en Hongrie, en Pologne et en Italie est sans appel. Elle est moins évidente en France  : ne pas perdre clairement pour le Président Macron, c’est presque gagner. Et à l’inverse, ne pas l’emporter clairement pour le Rassemblement National, c’est presque perdre.

La victoire des populistes est sans appel en Hongrie, en Pologne et en Italie. Elle est moins évidente en France. Mais ailleurs, les forces modérées ont fait mieux que résister.

Mais dans l’Europe germanophone, en Allemagne, même en Autriche, et plus largement dans l’Europe du Nord et du Sud, des Pays-Bas à l’Espagne en passant par la Grèce, les forces modérées porteuses d’un message proeuropéen classique ont fait mieux que résister. Elles ont certes changé de visage et ne s’incarnent plus mécaniquement comme hier dans une division classique droite-gauche. Mais les « modérées » ont fait la preuve qu’il n’y a pas d’appétit généralisé pour  la démocratie illibérale à la Viktor Orban en Europe.

Trouver un nouveau visage

Le populisme est résistible. Partout en Europe les citoyens se sont déplacés en nombre record, même si en Grande-Bretagne, ce fut pour dire non à des dirigeants politiques disqualifiés par leurs errements, et au-delà pour exprimer en réalité leur mal-être et leur crise identitaire.

Freiné mais pas vaincu, le populisme ne sera « défait » à terme que si les dirigeants européens – qui ne sont pas passés loin de la catastrophe – tirent les leçons des avertissements qu’ils continuent de recevoir. Rien ne serait pire qu’un paresseux soulagement conduisant à la poursuite des mauvaises habitudes.

Un réveil pour l’Europe commence par le choix des hommes – dans le cas d’espèce plutôt des femmes – pour les postes clés de l’Union Européenne. Il faut prendre pour chaque position les meilleurs, indépendamment de leurs affiliations politiques ou de leurs nationalités. L’Union est presque morte de son absence d’incarnation, et du manque de charisme de la plupart de ses dirigeants, au moins récents. La perspective d’être pendu concentre l’esprit, disait Mark Twain. La présidence de la Commission ne devrait-elle pas revenir à une femme forte, comme la Danoise  Margrethe Vestager, qui a fait la preuve de sa détermination dans le combat contre les Gafa ?

Au-delà du choix des dirigeants, il y a celui des politiques. Les partis du centre doivent « verdir » considérablement leurs choix, les partis verts doivent européaniser, recentrer, les leurs, à l’exception des verts allemands qui se sont déjà engagés sur cette voie.

La vulnérabilité de la démocratie illibérale

Mais la résilience de la démocratie représentative s’explique aussi par la vulnérabilité de la démocratie illibérale. Tous les populistes ne se comportent pas comme le vice-chancelier autrichien qui a été la « victime » récente de son appétit d’aides financières de provenance russe pour son parti. Mais comme dans « Les animaux malades de la peste », s’ils ne mouraient pas tous, tous étaient atteints, les scandales de nature financière constituent le talon d’Achille des populismes.