Félix Tshisekedi et ses hôtes honorent Sultani Makutano 5

SULTANI Makutano a pris de l’envergure. En tout cas, c’est la première fois que deux chefs d’État en fonction et deux anciens présidents de la République participent à ce forum économique annuel, arrivé à sa 5è édition. À la cérémonie d’ouverture, vendredi 6 septembre, à Pullman Hotel Kinshasa, Félix Antoine Tshisekedi, le président de la République, n’était pas seul sur la tribune. Il avait à ses côtés des hôtes de marque : Mahamadou Issoufou, le président de la République du Niger ; John Dramani Mahama, ancien président du Ghana ; Ellen-Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia. Il y avait aussi dans la salle le footballeur camerounais, Samuel Eto’o Fils.

Il va de soi qu’un tel plateau veut rêver, et l’événement a gagné en notoriété, au pays comme à l’extérieur, même s’il avait déjà acquis ses lettres de noblesse lors des précédentes éditions. Cette année, le thème central retenu par les organisateurs a été « Booster la croissance et la compétitivité de la RDC. Leviers innovants. » 

Les débats et les échanges d’expériences dans les panels et tables rondes ont été axés sur des « thématiques concrètes et stratégiques », tels « Le réveil du géant ? », « Climat des affaires : osons un pacte public-privé », « Image pays et benchmark : quittons le passionnel », etc.

La tenue de Sultani Makutano 5 tenait particulièrement à cœur Félix Antoine Tshisekedi, qui n’a pas hésité à lui donner un caractère de mini-sommet. Et il n’a pas eu tout faux : « C’est avec attention et grand intérêt que j’ai suivi tout à l’heure les propos interpellant de M. Anthony Nkinzo et de Mme Nicole Sulu. Les différents sujets qu’ils ont évoqués nous conduisent à un petit exercice de prospective sur le Congo, dans une Afrique assise sur l’or et le blé, mais paradoxalement toujours à la traîne ». 

Dans son adresse, le président de la République a rappelé qu’en septembre 2000, un illustre Africain, Koffi Annan, engageait le monde dans le chantier des Objectifs du Millénaire pour le Développement à l’horizon 2015 (OMD). À cette échéance, malheureusement, pour l’Afrique, la majorité de ces objectifs n’étaient pas atteints. En ce qui concerne la réduction de la pauvreté, a-t-il poursuivi, l’Afrique est demeurée à 20 points de pourcentage en deçà des objectifs mondiaux, contre 4 points seulement pour l’Asie. Environ 46 % des Africains demeurent pauvres, avec des revenus inférieurs à 1,25 dollar par jour et une productivité faible. En 2018, le revenu moyen par Congolais était de 458 dollars par an, soit 1, 25 dollar par jour. 

Seuls deux de ces objectifs ont connu un net succès en Afrique : l’éducation primaire pour tous incluant la parité et la réduction du taux de prévalence du VIH/sida chez les jeunes. 

Cependant, ces progrès n’ont été rendus possibles que grâce à un soutien accru des fonds mondiaux spécialement dédiés à ces secteurs. « Nous devons nous interroger sur les raisons fondamentales de ces faibles performances. 

Promouvoir le secteur privé

En République démocratique du Congo, les résultats de développement ont été globalement inférieurs à la moyenne africaine. Notre pays, à l’instar des autres pays africains, a activement participé aux négociations intergouvernementales ayant abouti aux Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 et à la vision africaine 2063 », a posé le chef de l’État.

Pour qui, l’un des grands enseignements tirés de ces exercices de prospective est : « L’essor de la RDC, son développement intégral et harmonieux, passe inexorablement par la promotion d’un secteur privé performant, responsable et engagé, qui portera l’essentiel des progrès attendus dans tous les secteurs de la société ». Par conséquent, « nous devons donc choisir librement le modèle de développement que nous voulons et nous en approprier pleinement ». 

Tenez : avec sa population jeune, la RDC comptera près de 200 millions d’habitants à l’horizon 2050, dont plus de 60 % âgés de moins de 25 ans. « Il s’agit là d’un véritable levier de développement mais qui peut, si nous ne prenons pas les bonnes décisions aujourd’hui, devenir un risque majeur », a prévenu le président de la République. Actuellement, près de 40 % de la population congolaise vit dans les villes et ce chiffre pourra dépasser les 50 % à l’horizon 2050, a-t-il avancé. 

« Il est inquiétant de voir les bras qui devaient produire dans les milieux ruraux pour un échange agriculture-industrie venir gonfler les populations urbaines pour devenir des ventres à nourrir au lieu d’être des forces productrices », s’est insurgé Félix Antoine Tshisekedi. Ce qui fait que la RDC soit aujourd’hui importatrice nette à 90 % des produits de consommation de base. « Dans ma vision, j’ai pris la ferme résolution d’inverser cette tendance en améliorant les conditions de vie dans les milieux ruraux à travers des investissements dans le secteur agricole par la création de zones agro-industrielles et la construction des infrastructures de base. Pour booster la croissance, il faut investir. Les tendances récentes de l’économie mondiale révèlent que le secteur privé a largement supplanté le secteur public en tant que premier investisseur », a-t-il déclaré. 

La RDC n’échappe pas à cette dynamique : « Il faut souhaiter que les fils et les filles de la République Démocratique du Congo soient les premiers concernés par les investissements. Ce n’est malheureusement pas encore le cas ». Car « environ 26 000 expatriés régulièrement inscrits auprès des services d’immigration, contrôlent plus de 80 % de l’industrie et du commerce formel et paient l’essentiel de l’impôt mobilisé par le pays ». Pour le chef de l’État, « cette situation traduit l’insuffisante appropriation de l’économie par les nationaux ». Au-delà du « sentiment d’exclusion des chaînes de valeur que les acteurs économiques nationaux peuvent ressentir », il pense qu’il y a « un réel défi d’appropriation de notre économie et de notre développement ». 

Mesures fortes et incitatives

C’est pourquoi, il a promis des « mesures fortes et incitatives » qui seront prises par le gouvernement pour « restaurer la classe moyenne avec de jeunes entrepreneurs » qu’il compte « promouvoir dans toutes les provinces ». Il pense notamment au Fonds de garantie pour l’entreprenariat des jeunes en cours de création et à d’« autres mesures complémentaires ». D’où son ambition « d’œuvrer pour l’émergence de plusieurs millionnaires congolais ainsi que de plusieurs essaims de PME et PMI à travers le pays, qui vont  créer de l’emploi ».  Par ailleurs, a dit Félix Antoine Tshisekedi, « la relance de la croissance et l’appropriation de l’économie par nos concitoyens nous mettent en présence d’un triple défi : celui des capacités, du financement et surtout de la volonté politique d’œuvrer pour l’intérêt de la Nation dans un monde ouvert ».