First Cobalt renonce à ses prétentions sur la RDC

Mauvaise nouvelle pour le gouvernement qui ne devra plus compter sur l’investissement de la compagnie minière listée sur TSX. Celle-ci a annoncé qu’elle ne finalisera pas sa transaction pour l’exploration de sept prospects de cuivre/cobalt.

 

La transaction annoncée le 1er mai avait suscité beaucoup d’enthousiasme côté gouvernement congolais au moment où l’économie nationale est en berne à la suite de la crise des matières premières due à la chute des cours mondiaux. Mais voilà que la junior minière canadienne se rétracte et explique ce revirement entre autres par « l’instabilité du climat des investissements qui prévaut actuellement dans le pays » et par sa décision de « se focaliser sur ses actifs de Cobalt Camp, à Ontario (Canada) ». En effet, explique-t-elle, Cobalt Camp héberge d’importantes ressources minérales de cobalt et le nombre élevé des cibles d’exploration disponibles dans l’immédiat compense celles abandonnées en République démocratique du Congo.

Rappel des faits 

First Cobalt avait signé une lettre d’intention avec JayBird Invest, un associé de Madini Minerals, pour acquérir une participation des 70 % sur sept prospects de cuivre/cobalt, d’une superficie totale de 192 km², en République démocratique du Congo. Selon les termes de l’accord, à la conclusion de la transaction, la compagnie basée à Toronto devait payer une contrepartie de 1,58 million de dollars canadiens, dont 600 000 en espèces et le reste par l’émission de 4,53 millions d’actions. En plus, Madini Minerals, qui allait agir en tant qu’opérateur de First Cobalt sur les sept prospects, devait avoir une participation de 8,5 % dans la compagnie et nommer le Congolais Serge Ngandu à son conseil d’administration.

Trent Mell, le CEO de First Cobalt, avait déclaré que l’identification de bonnes propriétés minières en RDC était « un élément clé » de la stratégie de la compagnie visant à élargir son portefeuille global d’actifs de cobalt. La RDC représente plus de 60 % de la production mondiale de cobalt et First Cobalt y voyait « un important potentiel d’exploration ». Cette transaction devait permettre à First Cobalt d’établir fermement une présence dans l’un des camps miniers les plus riches du monde, selon Trent Mell. Madini Minerals possède une vaste expérience en matière de programmes d’exploration en Afrique, ainsi que de solides relations dans le pays. Les plans d’exploration et les budgets étaient préparés conjointement par Madini et First Cobalt, avec l’approbation d’un comité d’exploration en commun.

First Cobalt devait approuver en définitive le budget proposé par le comité en tant que seul fournisseur du financement de l’exploration. Elle se gardait aussi le droit de premier refus sur les autres intérêts de Madini en RDC. Les partenaires devaient encore compléter la documentation définitive et terminer la diligence confirmatoire dans un délai raisonnable. First Cobalt est une compagnie d’exploration créée en 2011 au Canada, où elle a une concession de 2 100 ha dans la province de l’Ontario. Elle se concentre sur « la création d’un portefeuille mondial diversifié d’actifs fortement exploités sur le marché du cobalt. »

La consommation mondiale de cobalt raffiné devrait atteindre 100 kt en 2017. Alors que la croissance de la demande pour la plupart des métaux s’est bloquée, ces dernières années, la demande de cobalt continue de croître fortement, certaines estimations indiquant que sa demande augmentera à un rythme moyen d’environ 5 % par an pour les dix prochaines années. Les prix du cobalt à Londres Metals Exchange ont grimpé d’environ 60 % cette année à plus de 55 000 dollars/tonnes. Cela a provoqué une activité frénétique parmi les explorateurs pour obtenir un pied dans la porte afin de capitaliser sur l’écart d’approvisionnement croissant. First Cobalt a estimé que le développement représente un point d’entrée à faible risque dans la plus importante juridiction du cobalt au monde, en étendant le portefeuille au-delà de l’option actuelle de mine Keeley-Frontier au Canada.

La RDC est le premier producteur de cuivre en Afrique et de cobalt dans le monde. La production des deux minerais a connu une hausse au premier semestre 2017 avec 553 811 tonnes de cuivre (+15 %) et 39 535 tonnes de cobalt (+27 %). C’est dire que le cuivre et le cobalt ont la pêche actuellement sur les marchés mondiaux. Le boom sur le marché des métaux est le fait des progrès dans la téléphonie mobile, dans la fabrication des voitures électriques ou encore de la modernisation de l’électroménager de plus en plus connecté. Ce sont là autant de facteurs à l’origine de la hausse vertigineuse des cours du cobalt, constatent des observateurs. Le cobalt explose tous ses records de prix depuis janvier ! Le minerai enregistre une hausse de 71 % au cours de ce premier semestre de 2017 et les cours devraient atteindre la crête des 90 000 dollars la tonne métrique d’ici décembre 2018, pronostiquent les mêmes observateurs.

La demande est de plus en plus croissante car le cobalt est un composant essentiel dans la fabrication des batteries utilisées par les voitures électriques, notamment les véhicules fabriqués par Tesla. La hausse des cours poussent les acheteurs à ouvrir des négociations avec les exploitants pour s’approvisionner en cobalt à prix fixes directement des mines.

Redistribution des cartes en RDC

La conjoncture profite à l’Eurasian Resources Group (ERG), une entreprise qui s’apprête à exploiter un important gisement de cobalt en RDC entre 2018 et 2019. ERG est actuellement sur un projet d’exploitation de cobalt estimé à 1 milliard de dollars. Suite à cette forte demande, il va devoir revoir à la hausse sa production pour se fixer un objectif de 14 000 tonnes/an à partir de son site de Metalyol Roan Tailings Reclamation en RDC. Une ambition qui pourrait permettre à ERG de détrôner Glencore de sa place de numéro 1 mondial du cobalt.

Au Katanga où sont exploités le cuivre et le cobalt, on observe un jeu de passe-passe. L’anglo-suisse Gleencore a repris, pour près d’1 milliard de dollars, les parts de Fleurette Group pour prendre le contrôle (total) de la mine de cobalt de Mutanda (MUMI) et a augmenté sa participation dans Katanga Mining Company. Le canadien First Cobalt s’est également invité en RDC. Pour sa part, Bohaï Harvest RST (BHR) a clos le dossier de la reprise de la mine de Tenke Fungurume par des entreprises chinoises. BHR est une firme de « Private Equity » basée à Shanghaï en Chine. Avec dans son tour de table des institutionnels et des privés chinois ainsi que des investisseurs américains, elle vient finaliser l’acquisition « indirecte » par des sociétés chinoises de la mine de Tenke Fungurume au Katanga pour un montant de base estimé à une bagatelle de 3,8 milliards de dollars. Sa filiale, Newwood Investment Management Ltd (NIM Ltd) a clôturé la reprise de la totalité du capital de Lunding DRC Holdings, la filiale en RDC de l’opérateur minier canadien Lunding Minning pour 1,14 milliard de dollars. La société acquise était actionnaire à 30 % de Tenke Fungurume Holding, un groupe minier incorporée au Bahamas, qui à son tour contrôle 80 % du complexe minier de Tenke Fungurume.

Cette acquisition fait de BHR Capital l’actionnaire effectif de 24 %…

de la mine congolaise, présentée comme un actif minier de classe mondiale. Le capital investisseur rejoint ainsi le conglomérat China Molybdenum Corporation (CMOC), un groupe détenu par des institutionnels de la Chine continental et des privés de Hong-Kong. Ce dernier avait déjà finalisé l’acquisition pour le prix de base de 2,65 milliards de dollars de la totalité des 70 % que détenait l’opérateur minier américain Freeport McMoRan dans le capital de TF Holding. Il s’est offert ainsi une participation indirecte de 56 % sur le site minier congolais. Par ailleurs il recevra une prime de 14 millions de dollars pour avoir accompagné BHR dans sa transaction sur ce dossier.

Les firmes chinoises ont ainsi finalisé l’acquisition indirecte d’une participation majoritaire sur ce site minier, dans le cadre de transactions qui auront vu couler beaucoup d’argent. L’autre actionnaire du projet, la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), représentant l’État avec 20 % des parts sur la mine, a touché 33 millions de dollars de Freeport McMoRan, selon des données publiées par ce dernier sur son rapport financier du quatrième trimestre 2016. Le grand gagnant de cette opération est toutefois CMOC. En janvier, elle a annoncé la signature d’un accord d’actionnaires qui lui permettait de garantir la finalisation de l’entrée au capital de TF Holding par BHR. En contrepartie, le capital investisseur acceptait l’option pour CMOC d’acquérir sa participation indirecte dans TFM à un prix prédéterminé.

L’évolution des cours du cuivre et de cobalt sont désormais sous surveillance. Une hausse des prix au-delà des seuils fixés par l’acquisition sera une bonne chose pour les affaires. Mais dans le même temps, elle les obligera à verser des sommes supplémentaires aux sociétés qui leur ont cédé leurs participations respectives dans TF Holding. BHR Equity Investment Fund Management Co., Ltd. est une société de capital-investissement spécialisée dans les fusions transfrontalières et le capital d’acquisition et de croissance. Il se concentre principalement sur les transactions en Europe et en Amérique du Nord. BHR (Shanghai) Equity Investment Fund Management Co., Ltd. a été fondée en décembre 2013 et est basée à Shanghai, en Chine. Il opère en tant que filiale de Bohai Industrial Investment Fund Management Co., Ltd.