Heurs et malheurs d’un secteur en friches

Le débat n’en finit pas. Dans l’esprit de la nouvelle loi, seules les sociétés anonymes ou les mutuelles sont habilitées à exercer, l’État se réservant le rôle de régulation et de surveillance. Mais des zones d’ombres subsistent, notamment sur les produits à couvrir.

C’est à partir du 17 mars 2016, une année après sa promulgation, que le nouveau code des assurances sera effectif. Elle s’appliquera aux opérations d’assurance et de réassurance réalisées au Congo, à l’exception de celles qui relèvent de la sécurité sociale. Toutefois, la nouvelle loi aura des effets sur les opérations d’assurances directes et de réassurance souscrites par des entreprises agréées en complément et après préavis de garantie accordée par la sécurité sociale. C’est un nouvel instrument juridique qui vient s’ajouter à l’arsenal de réformes en vue de l’assainissement du climat des affaires.

En libéralisant le marché des assurances et de la réassurance, l’État a remis en cause le régime de monopole accordé à la Société nationale d’assurances (SONAS), mais il se réserve le rôle de la régulation et du contrôle du marché, ainsi que de surveillance des opérateurs, dans l’intérêt des assurés, grâce à la sécurité financière offerte par les compagnies d’assurances. Divisé en sept parties, le code traite des opérations d’assurances ; des entreprises d’assurance et de réassurance ; du cadre institutionnel et du contrôle de l’État ; des agents généraux, des courtiers et autres intermédiaires ; des organismes particuliers ; du régime comptable fiscal.

Controverse

Cependant, il soulève des questions fondamentales. Par exemple, la démonopolisation du secteur est-elle une solution aux problèmes qui s’y posent ? Qu’est-ce qu’on peut en attendre ? En feuilletant les pages de l’histoire du Congo, on se rend bien compte que le décret-loi de 1961 organisant la sécurité sociale et l’ordonnance du 2 juin 1967 octroyant le monopole des assurances en droit congolais à la SONAS et à la l’Institut national de sécurité sociale (INSS) limitaient déjà les mesures conformes au droit des assurances pour la protection des consommateurs. L’expérience a démontré que le monopole a été contreproductif. Bien plus, quand il est accordé à une entreprise publique dans un secteur comme celui des assurances, il n’est pas la voie royale.

Les tenants du monopole mettent en avant la gabegie financière de l’époque qui n’a pas épargné le secteur des assurances, pour justifier les contre-performances. Par contre, les défenseurs de la libéralisation estiment que le soustraire du champ unique des entreprises publiques est un apport positif à l’émergence de l’économie. Avec des règles de jeu préétablies, l’État peut alors renforcer le contrôle, car le privé est plus facile à gérer que le public, argumentent-ils. D’où le préalable de l’existence d’une autorité de régulation, comme cela se fait ailleurs, pour le contrôle du secteur et la surveillance de la concurrence.

Tenir les prédateurs en respect

La libre concurrence tue la concurrence et le faible finit par s’éliminer. C’est la loi de la sélection naturelle. L’Autorité de régulation jouerait alors le rôle de soupape de sécurité afin d’empêcher les assureurs prédateurs de se faire de l’argent avant de se volatiliser. Le secteur des mines nous en donne des exemples patents. Contrairement au droit commercial où la liberté d’exercer le commerce est la règle, la profession d’assureur a été enserrée dans un corps de règles strict. D’autant que nul ne peut créer d’entreprise d’assurances, s’il ne satisfait pas à certaines conditions. Seule une personne morale habilitée à exercer l’activité d’assureur est autorisée à conclure des contrats d’assurances.

Dans les pays où les assurances ne sont pas monopolisées, les sociétés qui y opèrent sont soumises à un contrôle administratif rigoureux. Elles sont tenues d’être agréées, d’avoir un capital suffisant dont le minimum est déterminé par la loi, de fournir un cautionnement et de reconstituer obligatoirement des réserves. Il en est ainsi en Belgique, en France, en Afrique du Sud… Au-delà du contrôle et de la surveillance, les pouvoirs publics ont la charge de sensibiliser les particuliers qui constituent la clientèle la plus nombreuse des assureurs.

Puisqu’ils sont généralement peu informés des spécificités des contrats ou des polices d’assurances, les citoyens sont ainsi confrontés à des sanctions diverses. Comme l’assurance encourage à affronter le risque, aide à réparer les dommages et à surmonter les crises, les pouvoirs publics doivent inciter à la souscription de polices d’assurance et veiller à ce que les contrats conclus entre les assureurs et les assurés produisent leurs effets. Le marché national est encore en friche. Quoi de plus normal que des multinationales se bousculent déjà au portillon pour s’arracher des parts du marché. L’éventail de nouveaux produits est large : assurance obsèques, assurance tout risque informatique, assurance de téléphone portable, assurances globales de banques, assurance étudiants, assurance-crédit à l’exportation….