Jean Christophe Carret inspecte les projets financés par la Banque mondiale au Sud-Kivu

Le directeur des opérations de la Banque mondiale dans les deux Congo est satisfait de l’évolution de différents projets et initiatives appuyés par son institution dans cette partie du pays.

JEUDI 8 AOÛT, Jean Christophe Carret, le directeur pays de la Banque mondiale pour les deux Congo, la République centrafricaine et le Burundi, avec attache à Kinshasa, a visité l’hôpital de Panzi à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, où exerce le prix Nobel de la paix le gynécologue Denis Mukwege, surnommé le « réparateur des femmes », avant d’aller se rendre compte, de visu, des réalisations des projets financés par la Banque mondiale. Parmi ceux-ci, le Projet intégré de croissance agricole dans les Grands lacs (PICAGL). C’est un projet régional (RDC/Burundi), financé à travers un crédit IDA à hauteur de 150 millions de dollars et un don du gouvernement japonais de 2.7 millions de dollars pour les activités nutritionnelles en faveur de 200 000 ménages. 

Le PICAGL se décline à travers des activités de croissance agricole, commercialisation des produits dans les provinces de Tanganyika et du Sud-Kivu, particulièrement dans le corridor Bukavu-Uvira-Kalemie (plaine de la Ruzizi et plaine côtière Baraka-Fizi-Kalemie). Ce corridor couvre une superficie de plus de 3 millions d’ha et longe la frontière avec le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie. Il est alimenté par plusieurs cours d’eau, dont la rivière Ruzizi qui relie les lacs Kivu et Tanganyika sur une distance de 100 km, arrosant la vallée fertile entre Bukavu et Uvira.

Un potentiel à faire pâlir 

Cette zone regorge d’un potentiel agricole inestimable mais largement sous-exploité pour l’agriculture vivrière ou de rente, l’élevage (bovins, ovins et volaille), la pêche et la foresterie. Elle est aussi dotée d’un potentiel hydroélectrique peu valorisé. 

En janvier dernier, le comité de pilotage du PICAGL s’était réuni à Kinshasa pour valider le plan et le schéma directeurs pour servir de cadre dans l’élaboration  des politiques et stratégies de développement de ce corridor. Alfred Kibangula Assoyo, le coordonnateur, a, à cette occasion, passé en revue les activités du projet. 

Adolphine Byayuwa, alors ministre provinciale de l’Agriculture, de la Pêche, de l’Élevage et du Développement rural du Sud-Kivu, a demandé à cette occasion que la réhabilitation des routes de desserte agricole soit la priorité pour le PICAGL. Elle a aussi plaidé pour l’intégration des peuples autochtones dans les activités du projet pour en faciliter l’appropriation.

Financé pour une période de 5 ans (2017-2021), le projet vise à fournir une réponse immédiate et efficace en cas de crise ou d’urgence déclarée. Le PICAGL a été lancé officiellement le 7 mai 2018 à Kinshasa et compte quatre principales composantes : la structuration des filières ciblées et l’appui à la production, le renforcement de la cohésion sociale et le développement territorial qui inclura des interventions complémentaires dans d’autres chaînes de valeur relatives à la production animale dont les petits ruminants et la volaille. 

Le projet vise à générer des revenus pour les plus marginalisés et exploiter les synergies avec les productions végétales pour ainsi diversifier les apports nutritifs. Mais également à renforcer les capacités des services d’appui tant au niveau provincial que national. 

Bref, en tant que projet régional, le PICAGL a pour objectif ultime d’accroître la production agricole, promouvoir la transformation des produits et l’accès aux marchés à travers une approche de promotion des chaînes de valeur à caractère commercial. « La structuration des filières ciblées et l’appui à la production ; le développement des services et des industries de transformation ; l’amélioration de l’accès aux marchés et l’appui à la commercialisation des productions ; la promotion de l’intégration régionale à travers des projets transfrontalières, sont également des résultats attendus de ce programme ambitieux. 

Dans sa visite d’inspection des projets financés par la Banque mondiale, Jean Christophe Carret avait à ses côtés le ministre provincial de l’Agriculture du Sud-Kivu. Ils ont visité des champs de multiplication primaire et de démonstration de manioc de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA) à l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomiques (INERA) à Mulungu et Kalambo dans le territoire de Kabare sur la route Birava. Ils ont également visité le laboratoire et les étangs de pisciculture. 

Agrobusiness

Sanginga Nteranya, le directeur général de l’IITA, plaide pour la transformation de l’agriculture en RDC en agrobusiness, pour créer la richesse et des emplois pour les jeunes. La part à allouer à l’agriculture dans le budget de l’État doit permette de concrétiser cette transformation, afin de limiter l’importation massive des denrées alimentaires estimée à près de 1.6 milliard de dollars. Tant que la tendance ne sera pas inversée, la pauvreté perdura au pays, où 46 % des enfants sont malnutris et le taux de chômage pour les jeunes avoisine 90 %. Pour rappel, l’IITA a reçu le prix africain de l’alimentation en 2018, pour son leadership en RDC, où il travaille en partenariat avec l’INERA, le Service national des semences (SENASEM) et le Service national de vulgarisation (SNV). L’IITA va lancer un programme qui engage les écoliers dans l’entrepreneuriat agricole. En Afrique, selon l’IITA, très peu d’écoles primaires s’intéressent à l’entrepreneuriat agricole, c’est-à-dire à l’enseignement de l’agroalimentaire, alors que le continent doit faire face au défi de la sécurité alimentaire. Ainsi, l’institut s’engage à poursuivre des initiatives et des recherches innovantes pour relever ce défi et celui de création d’emplois.

IITA a justement mis en place le programme Start Them Early (STEP) dédié à la RDC, au Kenya et au Nigeria pour neuf écoles secondaires pour une durée de deux ans. Ce programme est expérimenté à Bukavu dans trois écoles, en collaboration avec Newday Afrika, une organisation locale des jeunes. Pour rappel, Jean Christophe Carret a rejoint le Groupe de la Banque mondiale en 2005, en tant qu’économiste des ressources naturelles pour la Région Afrique. Avant sa nomination au poste de directeur pays, il était représentant de la Banque mondiale au Laos où il a mené les discussions sur la gestion des finances publiques et la croissance verte et mis en place une approche multisectorielle pour mieux lutter contre la malnutrition dans les provinces les plus pauvres. 

De 2015 à 2017, il a été représentant de la Banque mondiale en Centrafrique, basé à Bangui, période durant laquelle l’institution de Bretton Woods a soutenu les efforts de reconstruction du pays alors que la Centrafrique sortait d’une crise humanitaire et politique sans précédent. Sous sa direction, la Banque mondiale est devenue le principal partenaire de développement du pays. Avant de rejoindre la Banque mondiale, Jean-Christophe Carret était chercheur au Centre d’économie industrielle de l’École des mines de Paris (Mines ParisTech). De nationalité française, il est titulaire d’un doctorat en économie de l’École des mines de Paris.