Katanga : Haro sur les mines !

Après le boom minier constaté ces cinq dernières années dans le Sud de la province, les effets d’une mauvaise gestion des résultats des études sociales et environnementales se traduisent, dans plusieurs sites d’exploitation, par des déformations congénitales, une perturbation dans l’agriculture et la pêche.

 

Les exploitants miniers, dont la liste s’est beaucoup allongée au Katanga, ne sont pas encore parvenus à satisfaire les problèmes des populations. Alors que les débats sur les réels dividendes sociaux de la production des mines et des carrières ouvertes dans province enflent, une autre dimension s’est greffée sur le chapelet des griefs formulés par les populations locales : les effets dévastateurs de la pollution. Par l’entremise des ONG et des bureaux-conseils, les communautés affectées ont été formées aux procédures judiciaires à suivre afin de revendiquer et de pouvoir bénéficier de réparation pour les dommages subis.

Après près de vingt mois d’un procès initié en octobre 2012 contre les entreprises chinoises COMILU et CIMCO, 248 cultivateurs de Kapolowe Gare, dans le territoire de Kambove, ont été indemnisés en juin dernier pour des dégâts occasionnés sur leur production vivrière dans les vallées des rivières Kasenshi et Kalunika. Chaque personne concernée a reçu une somme de cinq cents dollars. Ces sociétés avaient été accusées d’avoir déversé, en dépit des cris d’alarme lancés par les habitants et les autorités politico-administratives, des déchets toxiques dans les trois cours d’eau.

Un problème social et environnemental

Dans cette province, ce cas n’est pas du tout isolé. Depuis une décennie, l’exploitation mal contrôlée des carrés miniers, spécialement dans les territoires et agglomérations urbaines du Sud du Katanga, est devenue un véritable problème social et environnemental. Actionnée en mars 2011, entre autres faits judiciaires, la plainte déposée au niveau du tribunal de grande instance de Kipushi contre l’Etat congolais et les entreprises Compagnie minière du Sud du Katanga (CMSK) et GECAMINES, tardait à aboutir à un jugement équitable. L’ONG « Ligue pour la lutte contre la corruption et l’argent sale » et trois fermiers de cette région avaient assigné ces sociétés en justice, car elles vidaient leurs substances toxiques dans la rivière qui la traverse. Cela avait provoqué une destruction des champs, des étangs piscicoles et une forte diminution de la quantité de poisson dans le cours d’eau.

Depuis quelques années, les instances publiques compétentes, locales et nationales, ont été informées de ces différents méfaits. Les ministres en charge des Mines et de l’Environnement ont été interpellés au Parlement pour répondre aux différentes interrogations formulées par les représentants du peuple. Il en est ressorti une concordance de vues sur les menaces qui pèsent sur les populations et l’environnement. Mais, des dispositions concrètes pouvant mettre fin à cette catastrophe, n’ont pas été prises.

Une catastrophe à l’assaut des villes

Le danger a même atteint les villes de la province, comme Lubumbashi, Kolwezi et Likasi. En mars 2012 à Lubumbashi, les habitants du quartier Kabetsha, situé dans la commune de Kampemba, ont dénoncé, auprès des autorités municipales, un déchargement suspect d’un camion-citerne d’une entreprise bien connue dans la ville. Les services compétents ont promis de diligenter une enquête à ce propos, mais ses résultats ne sont pas encore rendus publics. Par ailleurs, une étude menée en juin 2012 par un chercheur local, le docteur Kabila Ilunga, qui à l’époque prestait au ministère provincial de la Santé, a démontré que « les entreprises minières installées au Katanga sont responsables de la plupart des malformations congénitales à cause de la pollution environnementale provoquée par leurs déchets. » Sur un échantillonnage de 146 cas, enregistrés entre 2005 et 2009, « 40 % concernent le cœur, 15 % les membres, 10 % le système digestif, et, le reste, diverses infections.»

Le même désarroi se manifeste dans le chef des habitants de Likasi. En octobre 2013, l’ONG Umoja avait dénoncé des actes répréhensibles de 14 entreprises minières qui ne cessaient de déverser, dans les rivières qui traversent la ville et le territoire de Kambove, des liquides acides, des solides et des fumées toxiques. Cette préoccupation est également contenue dans des rapports des organismes internationaux ayant des représentations dans le pays. Dans son rapport de novembre 2012, le Centre Carter, après avoir commandé des analyses auprès des laboratoires belges, détectait cette pollution de l’eau, du sol et des végétaux, sur des échantillons prélevés dans plusieurs quartiers des villes de la province. Les concentrations en plomb, cadmium et zinc dépassaient largement la normale. Pour sa part, le responsable d’un projet canadien sur les études d’impact environnemental et social au Katanga, Yves Comtois, a souligné, dans un de ses récents rapports, que « les métaux comme le cuivre, le plomb, le mercure et le chrome sont des poisons très violents pour l’homme et pour l’écosystème ».