Kinshasa fête la danse dans ses multiples déclinaisons

La capitale de la RDC a célébré du 23 au 29 avril dernier la cinquième édition du Festival international de la danse « Me Ya Be » (Je vous invite à danser), sous le thème « Égalité des chances pour tous».

Un groupe de danse folklorique à l’œuvre.
Un groupe de danse folklorique à l’œuvre.

Organisé par la compagnie Jacques Bana Yanga, cet événement culturel a réuni durant une semaine plus de quarante danseurs et chorégraphes autour des danses contemporaine et traditionnelle ainsi que du hip hop. Au total, sept pays en plus de la RDC, pays hôte, ont participé à ce festival. Trois sites ont abrité ce jubilé culturel, à savoir le Centre Wallonie Bruxelles, l’Institut français de Kinshasa et le Kwilu bar.

Durant deux jours, du 24 au 25 avril, les planches de la Grande Halle de l’Institut français de Kinshasa ont servi d’infrastructures au festival qui venait de quitter le Centre culturel belge pour des spectacles haut de gamme. Le premier jour, c’est le célèbre groupe Osasé de Bénédicte Shutsha, connu pour ses danses dans les ronds points les plus chauds de Kinshasa, qui ouvre la scène avec le spectacle « Shokokakoma », traduction en dialecte  tetela de « Nous aussi, nous pouvons y arriver.»

Aussitôt annoncées, les percussions alertent les spectateurs. Soudain, cinq danseurs dont deux filles (Bénédicte, leader du groupe et la danseuse Eto, venue de Porto Rico) et trois garçons gagnent la scène sous le jeu des projecteurs. L’équipe est au complet. Sourire aux lèvres, les danseurs se livrent à l’exercice. Ce sont des pas synchronisés par le rythme de la cadence. Leur danse, on aurait dit un mix de ballet traditionnel et de danse contemporaine, auquel s’entremêlent des sauts. Les danseurs enthousiastes et épris de volonté se tortillent à cœur joie à même l’estrade. Durant 25 minutes, le spectacle transporte le public dans les cultures bantoues.

Les sapeurs théâtralisent le discours

Après une courte transition marquée par la projection des diapositives, la soirée se poursuit cette fois avec quelque chose de sensuel, la salsa. La danseuse et chorégraphe Rhina Souleyca de Nicaragua et le groupe Piela Canela d’Amérique latine (venus pour leur première fois à Kinshasa), offrent trois numéros de salsa aux spectateurs. Les lumières de l’estrade se contrastent.

Des coulisses sortent deux danseurs. La complicité du mix instrumental du DJ et des projecteurs va de pair. Péguy Kaleta de la RDC et sa cavalière avancent sur scène au rythme de la mesure. L’harmonie des pas des danseurs emballe l’auditoire qui les suit des yeux de part et d’autre du décor. La danse est ponctuée par des mouvements plaisants suivis de quelques improvisations de va-et-vient. Le  public est émerveillé. Aucun chenal entre le premier et le deuxième numéros. Cinq danseurs rejoignent le podium.

La souplesse de l’animateur suffit pour assurer le changement de musique. C’est une salsa de groupe dont le public profite. Le troisième numéro, plus sensuel et romantique que le premier, reçoit le même duo. Pour une salsa assez osée et improvisée, le couple enrobe une deuxième fois les spectateurs. Ceux-ci ont exprimé leur débordement par des applaudissements. C’était quinze minutes d’instant magique qui s’écoulaient, laissant le public sur sa soif.

La dernière présentation de la soirée est une création de la chorégraphe américaine, Norah Chipaumire. Un mélange  réalisé à l’aide des sapeurs congolais (les membres de la société des ambianceurs et des personnes élégantes), des danseurs indépendants et des danseuses du groupe Viva la Musica. Le soliloque de l’un des sapeurs vantant l’art vestimentaire interpelle le public encore sous le charme de la précédente pièce. Aussitôt fini, l’attention et les acclamations ne se font pas supplier. Pour ajouter du piquant, les sapeurs théâtralisent le discours par une démonstration de la démarche digne de la sape. La mise en scène égaie le public. Et les clameurs se poursuivent. Une danseuse présente la scène. Une mise en place presque dictée se dessine.

Ambiance chaleureuse et festive

D’un côté, les sapeurs, de l’autre les danseurs, au centre les danseuses. Le concours de la technique sollicité, c’est la chanson Somo Trop de l’artiste musicien Papa Wemba qui est lancée. La production avait ceci de particulier que les trois groupes exécutaient différents pas de danse sur un même rythme avec une harmonie scénique imperturbable.

Le public est encore plus nombreux et diversifié qu’au premier jour. C’est une ambiance chaleureuse et festive qui caractérise l’atmosphère. Les festivaliers ancrés dans le bain dès le premier n’attendent pas à la fin de l’annonce du programme pour manifester leur joie à travers des cris et des clameurs. Déjà quelques noms suscitent des applaudissements : Sarai Estremera d’Espagne soutenue par les Européens présents dans le hall et Norah Chipaumire des États-Unis soutenue par les fans conquis la veille.

La fête commence par la restitution des travaux de l’atelier de renforcement des capacités des danseurs animée par les chorégraphes Jacques Bana Yanga et Norah Chipaumire. Dans une présentation inédite, les planches accueillent une nouvelle fois les participants à la formation. Un numéro composé un peu de tout : danse traditionnelle, danse contemporaine, hip- hop,… sur un mix de rumba, de rap et du traditionnel. C’est tout un travail de dix jours de formation en coulisse à travers lequel les artistes ont étalé leur performance pour convaincre le public.

Interrogée sur ses impressions lors de l’atelier, Norah Chipaumire reconnaît que les jeunes artistes congolais ont vraiment du talent en ce qui concerne la danse. Elle ne cache pas ses émotions en déclarant : «  C’est incroyable… c’est comme si vous naissez avec cela dans le sang ». Seulement, elle regrette qu’il n’y ait pas d’écoles de danse au pays pour orienter tous ces jeunes gens.

Ayant obtenu de justesse son visa grâce à l’implication de son ambassade, l’artiste Sarai Estremera a pu se produire au festival. Elle parvient à transporter son public à travers toutes les régions de la culture espagnole.  Son offre, c’est du flamenco et la danse des claquettes.

La tradition remonte à 2011

Par ailleurs, il importe de noter l’absence des chorégraphes Judith Olivia de Madagascar et Daouda Keita du Mali également alignés au Centre français. La raison est qu’ils n’ont pas pu obtenir à temps leurs visas pour se produire sur le sol congolais. Pour combler le déficit,  deux groupes ont assuré le relai à savoir le World Dance et le Ballet Elfia.

La tradition remonte à 2011, lorsque la compagnie Jacques Bana Yanga décide d’organiser pour la première fois, un festival international de danse dénommé « Me Ya Be » tiré du dialecte «Yansi». Traduit en français, cela donne : « Je vous invite à danser ». Le festival a lieu en marge de la Journée internationale de la danse fêtée le 29 avril chaque année.

Depuis, l’événement se donne l’ambition de rassembler autour de la danse des artistes danseurs et chorégraphes venus du monde pour célébrer la paix et l’amitié universelle conformément aux objectifs de cette date. À la seule différence que le festival met un accent particulier sur la formation des jeunes. À cet effet, un atelier de renforcement des capacités est organisé à chaque édition à partir de 2012. L’atelier est animé toutes les fois par un ou deux chorégraphes internationaux. Il permet aux danseurs et chorégraphes de remettre leurs connaissances à niveau et d’améliorer la pratique de leur art. Outre l’atelier, la troisième édition du festival voit naître un concours ‘break dance’. Cette compétition récompense les groupes les plus talentueux.

Pour cette cinquième édition, le festival Me Ya Be se veut être une opportunité offerte à tous ceux qui pratiquent la danse pour faire valoir leurs talents. À en croire les organisateurs, cette édition va accorder une place de choix à la femme.  Qu’elle soit chorégraphe ou danseuse. « Nous croyons que la femme possède les mêmes potentialités que son homologue masculin, dans le domaine de la danse mais elle est souvent sous représentée dans les évènements tel que le nôtre », a-t-on entendu de Jacques Bana Yanga, hôte et maître de cérémonies. Ce qui explique que les artistes femmes soient les principales invitées et les plus représentées de l’édition, contrairement aux éditions précédentes.