Kinshasa : les plantations des légumes toujours présentes le long des artères

La mesure de l’hôtel de ville de Kinshasa visant l’interdiction de toute plantation des légumes le long des artères de la capitale, ne semble pas tomber dans les oreilles des agriculteurs concernés. La récolte et la vente continuent. 

Champs de légumes le long d’une voie principale à Kinshasa. (Radio Okapi)
Champs de légumes le long d’une voie principale à Kinshasa. (Radio Okapi)

Le conseil des ministres du gouvernement provincial de Kinshasa a accordé un moratoire aux maraîchers, pour qu’ils cessent de travailler sur des espaces situés le long des artères afin de permettre la poursuite du programme d’embellissement de la ville. Ce délai, fixé au 31 juillet dernier, a été dépassé sans qu’une action d’envergure ne soit menée sur le terrain. Le ministre provincial de la Santé, Vital Kabuiku, avait rappelé, fin juillet, que cette mesure d’interdiction était également motivée par la mauvaise qualité de ces légumes qui sont, selon lui, polluées par la fumée dégagée par des véhicules.

Quinze jours après l’expiration du moratoire, les agriculteurs et les vendeurs concernés font fi de la décision et continuent de planter et vendre leurs produits. Avant et après l’interdiction, le constat reste inchangé. Sur les deux trottoirs de l’avenue Kasa-Vubu, dans la commune de Bandalungwa, dans le périmètre de la place dite « pépinière », les plantations pullulent. Certains cultivateurs semblent ignorer l’existence de cette mesure, alors que d’autres peinent à accepter la raison avancée par l’autorité provinciale. « Je ne suis pas au courant de cette mesure. Je n’ai pas été interpellé dans ce sens là », indique un agriculteur. Pour un autre, Felly, ses plantations de Limete ont été détruites lors de l’élargissement du boulevard Lumumba. Il ne compte pas revivre la même situation. « Je suis au courant de cette mesure, mais je ne saurais arrêter parce que je n’ai pas d’autres terrains où m’installer pour refaire la plantation. Nos légumes ne sont pas polluées. Nous avons des clients. Ce sont, en majorité, des revendeuses et nous n’avons pas enregistré des plaintes liées à la santé », confirme-t-il.

Dans les plantations de Saïo, dans la commune de Kasa-Vubu, les cultivateurs disent ne pas subir une quelconque pression, par rapport à cette décision. Cela leur permet de poursuivre leur travail. La majorité de personnes concernées par cette interdiction sollicitent, en revanche, une indemnisation ou une délocalisation. Elles disent craindre le sort de celles qui ont été évacuées d’une partie du site pépinière où il a été aménagé une concession devant accueillir de nouveaux logements sociaux. « Nous n’avons pas été contactés au préalable. Il y a deux ans, les autorités communales nous avaient convoqués pour nous dire que l’Etat, propriétaire des terres, avait décidé de récupérer cet espace de pépinière. Ils nous ont demandé d’établir une liste pour indemnisation. Seules, quelques maraîchères ont été indemnisées au niveau de la commune avec 450 dollars à chacun », déclare Marie Bungisa, maraîchère.

Le problème majeur est que le gouvernement n’avait pas pris des mesures d’accompagnement suffisantes, selon certains observateurs. Il est difficile d’évaluer le niveau de pollution des légumes ou la distance à respecter entre les cultures et la voie publique. « Le contrôle du plomb dans les aliments s’inscrit dans les missions des pouvoirs publics de protection de la santé des consommateurs. Je crois que le ministère provincial de la Santé et celui de l’Agriculture devraient avoir un plan de surveillance, pour mesurer le niveau de salubrité de cette denrée alimentaire », explique un ingénieur agronome.

Il y a quelques années, une étude effectuée à l’Université de Kinshasa avait démontré que les légumes plantées, le long de la voie publique, où passent les véhicules, sont contaminées par le plomb que dégagent ces engins. La consommation de ces légumes, ainsi souillés, est à l’origine de plusieurs maladies.

 

INFO BOX

  • Le plomb et le cadmium sont les principaux métaux lourds que l’on peut retrouver dans les cultures alimentaires. 
  • Le gaz que dégagent les véhicules est porteur de plomb qui finit sa course sur les plantes. 
  • En entrant dans le circuit alimentaire, le plomb qui ne se décompose ni s’évapore si vite, va se déposer dans le poumon et les autres parties du corps humain.