La BCC revoit la croissance à la hausse mais la monnaie pique du nez

Le franc continue de dégringoler. Sur le marché parallèle, le taux de référence pour nombre de Congolais, il s’est approché de 1 400 francs le dollar, la semaine dernière. Jusqu’où ira la spirale de l’inflation alors que le gouverneur de la BCC se frotte les mains avec le taux de croissance qui se bonifie ? 

Le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), Deo Gracias Mutombo Mwana Nyembo, a-t-il vraiment raison de se réjouir de l’embellie dans les prévisions de croissance économique de la République démocratique du Congo ? Selon les chiffres avancés par le gouverneur Mutombo, le taux de croissance économique pour 2017 a quasiment doublé au cours du premier trimestre. Initialement prévu à 2,9 % par la BCC, il se situe actuellement à 4,9 %. Et ce ne sont que des prévisions ! Explication : l’embellie est la conséquence de la remontée des cours de principales matières premières sur les marchés mondiaux des métaux. C’est naturellement une bonne nouvelle pour la RDC dont les recettes publiques proviennent à près de 95 % des secteurs minier et pétrolier.

Premier producteur de cuivre d’Afrique, la RDC peut espérer se remettre petit à petit de la crise financière de l’année dernière consécutive à la baisse des cours des matières premières, surtout le cuivre et le pétrole, sur le marché international. Le pays a ainsi perdu une bonne partie de ses recettes domestiques. Dans certains milieux d’affaires de Kinshasa, on estime que le gouverneur de la Banque centrale a tout faux de se réjouir. Au contraire, il devrait tempérer son optimisme en raison de la volatilité des prix. En d’autres termes, le pays n’est pas encore sorti de l’auberge.

En effet, le danger guette toujours, et le sort de l’économie nationale qui manque de résilience aux chocs exogènes, demeure suspendu à la conjoncture internationale. Celle-ci est actuellement défavorable à la plupart des pays dont les recettes publiques dépendent en grande partie des ressources naturelles. C’est ici que le dernier « Rapport de suivi de la situation économique et financière de la RDC » de la Banque mondiale ne manque pas d’intérêt. L’institution financière internationale donne des conseils sous forme de recommandations au gouvernement pour se sortir non seulement de la crise actuelle, mais aussi durablement de la situation de dépendance aux ressources naturelles. Le taux de croissance économique est passé rapidement de 7 % en 2015 à 2,5 % en 2016. À l’échelle de la croissance démographique, le taux de croissance économique est quasiment de 3 %, et est nul (0 %), voire en-deçà, par tête d’habitant.

Diversifier l’économie

La Banque mondiale conseille au gouvernement de « construire la résilience et la crédibilité du cadre macroéconomique à travers un fonds de stabilisation. » Convaincue que la fragilité à long terme des finances publiques est liée à la faible mobilisation des recettes publiques. Selon les analystes de la Banque mondiale sur la situation économique et financière de la RDC, les dépenses publiques effectuées sur ressources intérieures, se situant autour de 13 % du Produit intérieur brut (PIB), sont faibles. Et maintenir ce niveau pourrait avoir un impact négatif sur les fonctions sociales et économiques essentielles du gouvernement. C’est ce que l’on est en train de vivre dans le pays pour le moment. Dans ces conditions, estiment les analystes de la Banque mondiale, la contribution des finances publiques aux objectifs de développement à long terme, notamment dans les secteurs sociaux (éducation et santé) et des infrastructures reste modeste. L’approche soutenue est d’augmenter les dépenses publiques en augmentant les recettes publiques à 25 % ou 30 % du PIB, tout en maintenant les équilibres budgétaires.

Actuellement, la politique budgétaire est orientée vers la consolidation, étant donné que les problèmes des finances publiques sont plus liés à l’insuffisance des recettes plutôt qu’aux dépenses non contrôlées. La conséquence est que la politique monétaire est exposée aux chocs à cause de la dollarisation et les réserves en devises étrangères restent particulièrement faibles et sont vulnérables à l’évolution des prix des matières premières (comme en 2008 et 2009), du fait de la forte dépendance du pays dans l’exportation de matières premières. En effet, un niveau de réserves s’approchant d’un mois d’importations est insuffisant.

Le gouvernement a réagi à la baisse des recettes en 2016 en réduisant le budget de 22 % et en maintenant les dépenses sous contrôle. Toutefois, la pro-cyclicité de cette politique peut aggraver l’impact du choc sur l’économie, et cela dépend essentiellement de la composition des dépenses à réduire. Dans tous les cas de figure, le gouvernement devrait protéger l’investissement public ainsi que les dépenses de santé et d’éducation qui stimulent la croissance et réduisent la pauvreté. Pour cela, il lui faut définir un « programme de dépenses publiques de base » afin d’empêcher l’économie de plonger dans la récession et les indicateurs sociaux de reculer. Comment alors financer ce programme ? Sans doute, le prochain budget de l’État qui doit être déposé au Parlement pendant la présente session parlementaire, donnera plus d’éclairage.

Et la monnaie nationale dans tout ça ? 

L’accélération de la croissance économique prévue pour la RDC n’a pas encore impacté la valeur de la monnaie nationale. L’agence de notation Moody’s avait averti que le pays pourrait être confronté en 2017 à une crise de liquidités liée aux difficultés du pétrole et des autres matières premières et pourrait ainsi être obligé d’opérer une revalorisation de sa monnaie. La perte de la valeur de la monnaie nationale est sujet du jour depuis plus de quatre mois. Ici et là, on entend : « l’argent ne circule pas ». La crise monétaire est bien présente, dans les ménages, au travail et au marché, avec une dépréciation sans arrêt du franc. D’après les chiffres officiels disponibles, la monnaie locale a déjà perdu plus de 30 % de sa valeur depuis 2016 face au dollar. Comme si cela ne suffisait pas, il y a cette affaire de la fausse monnaie concernant les billets de 5 000 FC, 10 000 FC et 20 000 FC.

La dégringolade du franc est lourdement ressentie dans le panier de la ménagère, étant donné que le pays importe presque tous les produits de première nécessité. Sur le marché, les prix des principaux produits (alimentaires, services, carburant…) continuent de flamber. Mais le gouvernement s’emploie à ce que la situation ne vire pas à une crise sociale ouverte. D’autant plus que sur le plan politique, les négociations dans la classe politique en vue d’un nouveau gouvernement de consensus s’enlisent depuis trois mois déjà. La Banque centrale, quant à elle, tente de faire retomber la tension en injectant des dollars sur le marché. Une opération jugée insuffisante par certains analystes économiques. D’après eux, cette pratique ne pourra pas arrêter la dépréciation du franc par rapport au dollar. Explication : les réserves en devises étrangères de la RDC représentent actuellement moins d’un mois d’importations. Par ailleurs, le pays a rarement atteint trois mois ou plus de réserves, le standard internationalement admis. C’est pourquoi, le taux de change va continuer de fluctuer au gré des marchés. Toutefois, il convient de rester optimiste, raison gardée. En effet, les nouvelles prévisions pourraient permettre de remobiliser les partenaires de la RDC et permettre avec la légère montée des prix des matières premières, de faire beaucoup plus d’entrées et renflouer les réserves de l’État. La monnaie reprendra en valeur et la crise pourra se dissiper.