La collaboration entre l’OCC, la DGDA et BIVAC a fait défaut sur l’affaire de la viande contaminée

Kinshasa December 18, 2004 - View of the port at Matadi, the main port on the Congo River. ©COSMOS / Jean-Michel Clajot

Le ministre du Commerce extérieur, Aimé Boji Sangara Banamyirwe, a diligenté depuis le 11 janvier une enquête sur l’affaire de la viande de porc contenant des substances toxiques dont une cargaison a été déchargée au port de Matadi. Le ministre a promis des sanctions, s’il le faut, contretous ceux qui ont failli à leurs responsabilités. Alors que les limiers du ministère du Commerce extérieur n’en sont encore qu’aux préliminaires de leurs investigations, dans l’opinion, toutes les critiques sont dirigées vers l’Office congolais de contrôle (OCC), longtemps soupçonné de fermer l’œil devant les importations des vivres sujets à caution. L’Office congolais de contrôle dispose à ce jour de 24 laboratoires modernes et se défend de toute passivité à la frontière, même si, sur décision du gouvernement, il n’a plus le droit de percevoir le moindre franc pour le service de contrôle de qualité qu’il rend aux importateurs.

Une enquête est en cours pour déterminer les responsabilités dans l’affaire de la cargaison qui a transité par la Belgique avant de débarquer au port de Matadi. Des sanctions sont attendues

En novembre 2016, le gouvernement a décaissé 45 millions de dollars au profit des importateurs de surgelés en vue des festivités de Nouvel An 2017. L’alerte sur la cargaison de viande de porc contaminée vers l’Afrique centrale a été lancé le 11 novembre 2016 par les services de santé publique de l’Union Européenne (UE). Mais selon les premières enquêtes de Business & Finances, les autorités congolaises ont réagi pratiquement en retard. C’est le 12 décembre que l’affaire a suscité les premières réactions plutôt officieuses des services douaniers, sans doute étouffées par le borborygme politique lié à la date du 19 décembre, marquant la fin du mandat, selon la constitution, du chef de l’État, Joseph Kabila.

Réactions tardives 

Il a fallu attendre le 30 décembre 2016 pour que le tout nouveau gouvernement Badibanga, à travers le ministère du Commerce extérieur, annonça officiellement la décision « interdisant l’importation et la commercialisation de la viande de porc en provenance de la Belgique ». Le service de douane a rappellé à son tour les importateurs à respecter scrupuleusement la décision du gouvernement. Dans une note de service rendue publique, le 3 janvier 2017, le directeur général adjoint de la Direction générale de douanes et accises (DGDA), Nkongolo Kabila Mutshi, a demandé aux directeurs centraux et provinciaux d’en « assurer une stricte application ». Il est aussi vrai que certains cadres ont accusé, sans y apporter des preuves irréfragables, cependant, la DGDA de court-circuiter l’Office congolais de contrôle dans le dédouanement de certaines marchandises. Et pourtant, les deux services ont une interface commune pour toute opération avant l’embarquement de toute cargaison d’une valeur de 2 500 dollars à destination de la RDC.

Il s’agit de Bureau Veritas, Bivac BV, qui a été préféré, du temps de la transition politique 1+4, à la Société générale de surveillance (SGS), une firme suisse qui était en partenariat avec la RDC, du temps du Congo-Belge en 1949. Mais, selon des sources bien renseignées, le contrat d’assistance qui liait l’OCC et la DGDA à l’opérateur français avait dû expirer en 2015. En témoigne l’appel d’offre lancé, à travers l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) par l’Office congolais de contrôle, le marché de vérification avant embarquement des importations en République démocratique du Congo en février 2016. Plusieurs candidats ont naturellement soumissionné et l’ouverture des plis des propositions financières s’est déroulée le 16 août 2016. Ce n’est que le 18 octobre 2016, soit 3 semaines avant l’alerte lancée par l’Union Européenne sur la viande de porc contaminée  que la directrice générale de l’OCC, Bernadette Muongo wa Nabahasha, a, en sa qualité de responsable des marchés, attribué au Bureau Veritas Bivac BV, le marché de contrôle des importations en destination de la RDC avant embarquement. Et ce, à titre provisoire. Voilà, sans doute, pourquoi la firme française est restée loin de la polémique sur la viande de porc contaminée. Il va sans dire que si la cargaison dont question était destinée à la RDC, son contrôle avant embarquement aurait donc été hypothétique. En tout cas sujet à caution.

Conscience professionnelle 

L’Office congolais de contrôle se défend de toute négligence dans le traitement des produits impropres à la consommation. L’établissement public se félicite, bien au contraire, de l’esprit d’abnégation de ses agents, qui, malgré dix mois d’arriérés des salaires, dit-on, se montrent cependant intraitables vis-à-vis de la corruption et de tout acte susceptible de porter atteinte à la santé publique. Selon l’intersyndicale de l‘OCC, les agents ont d’ailleurs accepté d’arrêter le mouvement de grève sans avoir perçu le 13ème mois, ainsi que d’autres avantages reconnus dans la convention collective. Alors que l’affaire des 21 millions de dollars qu’aurait décaissé l’ancien directeur général, Hassan Yengula, à la banque BGFI s’est enlisée en justice, son prédécesseur, Albert Kasongo, lui aussi défenestré, a été reproché, entre autres, de tenir 360 comptes occultes.

Ici , l’on rappelle que ces derniers mois, des produits saisis, notamment ce container frigorifique rempli de poissons communément appelés « Makwala », de friandises (biscuits et bonbons) et de mazout, ont été analysés dans les laboratoires de l’OCC et ont été déclarés impropres à la consommation et incinérés, sinon refoulés à la frontière. Au port sec de Lufu, l’OCC s’est bâtie la réputation d’intraitable. Et pourtant, de petites bouteilles de liqueur à forte teneur en alcool passent à travers les mailles des filets de l’OCC en dépit des arrêtés interministériels 004/CAB/MIN-ECO/2007 et 001/CAB/MIN/IND/2007 du 12 avril 2007 portant interdiction du commerce d’alcools, eaux, eaux de vie et liqueurs conditionnés dans les sachets, ainsi que de ceux 001/CAB/MIN/IPME/2012, 003/CAB/MIN/ECO et COM/2012 portant interdiction de fabrication, d’importation et de commercialisation et des emballages non biodégradables, précise-t-on. Ces arrêtés ont été renforcés en date du 15 février 2013 par le communiqué officiel du ministre de l’Industrie, des Petites et moyennes entreprises soulignant que, hormis les produits pharmaceutiques, la vente en sachets des produits tels que les fruits et divers légumes, l’eau, les liqueurs et autres, est strictement prohibée sur toute l’étendue du territoire nationale.

Comités miroirs nationaux ISO

Par ailleurs, l’OCC, en collaboration avec le COMESA, à travers le projet de mise en œuvre de l’intégration régionale, a procédé le 21 décembre 2015 à la création et au lancement des comités miroirs nationaux ISO en RDC. Ce sont en fait une plateforme correspondant sur le plan national à un comité technique de l’Organisation internationale de normalisation. Ces comités miroirs visent à télécharger des projets des normes ISO selon les secteurs d’activités, à les examiner afin de bâtir un consensus national qui sera communiqué lors des volets y relatifs. La conception des projets des normes du pays seront ensuite soumis aux Comités techniques correspondants à l’ISO pour en faire des normes internationales et la promotion de la mise en œuvre du plan national des normes internationales. Ces comités miroirs nationaux sont les reflets des comités techniques des organismes internationaux de normalisation qui sont des cadres de réflexion et de proposition des solutions aux problèmes qui se posent dans tous les secteurs de la vie nationale. Les travaux de ces comités miroirs sont ouverts à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Ils sont un moyen de participer efficacement à la normalisation nationale et à la contribution dans la réglementation technique de notre pays. Il s’agit de l’OCC/ISOTC 28 relatif aux produits pétroliers et lubrifiants, de l’OCC/ISO TC 44 relatif aux sondages et techniques connexes, l’OCC/ISO PC 277 relatif aux achats responsables, l’OCC/ISO TC 218 relatif au bois, l’OCC/ISO TC 122 relatif aux emballages, l’OCCC/ISO TC 147 relatif à la qualité d’eau, le TC 176 relatif au management assurance de la qualité et l’ OCC/ISO TC 217 relatif aux produits cosmétiques, au tourisme et aux services connexes, management environnement, ainsi qu’aux plastiques, management de l’énergie, à l’évaluation de la conformité et à la médicine chinoise traditionnelle africaine.