La DGRAD déplore les maquillages des chiffres des services d’assiette

Pour relever le défi de l’atteinte des assignations de 2018, les directeurs et les experts de cette régie financière, réunis à Kinshasa, mi-mars, sollicitent l’appui de la tutelle afin de mieux recouvrer les recettes dans les secteurs des mines, des hydrocarbures, de l’environnement et des PT-NTIC. 

 

Les assignations de 2018 de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation (DGRAD) sont de 1 257 097 892 184 FC dont 163 606 510 426 FC attendus des pétroliers producteurs. Pour y parvenir, la régie financière a résolu non seulement de se doter d’un document des stratégies de mobilisation des recettes non fiscales mais aussi d’organiser des sessions de formation de ses agents afin de les rendre plus compétitifs particulièrement dans les secteurs des mines, des hydrocarbures, de l’environnement et des PT-NTIC.

Ces secteurs, services d’assiette, constituent, en effet, les plus gros contributeurs de recettes parafiscales. Mais l’encadrement de leurs recettes échappent bien souvent à la DGRAD et l’empêche, par conséquent, d’atteindre ses assignations. En 2015, la régie financière n’avait réalisé que 76,7 % de ses assignations et 42,2 % pour les recettes des pétroliers producteurs. En 2016, les recettes de la DGRAD ont régressé au point que le taux de réalisation n’a été que de 70,4 %. En 2017, la régie financière a réalisé un taux de 77,2 % des recettes.

Vade mecum

Dans sa restitution  des recommandations issue de la conférence des directeurs généraux et provinciaux élargie aux experts, la directrice générale de la DGRAD, Maguy Sambi Kikutwe, a notamment sollicité du gouvernement la suppression des édits provinciaux en matière d’encadrement recettes non fiscales. Réponse : le vice-ministre aux Finances, Jean-François Mukuna Kapuya, a invité la DGRAD à élaborer un plan de mise en œuvre de recommandations formulées, assorties d’un chronogramme, lesquelles seront soumises à l’attention du gouvernement.

Concernant le secteur minier, des experts relèvent que la DGRAD et le ministère des Mines ne disposent pas de mêmes nombre et nature d’actes générateurs de recettes. La redevance annuelle pour les entités de traitement et/ou transformation de toutes catégories et tailleries, plus d’un demi-milliard de francs (510 585 000 FC) perçu en 2017 par le ministère des Mines à l’insu de la DGRAD. Et les prévisions pour l’exercice 2018 s’élèvent à 1 414 292 640 FC selon le ministère des Mines. Curieusement, la DGRAD qui est un service de recouvrement et le ministère du Budget n’alignent pas dans leurs livres cet acte générateur de recettes si important.

Par ailleurs, l’on note également un chapelet d’actes générateurs de recettes sans prévisions mais dont le ministère des Mines perçoit de l’argent. Il s’agit notamment de la taxe sur l’autorisation d’achat des substances minérales autres que l’or et le diamant, en 2015 et 2016, pas de prévision, mais une réalisation de l’ordre de 6 448 130 pour 2015 et 5 322 928 pour 2016, et aucune prévision pour 2017. La taxe sur l’autorisation d’achat des cassitérites n’est pas activée. La vente des produits non marchands de CEEC : carence des prévisions en dépit des réalisations 339 121 888  en 2015 ; carence des prévisions en 2016 pour une réalisation de 279 944 967; pas de prévision en 2017. La  vente des produits non marchands de SAESSCAM (service en charge de la petite mine): carence des prévisions en dépit des réalisations 84 131 330 FC en 2015 ; carence des prévisions en 2016 pour une réalisation de 69 450 375 FC; pas de prévision en 2017.

Nouvelles bases de calcul 

Dans le domaine des hydrocarbures, les recettes encadrées par la DGRAD ont considérablement périclité depuis 2015, passant d’un taux de réalisation de 106 % en 2015 à 55 % en 2016. Avis d’expert : les bases sur lesquelles sont calculées les recettes des pétroliers producteurs sont sujettes à caution si bien que la RDC ne peut pas espérer gagner gros en dépit de la hausse de la production du brut. L’État compte en effet sur « le principe de sincérité » convenu avec les pétroliers producteurs. D’autant plus qu’aucun représentant de l’État, à quel que titre que ce soit, n’a accès aux puits d’extraction du brut. La RDC a exigé en 2017 que, dans les calculs des revenus pétroliers de l’État,  soient notamment pris en  compte, la production journalière projetée (22 500 barils), le cours moyen  de 56,7 dollars, la décote de 3 dollars le baril, le niveau des charges déductibles de 40 % ainsi que le régime fiscal par convention pétrolière.

Autre décision : l’intensification du recouvrement de la taxe rémunératoire annuelle, d’implantation et de pollution auprès des pétroliers producteurs. Hélas, l’État n’a même pas prévu des recettes de bonus de production dans le budget. Comme en  2017. Déjà en 2015, le Trésor public n’avait rien perçu alors que plus de 2.3 milliards de FC avaient été prévus dans le cadre de bonus de production. En 2016, aucun franc n’a été versé par les pétroliers producteurs alors que les prévisions budgétaires étaient de l’ordre de 2.4 milliards de FC.

Affaire Vodacom 

Dans le secteur des PT&NTIC, la DGRAD sollicite le concours du ministère des Finances pour recouvrer quelque 65 millions de dollars dus au Trésor, volatilisés lors du renouvellement de la licence de Vodacom. D’après une note d’information signée de Maguy Sambi Kikutwe, le processus de renouvellement de la licence d’exploitation de Vodacom en RDC a été émaillé d’un scandale de corruption qui a fait perdre au Trésor public congolais un montant de 65 millions de dollars, soit environ 34,8 milliards de FCFA. Un scandale impliquant l’Autorité de régulation des postes et des télécommunications (ARPTC) et l’ancien vice-1ER Ministre, ministre des PT-NTIC, Thomas Luhaka Lossendjola, actuellement ministre des Infrastructures, des Travaux publics et de la Reconstruction (ITPR).

« Profitant de sa demande d’attribution de spectre de fréquences additionnelles GSM, la société Vodacom a obtenu, outre lesdites fréquences, la prolongation de façon irrégulière de la durée de sa licence de concession à travers l’avenant à la licence de concession, signé par le vice-1ER Ministre, ministre des PT-NTIC… Le montant de 16 250 000 dollars, payé par la société Vodacom Congo SA au Trésor public, couvre uniquement les droits dus à l’octroi des fréquences additionnelles… maintenir cet avenant en l’état ferait perdre à l’État congolais 65 millions de dollars pendant cette période où le gouvernement de la République cherche les moyens conséquents pour notamment organiser les élections », révèle la note de la DGRAD.

Le problème va se poser lorsqu’en date du 15 septembre 2015, le directeur général de Vodacom, Murielle Lorilloux, écrit à l’ARPTC pour solliciter la modification de la licence GSM. « Au regard de l’échéance imminente du délai de validité de ladite licence (Ndlr, 2 janvier 2018), nous vous serions gré de nous faire connaître, par courrier, les conditions financières et techniques y afférentes », précisera-t-elle. En effet, fait remarquer la directrice de la DGRAD en évoquant l’article 36 de la licence de concession de service public des télécommunications accordée à Vodacom, cette société ne pouvait renouveler sa licence qu’après la survenance du terme, soit le 2 janvier 2018. « La sollicitation du renouvellement de la licence faite avant la survenance du terme initial viole les prescrits de cette disposition », écrit Maguy Sambi dans sa note au ministre des Finances, Henri Yav Mulang.

Dans le secteur de l’environnement, l’État aurait dû gagner gros. Hélas. La DGRAD  dénonce  les exonérations accordées par le gouvernement à certaines installations dont Perenco, Banro et Cidi. La régie déplore aussi le manque d’équipements de travail appropriés et du réseau informatisé du système de gestion des recettes ou encore l’interdiction d’accès à certaines concessions (installation classés) à laquelle se butent des enquêteurs ainsi que le trafic d’influence qui permet aux propriétaires desdites concessions d’échapper à leurs obligations d’assujettis.

La DGRAD exige la tenue des missions mixtes DGRAD-ministère de l’Environnement pour contrôler les fiches déclaratives et les preuves de paiements des droits dus au Trésor public, des taxes d’implantation (TI), la taxe rémunératoire annuelle (TRA) et la taxe de pollution sur l’ensemble du territoire national. En 2015, les recettes de l’Environnement encadrées par la DGRAD n’ont été qu’à 22,5 % de leurs assignations, soit 9.4 milliards de FC sur 41.9 milliards de FC attendus. En 2016, le secteur n’a rapporté que 53 % des recettes escomptées, soit sur 26.5 milliards de FC, et en 2017, le taux de réalisation des recettes du secteur de l’Environnement n’a été que de 15 %.