La FEC est vent debout et réclame des mesures d’application concertées

Plus que 7 mois avant l’exécution de la nouvelle loi. Le patronat qui n’a pas été associé à son élaboration, veut cette fois-ci participer à la prise des actions de sa mise en œuvre.

À en croire les opérateurs économiques, la loi n°17/001 du 8 février 2017 sur la sous-traitance comporte plusieurs contradictions qui la rendent complexe. Elle constitue même un « danger » pour certains d’entre eux, qui redoutent d’en être exclus. La loi qui a été votée en février, mais entrée en vigueur au mois de mars, fixe les règles applicables à la sous-traitance. Avant l’adoption de la loi du 8 février, la matière de sous-traitance était réglementée par un arrêté ministériel de 2013 portant uniquement sur le secteur minier. Un délai de 12 mois a été donné aux entreprises exerçant dans ce secteur pour achever les contrats en cours avant sa mise en application (mars 2018) de la nouvelle législation sur la sous-traitance en République démocratique du Congo.

En promulguant la loi, le président de la République, Joseph Kabila Kabange, a répondu à une attente de la Fédération des entreprises du Congo (FEC). En effet, le patronat s’inquiétait de l’afflux de sous-traitants étrangers qui ne laissent pas d’espace aux entrepreneurs et aux petites et moyennes entreprises congolaises. C’est même une évolution significative, se réjouit-on à la FEC. Même si le patronat regrette de ne pas avoir été consulté lors de l’élaboration de la loi ou au débat quant à son adoption. La FEC rappelle que son rôle n’est pas de contester systématiquement les décisions du gouvernement. Au contraire, explique le président du patronat, Albert Yuma Mulimbi, c’est même un devoir pour la FEC de les accompagner en amont afin de leur donner la chance de réussite sur le terrain. D’ailleurs, à propos de la loi fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé, bien des opérateurs économiques estiment qu’elle vient donner corps à la vision du président de la République sur le rôle que devrait jouer le Congolais en tant qu’acteur économique actif dans son pays, en vue de l’éclosion, à brève échéance, d’une classe moyenne nationale en République démocratique du Congo et de la promotion d’une croissance économique véritablement inclusive et créatrice d’emplois. »

L’article 6 de la loi du 8 février fixe les conditions auxquelles une entreprise peut accéder à un marché de sous-traitance. Les capitaux doivent être congolais, les organes de direction doivent être animés par des Congolais et le siège social doit être établi sur le territoire congolais. En cas d’indisponibilité ou d’inaccessibilité d’expertise dûment prouvée dans le secteur d’activité visé, l’entrepreneur peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité visée ne dépasse pas six mois. À défaut, elle crée une société de droit congolais. La violation de ces dispositions expose non seulement à des peines et amendes, mais aussi à la fermeture momentanée de l’entreprise ou à la suspension de l’entrepreneur principal.

Selon des observateurs, l’application stricto sensu de la loi est en contradiction avec la constitution, qui prône la liberté d’entreprendre (article 6, alinéa 1er) Selon des observateurs, la loi est en contradiction avec le préambule de la constitution qui prône la liberté d’entreprendre en RDC, qu’on soit Congolais ou étranger.

D’autres soulignent que la nouvelle législation met la RDC en porte à faux avec plusieurs organisations régionales à caractère économique, notamment l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), le Marché commun des États de l’Afrique de l’Est (COMESA), la communauté de développement des États de l’Afrique australe (SADC), la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)… Le débat se trouve donc relancé.

Dissiper les zones d’ombre

La loi s’accompagne toujours des mesures d’application. À quelque sept mois de l’entrée en exécution de la loi sur la sous-traitance, les mesures d’application ne sont pas encore prises par le gouvernement. C’est pourquoi, la FEC met la pression sur ce dernier pour la mise en place d’une commission tripartite chargée de proposer justement les mesures d’application de la loi n°17/001. Depuis que le président de la FEC a écrit au Premier ministre (Samy Badibanga Ntita, à l’époque), le 4 avril, il n’y a pas, apparemment, de suite à cette correspondance dont une copié a été réservée au Président de la République. Dans sa lettre au Premier ministre, le président de la FEC rassure que le patronat a favorablement accueilli la promulgation par le président de la République de la loi sur la sous-traitance dans le secteur privé. Et qu’elle réaffirme son soutien à sa mise en œuvre pour « l’émergence d’une classe moyenne congolaise ».

Cependant, le patronat a décelé, après analyse, « certaines zones d’ombre » qui nécessitent la prise urgente de mesures d’application pour sa meilleure exécution. C’est ainsi que la FEC souhaite vivement que le gouvernement installe rapidement une commission tripartite, composée d’experts de la présidence de la République, du gouvernement et du secteur privé. La mission de cette commission est de proposer dans un délai relativement court les mesures d’application de ladite loi afin de rendre son application « plus efficiente ».

En guise de zones d’ombre, la FEC en a relevé quatre des principales : le manque de clarté de certains termes et concepts utilisés. Par exemple, que faut-il entendre par entreprise, société, entreprenant, entreprise à capitaux congolais promue par des Congolais… ; l’absence de mesures incitatives sur le plan fiscal et douanier ; la difficulté d’application de la loi au regard de l’exercice de la sous-traitance par l’entreprenant ; le risque de conflit entre cette loi et d’autres lois promulguées antérieurement, régissant certaines professions. Alors, ces lacunes dans la loi ont fait l’objet de plusieurs réunions techniques à la FEC, notamment au sein de la commission juridique que dirige Upio Kakura (Gécamines). Face à l’urgence du temps, étant donné que la loi va entrer en application dans quelque 6 mois, la FEC veut garder l’initiative de la convocation de la tripartite, censée apporter la clarté et la précision pour une meilleure application de la loi.

C’est ainsi que la commission juridique de la FEC s’est encore réunie, le 11 août, pour préparer une mouture des mesures d’application à soumettre à l’appréciation de la tripartite. La FEC pousse de sorte que cette tripartite soit convoquée urgemment, vu le temps qui reste avant l’entrée en application de la loi. La clarification est une nécessité d’évidence pour éviter des conflits dans l’interprétation de la loi.