La friperie occupe le terrain

Suite à la fermeture de la plupart des usines textiles du pays, le commerce de seconde main devient la norme de vêtements.  

Parce que l’industrie textile congolaise est en perte de vitesse depuis belle lurette, les consommateurs se sont rabattus sur la friperie importée. Ce marché est en pleine expansion à travers le pays.  Lucratifs pour les vendeurs, utiles pour les acheteurs, les vêtements d’occasion sont devenus le premier choix pour beaucoup de Congolais selon plusieurs observateurs.

« Je vendais les tissus fabriqués par Sintexkin dans un magasin au centre-ville. Mais, lorsque l’usine a fermé ses portes, j’ai découvert la friperie. Depuis une dizaine d’années, je ne vends que cela»affirme une fripière au marché Gambela. La plupart des analystes estiment que l’industrie textile est à la dérive à cause des crises à multiples qu’aconnues le pays durant les trente dernières années. Baisse de la production du coton et du pouvoir d’achat, perte des marchésaprès les pillages de 1991 et de 1993… Autant de raisons qui ont mis les usines textiles à genoux. Il n’en reste que trois aujourd’hui : Utexafrica à Kinshasa, Sotexki à Kisangani et Sintexkin à Lubumbashi. Mais, la production de ces unités est de loin faible par rapport au flux des produits importés. Les effets se font ressentir dans les ateliers de couture. « Elles marquent les pas et ne font des grandes recettes que lors de certains événements mais à intervalle irrégulier : rentrée scolaire, mariages, cérémonies funéraires, etc.  A l’inverse, les habits de seconde main  sont prisés  du fait de leur quantité, qualité disponibilité et de leur prix ». La Chine, l’Inde, la Côte d’Ivoire, le Ghana et les Pays-Bas se sont taillé la part du lion dans ce secteur.

Provenance et prix des ballots

Les ballots, vulgairement appelés à Kinshasa «ballons», proviennent essentiellement des pays industrialisés. Certaines friperies viennent des organismes caritatifs, grâce aux dons des particuliers. La collecte, le tri, les éventuelles réparations et la mise en vente des vêtements peuvent être assurés par une entreprise de réinsertion sociale. D’autres fonctionnent sur le principe du dépôt-vente : les vêtements sont apportés par des particuliers et la friperie leur tient lieu d’intermédiaire commercial. Enfin, certains achètent les vêtements, généralement au poids, lors des déstockages d’usines ou de magasins traditionnels : faillites, fins de série, soldes invendus, etc. « Il y a aussi des habits usés par des tiers qui les déposent dans des foyers sociaux pour aider les nécessiteux », indique un grossiste d’un grand magasin situé à Limete. C’est le quartier général avec une cinquantaine de dépôts de ballots éparpillés sur la rocade du boulevard Lumumba. Une concurrence rude y règne car chaque maison cherche à convaincre et à séduire les clients. Le prix initial d’un ballot est de 400 dollars. Cependant, les prix varient selon le contenu de chaque ballot. Celui des ceintures n’a pas le même prix que celui des chaussures ou des chemises. Raison pour laquelle on peut trouver des ballots à 70 dollars, 100 dollars, à 250 ou 300 dollars voire 500 dollars.

Habits pour toutes les bourses

À la « cité » comme au centre-ville, les habits de seconde main sont achetés par la majorité de la population. Selon un vendeur du marché de Bandalungwa, il y a même des articles qui s’écoulent à 500 franc congolais, de quoi satisfaire les moins nantis. Chaque vendeur a sa propre technique de vente. Blandine M. s’est spécialisée dans la vente des habits pour enfants. En cette saison sèche, il faut du flair et du goût pour faire des bénéfices. « Ici, le ballot coûte cher. Raison pour laquelle je fais du porte-à-porte pour déposer les habits auprès de parents. Après un minutieux calcul fait au préalable, j’arrive à faire des bénéfices avant même l’épuisement du stock », affirme-t-elle. A l’IFASIC, Nsimba est le roi de la vente des chemises à des étudiants. Il explique sa démarche : « les vêtements  que je vends sont de bonne qualité mais à un coût raisonnable. Vu que les étudiants ne sont pas boursiers, trop de dépenses seraient ruineux. Avec 20 dollars, ils peuvent s’acheter cinq à sept chemises alors qu’avec le même montant, il leur est difficile de se trouver deux chemises en wax de bonne qualité. Sans parler des frais de couture. Bref, un casse-tête. Même dans certains quartiers résidentiels, ce commerce prospère. « Le prêt-à-porter ou le sur-mesure coûtent parfois cher. Donc mieux vaut saisir une opportunité qui se présente devant soi» dit un habitant de Binza Pigeon. Il n’y a pas de taxe à payer mise à part la patente. « Nous déplorons souvent les tracasseries des policiers qui nous rançonnent à chaque passage » s’indigne une vendeuse de draps. A la fin de l’année 2013, un projet nommé Human People to People HPP  a ouvert plusieurs magasins aux quatre coins de Kinshasa afin de permettre à la population de s’habiller moins cher.