La générosité des migrants envers la mère patrie

En 2014, les émigrés ont augmenté le volume de leurs envois de fonds vers leurs pays d’origine. A tel point que ces sommes sont aujourd’hui trois fois plus importantes que le total de l’aide publique au développement dans le monde. Parmi les gros bénéficiaires, figurent l’Inde et la Chine. L’Afrique n’est pas en reste.

Des clients dans une agence de transfert d’argent.
Des clients dans une agence de transfert d’argent.

L’argent envoyé par des migrants à leurs pays d’origine a davantage augmenté en 2014, comparativement à 2013. «Les envois de fonds officiellement comptabilisés» vers les pays en développement devraient atteindre 435 milliards de dollars cette année, soit une hausse de 5 % par rapport à 2013, d’après la note d’information de la Banque mondiale sur les migrations et le développement. Une progression supérieure à la hausse de 3,4 % enregistrée en 2013, et qui s’explique notamment par l’essor des flux à destination de l’Asie et de l’Amérique latine. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ces envois de fonds ne devraient connaître qu’une croissance modérée, soit 2,9 % en 2014, pour atteindre 51 milliards de dollars, et augmenter de 4 %, en 2015 pour s’élever à 53 milliards de dollars. Une «dépression» liée à «la crise économique persistante et aux taux de chômage élevés en Europe», estime la Banque mondiale. Cette situation n’affecte pas l’ensemble du continent, car les transferts vers l’Afrique subsaharienne devraient eux atteindre 33 milliards de dollars cette année (+3,2 %) et 34 milliards de dollars en 2015 (+5 %). En tête du classement des pays émergents bénéficiaires de ces fonds se hissent l’Inde et la Chine. Deux pays asiatiques, qui occupent de loin les premiers rangs des pays destinataires des fonds, avec un volume estimé respectivement à 71 et 64 milliards de dollars en 2014. Les plus gros bénéficiaires, en Afrique, sont le Nigeria (21 milliards de dollars), l’Égypte (18 milliards), le Maroc (6,8 milliards), la Tunisie (2,4 milliards), l’Algérie (2,1 milliards), le Sénégal (1,7 milliard), le Kenya (1,5 milliard), l’Afrique du Sud et l’Ouganda (1 milliard), le Mali (800 millions). Ces envois que les Anglo-Saxons appellent « remittances » ne sont comptabilisés que si les émigrés utilisent des canaux officiels pour le faire. Selon la Banque mondiale, le volume de ces transferts est trois fois plus important que le total de l’aide publique au développement dans le monde. De même, si l’on excepte la Chine, les « remittances » des émigrés dépassent sensiblement l’ensemble des investissements étrangers dans les pays en développement.

Hausse du PIB des pays d’origine   

Il y a une autre façon de mesurer l’importance de ces fonds dans les économies nationales des pays bénéficiaires. C’est de les rapporter au Produit intérieur brut (PIB) ou à la richesse annuelle de tous les pays en développement. Selon cette institution de Bretton Woods, les remises de fonds des migrants représentent 42 % du PIB du Tadjikistan, 32 % pour le Kirghizistan, 29 % pour le Népal et 25 % pour la Moldavie… Autre constat : ces fonds sont, en général, beaucoup plus stables que les flux financiers internationaux privés ou publics. Pourtant, ces populations sont parfois très dépendantes de la conjoncture des pays où elles se sont établies. Ainsi, l’étude de la Banque mondiale a-t-elle établi une stricte corrélation entre les « remittances » des Mexicains et la bonne santé du secteur de la construction aux états-Unis, dont ils forment une partie significative de la main d’œuvre. De même, la flambée du chômage en Espagne a contribué à tarir les envois de fonds en Amérique latine. Du côté asiatique, « l’Inde et les Philippines tirent profit de la grande diversité géographique de leurs émigrés, ce qui leur permet de se protéger des chocs régionaux », souligne Kaushik Basu, chef économiste à la Banque mondiale.

Les voies de la clandestinité    

Si les « remittances » jouent un rôle international de plus en plus prononcé dans le financement des pays en développement, ces mouvements de fonds se heurtent à toute une série de difficultés non négligeables. La première touche aux coûts des transmissions. D’après le calcul de la Banque mondiale, les transmissions ont coûté en moyenne 7,9 % des sommes envoyées au troisième trimestre 2014, ce qui constitue néanmoins un progrès par rapport aux 8,9 % de l’année précédente. Les fluctuations des taux de change, les réglementations anti-blanchiment d’argent, ou encore les contrôles des changes sont autant d’obstacles qui conduisent parfois les « remittances » à prendre les voies de la clandestinité.