La justice congolaise manque des moyens financiers pour déplacer les magistrats affectés

Pauvre, c’est la figure que présente la justice congolaise devant le monde entier. Une justice qui n’arrive pas à trouver des fonds pour assurer le déplacement de ses magistrats jusqu’à leurs lieux de travail. Minée par la corruption, l’appareil judiciaire congolaise connaît un dysfonctionnement de sorte qu’en République démocratique du Congo, organiser un procès est une série de cascade où avocats, magistrats bricolent pour arriver à rendre justice à la population. Nombreux sont ceux qui croupissent dans des prisons pour attendre à l’éternité un procès qui n’arrivera qu’après la mort car la RDC n’a pas le moyen de sa justice.

Plusieurs tribunaux de paix récemment créés dans le district de la Tshopo en Province Orientale ne sont même pas opérationnels faute de magistrats. La société civile d’Isangi l’a déploré dimanche 23 mars à l’issue d’une réunion sur le traitement des affaires civiles par certains officiers de police judiciaire (OPJ). Effectivement, les magistrats des tribunaux de paix de sept territoires de ce district sont déjà nommés mais la plupart n’ont pas encore rejoint leurs postes faute de moyens financiers. C’est ainsi que certains officiers de police judiciaire continuent de traiter les affaires civiles et plusieurs dossiers de conflits fonciers restent en suspens. Le président de la Société civile d’Isangi parle des pseudojugements et de paiements des frais illégaux pour des dossiers civils souvent liés aux divorces, aux conflits de forêts et autres. « Plusieurs conflits mettent en mal la cohabitation entre communautés suite à l’absence d’un jugement sérieux», s’est plaint-il.

Avant avec l’ancienne loi sur l’organisation et compétences judiciaires, le juge pouvait siéger seul en matières civiles au Tribunal de Grande Instance mais avec la nouvelle loi, nous devons siéger avec une composition collégiale, trois juges ; ceci aussi bien pour les matières civiles que pour les matières pénales
Jean Claude Mate Mombere, Juge TGI Tanganyika

Au Katanga, Les magistrats affectés dans certains coins de la province du Katanga sont privés des moyens pour se rendre dans leurs lieux d’affectation. C’est une déclaration du 1er président du Tribunal de grande instance (TGI) de Lubumbashi, Jean-Pierre Carwangasha Kabwenga en réaction des plaintes émises par le collectif des députés du territoire de Kabongo. Ce dernier a affirmé avoir déjà demandé à sa hiérarchie de commissionner des juges de Lubumbashi et des les affecter comme juge au tribunal de grande instance rappelant que plusieurs personnes attendent encore d’être jugés.

Il y a une année, le Tribunal du de Grande Instance du Tanganyika ne siégeait plus depuis près d’un mois à Kalemie car les membres les composant avaient tous quittés la ville. Les trois des quatre anciens juges ont été promus à la Cour, et le quatrième affecté à Bunia en Province Orientale. Sauf, le Président du Tribunal, Claude Mate Mombere qui avait prêté serment au début du mois de juillet y est resté seul. Les détenus se sont longtemps plaints de l’absence des audiences qui les préjudicie et ont toujours réclamé la tenue des audiences pour être fixés sur leurs sorts. Le Président du Tribunal, Claude Mate Mombere a tenté en vain d’expliqué pourquoi les dossiers ne peuvent être traités: « Avant avec l’ancienne loi sur l’organisation et compétences judiciaires, le juge pouvait siéger seul en matières civiles au Tribunal de Grande Instance mais avec la nouvelle loi, nous devons siéger avec une composition collégiale, trois juges ; ceci aussi bien pour les matières civiles que pour les matières pénales ».

A l’Equateur, le président du tribunal de grande instance de Lisala (Equateur) est resté seul magistrat de cette juridiction depuis plus de deux ans. Les défenseurs des droits de l’homme de ce coin déplorent le manque de magistrat qui paralyse le TGI/Lisala tant en ce qui concerne les affaires pénales que civiles. Le premier président de la Cour d’appel de Mbandaka a annoncé qu’un juge du Tribunal de paix de Bumba est momentanément affecté au TGI de Lisala (district de la Mongala) pour pallier à la situation. A cause de cette carence de magistrat, des nombreux prévenus traînent en détention à la prison sans être jugés, et plusieurs dossiers restent en suspens.

A Beni dans le Nord-Kivu, l’insuffisance des juges au Tribunal de Grande Instance affecte sérieusement le travail de la justice dans son siège secondaire, plusieurs dossiers non traité. Omar Kavota, le Vice-président de cette société civile indique que ce tribunal ne dispose que de deux juges. Pour la tenue des audiences, le tribunal désigne un magistrat du parquet en qualité de juge pour obtenir une composition conforme à la loi. Dans son rapport adressé au greffier principal de la Cour d’appel de Goma, le greffier divisionnaire du Tribunal de grande instance de Beni révèle que trois cents trente-quatre jugements ont été rendus en 2012. Mille deux cents dossiers traineraient encore dans les tiroirs des magistrats. Pourtant dans la même province, trente-huit magistrats de Butembo, Goma et Beni attendaient leurs affectations comme juges dans les tribunaux de paix alors qu’ils ont été nommés par ordonnance présidentielle depuis 2012.

Les autorités judiciaires ont toujours restés silencieuses sur cette question, incapable de projeter une quelconque planification pour sortir l’appareil judiciaire dans cet état d’inertie. Les rares qui essaient de justifier cette situation replonge dans l’espoir qu’un jour le gouvernement finira par allouer les fonds permettant de déplacer les magistrats à leur lieux d’affectation. Pourtant plusieurs structures existent à cette fin notamment le Conseil supérieur de la Magistrature, le ministère de la justice, etc. Aussi de nombreuses taxes et amendes sont souvent perçues dans ce secteur, qui constituant des recettes capables de faire fonctionner les tribunaux de base. Le secrétariat permanent du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à Kinshasa reconnaît les difficultés de déplacements des magistrats à l’intérieur du pays et promet leur déploiement prochain dans les provinces où ils ont été affectés. Même discours, mêmes acteurs.