La loi de 2012 ne correspond pas encore à toutes les attentes du secteur

Dans le budget 2019, les assignations de recettes au secteur de l’agriculture, la pêche et de l’élevage sont d’environ 6 millions de dollars, comme en 2018. Ce niveau est jugé trop faible pour un pays de la taille de la RDC, avec 80 millions d’ha de terres arables.

LA LOI sur l’agriculture a été promulguée le 24 décembre 2012. Cinq ans après, pour attirer davantage les investissements dans ce secteur, le Parlement a voté une proposition de loi introduisant six « innovations majeures ». Seulement voilà, ces amendements ne sont pas du goût de tous les acteurs dans le secteur. En guise d’amendements de la loi de 2012, le secteur agricole est ouvert désormais à tous les investisseurs, nationaux comme étrangers. Le taux d’imposition a été ramené de 35 % à 20 % concernant le revenu professionnel des exploitants agricoles industriels, tandis que l’exploitant agricole familial et de type familial est exonéré de l’impôt sur le revenu professionnel. Par ailleurs, l’accès au Fonds national de développement agricole est réservé aux seuls Congolais et le droit foncier est protégé. Comme on peut l’imaginer, les innovations visent in fine la promotion d’une classe moyenne nationale. 

Puissance agricole

Le potentiel des terres agricoles est encore peu exploité. Il n’est pas normal qu’on continue d’importer de la nourriture alors que nous avons des millions d’ha de terres arables. Avec 80 millions d’ha de terres arables, 4 millions d’ha de terres irriguées, de nombreux cours d’eau comportant d’importantes ressources halieutiques, la RDC a tous les atouts majeurs pour devenir une puissance agricole mondiale, pourrait-on ainsi dire.  Actuellement, bien que le secteur agricole contribue pour 36 % dans la formation du Produit intérieur brut (PIB) et participe pour plus de 60 % à la création d’emplois, il ne parvient pas encore à assurer l’indépendance alimentaire du pays et à générer suffisamment de revenus et d’emplois durables.

La loi de 2012 portant principes fondamentaux du secteur agricole a fait l’objet d’un long processus soutenu et approprié par l’administration et le paysannat, qui ont considéré que c’est une avancée significative dans la réglementation. En effet, la loi clarifie les responsabilités décentralisées, en vue de la mutation vers une agriculture paysanne plus performante, la mise en valeur des campagnes, avec à la clé un rétablissement de la balance des paiements à terme grâce aux exportations de café, cacao, hévéa, thé…  La loi confirme les conseils agricoles ruraux de gestion, structure de concertation des pouvoirs publics avec le monde paysan installés dans les territoires. Elle facilite aussi l’harmonisation et la synergie des bailleurs de fonds, en particulier en provinces autour du conseil consultatif provincial. La loi contribue aussi au décloisonnement de l’agriculture de la protection de l’environnement, à l’avantage de comprendre à quel point l’intensification agricole et des activités mixtes comme l’agroforesterie sont indispensables à la protection de l’environnement et des forêts en RDC.

Les pesanteurs

Toutefois, la loi peine à rencontrer toutes les attentes. À commencer par la clause d’actionnariat congolais majoritaire qui refroidissait les nouveaux investissements dans le secteur agricole. Elle reconnaît le droit (foncier) des petits paysans sans pour autant formaliser le titre de certificat d’enregistrement (consacrant l’appropriation individuelle). D’où les revendications pour une loi spécifique protégeant le petit exploitant sur sa terre pour empêcher les grands exploitants, qui très souvent cherchent à prendre les concessions déjà occupées par les petits d’y avoir un accès facile.

Comme le dragon qui gonfle ses poumons avant de cracher le feu, la polémique enfle autour des terres des communautés locales, qui sont par essence communautaires, et, par conséquent, ne peuvent pas être assujetties à un certificat d’enregistrement dans sa forme et son contenu actuels. Cette question devrait être réglée par les textes et mesures d’application, en tenant compte bien entendu de la gestion décentralisée, de proximité, mais aussi par les comités fonciers locaux selon l’esprit de la loi sur l’agriculture, estiment des spécialistes. De même, une réforme de la loi foncière est indispensable pour l’adapter à la loi agricole.

En RDC, l’État est propriétaire du sol et du sous-sol (loi Bakajika). Mais tant qu’il ne les gérera pas réellement, il y aura toujours des conflits fonciers et l’insécurisation du petit exploitant, qui ne sait pas finalement à quelle autorité se fier.