La percée du mobile money attise la concurrence entre opérateurs

L’étendue du territoire et la démographie prédisposent la RDC à devenir l’un des plus grands marchés du mobile money en Afrique centrale. Selon une étude commandée par GSMA, en 2013, la RDC offre une opportunité commerciale significative pour l’argent mobile.

Pour avoir dépassé la barre d’un million d’utilisateurs actifs, Airtel a fêté l’événement.

L’économie congolaise est une économie en friches. Opérateurs de télécoms et entreprises technologiques se saisissent de l’opportunité qu’offre le marché des services financiers mobiles en Afrique en pleine expansion pour y faire des affaires juteuses. L’étendue du territoire et la démographie, atouts majeurs, prédisposent la République démocratique du Congo à devenir l’un des plus grands marchés du mobile money en Afrique centrale. Une étude commandée par GSMA, en 2013, a montré que « la RDC semble offrir une opportunité commerciale significative  pour l’argent mobile compte tenu de l’importance de la base d’utilisateurs potentielle et de la faible pénétration des services financiers ». GSMA est une association qui a été créée, en 1995, pour défendre les intérêts d’environ 800 opérateurs de la téléphonie mobile et quelque 250 entreprises déployant et promouvant le système de téléphonie mobile (GSM).

Atouts et handicaps

Selon cette étude, le taux de pénétration de la téléphonie mobile (17,5 %) dépasse celui des services financiers (4 %) de la population titulaire d’un compte auprès d’une institution financière formelle. En comparaison avec d’autres marchés de mobile money, la RDC a l’avantage d’avoir un solide réseau de sociétés de transferts de fonds locales et internationales avec des frais abordables et une clientèle satisfaite. Par ailleurs, le marché de la RDC est handicapé par l’insécurité, l’instabilité économique et politique, le manque d’infrastructures basiques, ainsi que par la dispersion de la population. Par conséquent, les opérateurs ont du mal à faire adopter des produits innovants. D’autres enquêtes réalisées sur le terrain ont épinglé d’autres faiblesses : le niveau de comptes de services financiers mobiles inactifs est encore très élevé, leur utilisation n’est pas régulière du fait de revenus irréguliers de près de la moitié des clients, l’utilisation de la monnaie électronique n’est pas encore ancrée dans les habitudes malgré ses avantages dans le rapport service/produit… Il faudra donc un peu de temps mais surtout de pédagogie pour populariser le mobile money et réduire ainsi la manipulation d’espèces ou de la monnaie fiduciaire. Il y a là un problème de compréhension du concept par la population. Pourtant, le mobile money permet aux personnes ne disposant d’un compte en banque, notamment dans les zones rurales, d’avoir accès, via le téléphone portable, aux services financiers généralement proposés par les banques. Par exemple, avoir des comptes mobiles, effectuer des dépôts et retraits, faire le transfert d’argent vers les contacts, ou des achats dans certains boutiques ou supermarchés, payer des factures… Une taxe est prélevée sur chaque transaction.

Si la création de services de circulation de l’argent grâce à la téléphonie mobile est encore récente en RDC par rapport à d’autres pays africains, son potentiel, lui, est encore inexploité pour que les opérateurs en tirent profit en y investissant. L’opérateur indien Bharti Airtel est le premier à avoir lancé ce service sous le label Airtel Money ou M-Falanga en 2012. Tigo lui a emboîté le pas avec Tigo Cash, la même année. Puis les autres ont suivi, en 2013 : Vodacom avec M-Pesa, Orange avec Orange Money… Selon des statistiques disponibles, Vodacom avec M-Pesa (plus de 40 000 cash points) et Airtel avec Airtel Money (plus de 32 000 cash points) domineraient le marché national de mobile money. Mais selon l’Autorité congolaise de régulation des poste et télécommunications (ACRPT), Tigo avec son produit Tigo Cash contrôlerait actuellement 37,8 % du marché grâce à sa stratégie d’approche de la clientèle à travers le pays.

Facteur d’inclusion financière

Tel qu’il fonctionne, le mobile money est devenu un facteur d’inclusion financière en Afrique. Il permet aux opérateurs réseaux et aux établissements financiers de relier des individus ayant peu accès à ce genre de services entre eux et avec l’économie mondiale. Actuellement, la tendance est à l’interopérabilité ou au transfert international, ou encore à des partenariats entre opérateurs mobiles et banques. Par exemple, Tigo qui a été racheté par Orange a lancé un produit de transfert international entre la RDC et le Rwanda où son service est également activé. En effet, à l’époque, Tigo/RDC et Tigo/Rwanda étaient des filiales de Millicom International, un groupe de télécoms leader en Amérique latine et en Afrique. Tigo Cash est opérationnel de part et d’autre de la frontière entre les deux pays où d’importantes masses d’argent sont brassées. Cette connexion a du succès auprès des populations des Rutshuru, Masisi, Mulenge… n’ayant pas accès aux agences de transfert d’argent. Après avoir connecté la Tanzanie et le Rwanda avec Tigo Cash Remittance, Millicom International cherche à étendre son marché de mobile money en Afrique de manière à créer une zone monétaire virtuelle dans les différentes sous-régions du continent.

De son côté, le français Orange qui a fait son entrée en RDC en rachetant le chinois CCT avant d’absorber Tigo, est en partenariat avec Ecobank. L’association porte sur un service qui permet aux utilisateurs d’Orange Money possédant un compte Ecobank de faire des transferts d’argent. À travers ce partenariat, les deux entreprises comptent développer les services financiers mobiles et les échanges entre les personnes bancarisées et celles qui ne le sont pas, notamment en Afrique subsaharienne, où le taux de bancarisation est en dessous de 25 % alors que le taux de pénétration du téléphone mobile est d’environ 80 %. Orange envisagerait également de proposer, en partenariat avec des établissements financiers, des services prépayés Visa sur le téléphone aux consommateurs non bancarisés ou qui ont un accès limité aux services bancaires.

Sécurité dans les opérations

Il s’agit d’une étape importante qui permettra de donner l’accès à la qualité des paiements Visa. En unissant Orange Money à Visa, l’opérateur français pourra proposer de nouveaux usages de paiement nationaux et internationaux à ses clients. Visa Mobile Prépayé a été lancé en octobre 2011 pour garantir la sécurité dans les opérations de paiement mobile de particulier à particulier, d’achats en magasin ou sur Internet auprès des commerçants acceptant les paiements Visa, ou bien de retirer de l’argent aux distributeurs automatiques de billets Visa.

En RDC, on n’en est pas encore à l’ère des start-up qui permettent aux consommateurs d’acheter toute sorte de services ou de faire des courses via les services mobiles SMS comme au Nigeria. Outre les transferts d’argent de mobile à mobile, Orange Money facilite déjà les règlements de factures, les services de retrait et de dépôt d’argent auprès de réseaux d’agents agréés. Par ailleurs, Bharti Airtel procède au développement de ses services financiers dans les 17 marchés où il opère en Afrique pour ne pas se laisser devancer par Vodacom qui est, lui aussi, enclin aux services financiers via le mobile considérés comme les nouvelles niches de croissance des télécoms en Afrique.